Editeur : Héloïse d’Ormesson
Nombre
de pages : 178
Résumé : À travers le regard de collégiennes
complices, de passagers du RER A ou d’un prédateur machiavélique, ces nouvelles
nous invitent à plonger dans les méandres du cœur, à découvrir les ténèbres de
la dictature chilienne et les secrets de la création.
Un grand merci à
lecteurs.com pour l’envoi de ce volume.
- Un petit extrait -
« Chaque jour vous me foulez de vos pieds. Chaque jour vous pillez un peu plus ce qui, d’après vous, vous revient de droit. Sans jamais me remercier. (Amélie Gyger, Le rôle d’une mère) »
- Mon avis sur le livre -
Un de mes grands regrets, c’est de ne pas
avoir appris l’existence du Prix Clara lorsque j’étais encore en âge d’y
participer … Ces huit jeunes écrivains, âgés de moins de 17 ans, ont la chance
et la joie de savoir que leurs écrits, leurs histoires, leurs mots couchés sur
le papier, participent à soutenir une association, l’ARCFA, qui œuvre pour la
recherche en cardiologie. Il ne me reste donc plus qu’à me contenter de lire
leurs nouvelles en attendant l’invention de la machine à rajeunir ! Et
le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils sont drôlement doués, ces jeunes écrivains
en herbe ! Bien sûr, certaines nouvelles m’ont plus touchée que d’autres,
mais j’ai vraiment trouvé cette sélection, éclectique tant au niveau des
thématiques abordées que de la forme du récit, vraiment sympathique !
La première nouvelle, Le rôle d’une
mère d’Amélie Gyger, se présente
comme un long monologue ininterrompu – ou presque, la locutrice-narratrice rappelant
régulièrement le lecteur-auditeur à l’ordre … Le monologue d’une mère fatiguée,
dépassée par les frasques et les folies de ses nombreux enfants, qui ont
totalement oublié tout ce qu’elle a fait pour eux, et qui la haïssent, la
détruisent. Petit à petit, le doute s’insinue dans l’esprit du lecteur, qui devine
petit à petit qui est en train de lui parler ainsi, qui est en train de
raconter son désespoir … Saurons-nous répondre à l’appel de cette mère ?
La seconde nouvelle, intitulée RER A, est l’œuvre de Chloé Kerlau … et fait
indéniablement parti de mon top 3 ! Un train et ses passagers. Des
centaines d’individus qui se croisent, chacun englué dans son quotidien, un
quotidien qui se répète jour après jour. Alors, des liens se tissent, petit à
petit. Des sourires naissent, des paroles s’échangent, des amitiés se créent,
des dialogues se font et se défont au fil des arrêts. La routine s’installe,
banale et rassurante. Jusqu’au jour où tout bascule. Une histoire qui commence
dans la douceur des belles rencontres pour s’achever dans la douleur des grands
adieux …
La troisième nouvelle, Imagine
girls like girls de Claire
Kozlow, m’a moins touchée. Elle est jolie, elle raconte l’histoire de deux
jeunes filles blessées par la vie, qui se cachent soit derrière une arrogance
charismatique soit derrière son invisibilité timide, et qui se livrent l’une à
l’autre à travers des lettres. Elle est jolie et mignonne, cette belle histoire
d’amitié – et plus peut-être –, mais n’a pas su me faire vibrer autant que d’autres
textes de ce recueil.
J’ai au contraire beaucoup apprécié la
quatrième nouvelle, La pie de Cléa. Dans une lettre passionnée, qui s’avère être une lettre de
présentation destinée à un éditeur, Violette raconte la relation qu’elle
entretient avec les personnages de son roman, elle raconte leur naissance et le
temps qu’elle a passé en leur compagnie, elle exprime enfin le bonheur qu’ils
lui ont apporté, et sa volonté de les voir aider d’autres personnes. Tout
lecteur qui écrit ne pourra que s’identifier à Violette, qui met des mots pour
ce que ressentent bien des écrivains pour les personnages de leur première
histoire – et des suivantes également.
Chili 73 de Maélis Letté-Branche est une nouvelle
coup de poing. Aussi dure que les coups que reçoit Sébastian, le héros de cette
histoire se déroulant au Chili en 1973, tandis que débute la dictature
militaire d’Augusto Pinochet. Sébastian est arrêté car il appartient à un club
communiste. Torturé, autant physiquement que psychologiquement, il raconte son
calvaire. C’est dur à lire, car c’est bien écrit, on ressent presque sa
souffrance, on a mal avec et pour lui. Car on sait que des dizaines d’hommes et
de femmes, qui ne sont pas de simples personnages de papier, on vécut ces horreurs,
et sans doute pire …
Lilou Marbais, avec sa nouvelle Jusqu’au
bout, évoque elle aussi une dure
réalité, bien plus proche de nous celle-là … Celle du harcèlement scolaire. Aux
yeux de ses camarades, Laura n’est plus que « l’Intellote », la « Moche »,
la « Grosse », celle à qui on vole les cahiers pour qu’elle soit
punie, celle qu’on gifle à chaque récréation, celle sur qui on renverse les
plateaux à la cantine, celle qu’on filme en train de se faire humilier pour
mieux l’afficher sur les réseaux sociaux. Et personne ne lutte contre ça. Tout
le monde le sait, élèves, surveillants et professeurs. Mais on lui enjoint de
cesser de se plaindre, ce ne sont que des plaisanteries de collégiens voyons,
arrête de faire ton bébé ! Tout pour ne pas ternir la réputation de l’établissement
… Malheureusement, Lilou n’invente rien, n’amplifie rien. Elle ne fait que raconter
le calvaire que vivent beaucoup trop de jeunes, qui vont parfois « jusqu’au
bout » pour échapper à cette vie qui n’en est plus une.
Je n’ai pas été particulièrement happée par Le chaperon
rouge de Gabrielle Mpacko Priso …
La transposition du conte du Petit Chaperon Rouge dans un contexte contemporain
était intéressante, mais je n’ai pas réussi à m’immerger dans le récit, à la
fois trop malsain et trop superficiel. La chute est certes stupéfiante par sa
formulation, mais elle ne surprend pas réellement, car on s’y attend. Je pense
que c’est ma seule véritable déception dans ce recueil …
Le meilleur pour la fin ! Victor
Plantefève, seul garçon de cette sélection, nous captive avec sa nouvelle de
science-fiction La vidéo …
Imaginez : sur internet circule une vidéo surprenante, dont nul ne connait
réellement l’origine mais qui montre à quiconque la regarde un aperçu de son