Editeur : H.Tag
Nombre
de pages : 246
Résumé : Après des siècles de recherches et de
fantasmes, la solution pour devenir immortel est enfin trouvée. Très vite, la Terre est surpeuplée et l’interdiction de donner
naissance devient une nécessité. Toute femme trouvée enceinte est forcée
d’avorter, tout enfant découvert vivant est abattu sans sommation. Un couple va
braver la loi à plusieurs reprises, jusqu’à ce que le petit June survive à la
traque des puissants. Enfermé dans une cave pour sa protection, le garçon va
s’échapper et se retrouver au coeur d’un groupe de rebelles : les Éphémères.
Un grand merci à Azelma
Sigaux pour l’envoi de ce volume (et la petite dédicace) et à la plateforme
SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.
- Un petit extrait -
« Il fallait renouveler la vie avant qu’elle ne croupît. Voilà une règle d’or que tout être vivant normalement constitué avait bien assimilée.Ou presque. Les êtres humains ne semblaient, pour leur part, pas connaître grand-chose de cette vérité de base. Parce qu’ils étaient prétentieux, mal fichus ou juste angoissés, ces bipèdes enrobés de tissus s’avéraient plutôt revêches sur le sujet. En ce qui concernait la vie, ils en voulaient toujours plus. Pour ce qui était de la mort, ils tentaient par tous les moyens de l’oublier. La vie paraissait soit trop courte, soit trop injuste à leurs yeux. La mort, bien qu’omniprésente, demeurait taboue. Malsaine.Elle était pourtant visible, dégoulinant sur les étalages des boucheries. Elle se tenait encore là, écrasée sur les casques des motards. Elle apparaissait à nouveau ici, tantôt sur les mains terreuses des maraîchers, tantôt sous les balles des soldats. Mais quand elle osait surgir dans les rides au coin des yeux ou dans la blancheur des cheveux, alors il fallait la cacher à tout prix. Au sens premier du terme. Chirurgie, coloration, greffes, rien n’était trop coûteux pour maquiller la vieillesse, son signe annonciateur. »
- Mon avis sur le livre -
Quel crève-cœur que de devoir sélectionner un
unique petit extrait pour illustrer cette chronique au détriment de la myriade
d’autres passages percutants et magnifiques dont regorge ce récit ! C’est
un problème que j’avais déjà rencontré avec Absurditerre de la même autrice : chaque page
abonde de petites phrases aussi belles que frappantes qu’on aimerait partager
au monde entier ! Je suis définitivement sous le charme de la plume d’Azelma
Sigaux, et dans la famille, je ne suis pas la seule : Absurditerre est devenu le livre préféré de Petit frère,
pourtant grand réfractaire à la lecture, qui l’a déjà lu plus d’une dizaine de
fois (à l’endroit, à l’envers, par chapitre …) et qui semblait intéressé par le
résumé de ce nouveau roman, et maman est impatiente de découvrir Les
éphémères sont éternels, ayant
elle-aussi beaucoup aimé Absurditerre … Bref, autant dire que j’avais intérêt à le lire vite si je
voulais pouvoir le terminer avant que quelqu’un ne me le pique !
2042. La mort est abolie : grâce à une découverte
aussi prodigieuse qu’inespérée, l’immortalité est désormais une réalité. Au
lendemain de leur vingt-troisième anniversaire, âge considéré comme le moment
optimal de la vitalité, chaque individu doit recevoir sa première injection de
Bogolux, injection qui sera renouvelée tous les trois ans. Parallèlement à
cette obligation, l’interdiction d’enfanter est également décrétée afin d’éviter
de surpeupler la planète … Mais certains couples bravent l’interdit et donnent
illégalement naissance à des enfants. Pour protéger June, ses parents le
gardent précieusement enfermé dans la cave. Mais, après dix ans de captivité
forcée, le petit garçon s’échappe … Traqué par les forces de l’ordre, qui ont
pour mission d’abattre sans sommation tout enfant, June ne doit la vie qu’à l’intervention
de Bernie, mortel lui aussi. Le jeune garçon rejoint alors les rangs des
Ephémères, poignée d’enfants recueillis par Bernie qui, comme June, ont
développé d’étranges capacités extrasensorielles dont ils se servent pour tenter
d’éveiller les consciences de ces immortels dépendants et déprimés de leur vie
éternelle …
Depuis la nuit des temps, la grande quête de
l’homme, c’est l’immortalité. L’abolition de la mort. La vie infinie. Pour ne
pas perdre ceux qui nous sont chers. Pour ne pas sombrer dans l’oubli une fois
revenus à la terre. Pour gagner quelques années de vie supplémentaire, les
hommes sont prêts à tout … Même à disséquer semaine après semaine un malheureux
poisson, unique en son genre, immortel et doté d’incroyables capacités autorégénérantes.
Parce qu’après tout, ce n’est qu’un misérable animal, et nous sommes des
Hommes, donc nous avons le droit de faire souffrir un simple poisson pour
servir nos propres intérêts, n’est-ce pas ? Surtout si cela peut rapporter
des sous aux puissants de ce monde … Mais ça, bien sûr, on ne le dit pas. Il ne
faudrait surtout pas que ces milliards d’immortels en viennent à se rebeller
contre l’ordre établi et qu’ils cessent de consommer du Bogolux !
Alors, on leur rappelle continuellement quelle est leur chance : « Le
monde leur appartenait. Ils avaient l’opportunité de voir défiler les siècles,
ils avaient la chance de ne plus manquer de temps. Ils pouvaient expérimenter
tout ce qui leur traversait l’esprit. Ils étaient capables de survivre à toutes
les folies. Jamais ils ne connaitraient les bombardements ni les cancers, et
encore moins les problèmes de la vieillesse » …
Imaginez un monde peuplé d’immortels, un
monde où les maladies n’existent plus, un monde où la vieillesse n’existe plus :
tout le monde est continuellement en excellente santé, en bonne forme. On a
tout le temps du monde devant soi : même les projets les plus titanesques
deviennent réalisables. Alors que les « humains pré-Bogolux »
mourraient sans avoir accomplis leurs rêves, faute de temps ! Imaginez un
monde où la guerre est impossible : s’il n’est pas possible de tuer ses
ennemis, comment voulez-vous mettre fin aux conflits ? Imaginez un monde à
l’économie florissante, où il y a du travail et un logement pour tout le monde
et où les problèmes financiers n’existent plus. Ça fait rêver, n’est-ce pas ?
Je pense que si l’on nous proposait de choisir entre mortalité dans notre monde
en perdition et immortalité dans cette société apaisée, on n’hésiterait pas
bien longtemps … Même si cela signifie démembrer quotidiennement un poisson pour
fournir suffisamment d’élixir de vie éternelle (« après tout, ce n’est qu’un
animal ! » diront beaucoup).
Mais si je vous dis que cette vie éternelle
se double d’une interdiction formelle d’avoir des enfants, d’une baisse
progressive des facultés intellectuelles, d’une obligation de travailler ad vitam
aeternam (« pour la
vie éternelle », et ce n’est plus une expression), sans oublier une
déprime grandissante au fur et à mesure que l’euphorie du début retombe … Cela
vous donnerait-il toujours envie ? La vie peut-elle avoir un sens sans la
mort ? C’est la première question que nous pose ce livre : « entre
un magnifique mandala qui s’envole au moindre coup de vent et un tableau
indélébile aux couleurs ternies par le temps, lequel des deux est le plus
mémorable ? » … Entre une vie courte mais intense et une vie longue
mais monotone, que préférons-nous ? Azelma Sigaux nous présente ici un
monde figé, comme si le temps, au lieu de s’étendre comme on aurait pu le
penser, c’était finalement arrêté. Chaque jour ressemble au précédent. Et ceux
qui auparavant craignaient la mort sont désormais prisonniers à tout jamais de
la vie. « Ne jamais tenter de mettre fin à ses jours » par le feu,
voici l’une des grandes règles. Condamnés à vivre une vie sans joie, sans
espoir, sans rêve. Et désormais, la mort ne viendra jamais les libérer de leurs
tourments.
Face à ces immortels, il y a les Ephémères.
Ces enfants miraculés, fruits de l’insubordination d’immortels bien décidés à
donner la vie. Mortels, doués de capacités extrasensorielles, ces jeunes
croquent la vie à pleines dents. Ils ont la tête et le cœur pleins de rêves. Leur
vie est loin d’être aussi confortable que celle des immortels : traqués,
ils sont obligés de se cacher dans un bunker souterrain, séparés de leurs
parents, considérés comme des criminels qu’il faut abattre à tout prix … Et
pourtant ils sont heureux. « La vie est courte, mais elle est belle »,
nous dit Bernie, doyen des Ephémères, qui voit sa fin approcher. Sans crainte,
sans regrets. Car il a pris soin de ces enfants, de ses enfants – non pas de
sang mais de cœur – et il sait que « la mort fait partie de la vie ».
A ses yeux, c’est la peur de la mort elle-même qui « procure l’envie d’embellir
notre existence et celle des autres » … Car Bernie ne se bat pas pour
lui-même, il se bat pour les autres. Pour ces petits Ephémères qu’il a aidé à
grandir, mais aussi pour ces immortels prisonniers de cette immortalité imposée
par les autorités, prisonniers de leur esprit en pleine décadence …
En bref, comme je m’y attendais, Azelma
Sigaux nous offre une fois encore un magnifique récit qui fut un nouveau coup
de cœur. J’aime sa façon de raconter les histoires, et j’aime les histoires
qu’elle nous raconte. J’aime l’équilibre qu’elle sait trouver entre récit captivant
et éveil des consciences. J’aime la poésie de sa plume, j’aime le rythme de ses
intrigues. J’aime ses personnages, attachants et fragiles. Et j’aime les
messages qu’elle transmet sans en avoir l’air, j’aime sa manière de nous
inviter à réfléchir sur la vie, sur le monde, sur notre société, sur nous-même.
Je pourrais parler des heures durant de ses romans, tant ils me secouent, tant
ils me passionnent, tant ils m’interpellent. Vraiment, Les
Ephémères sont éternels est un
roman qui plaira autant aux amateurs de récits de science-fiction qu’aux
adeptes d’essais philosophiques, car ici, l’histoire se mêle habilement à la
réflexion, et chacun peut y trouver son compte. Alors, n’hésitez plus et
procurez-vous ce livre ! Et ensuite, posez-vous la question :
préférez-vous le fragile coquelicot qui fane à peine cueilli, ou le solide mais
morne bouquet en plastique ?
Ce livre
a été lu dans le cadre du Tournoi des 3 Sorciers
(plus
d’explications sur cet article)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire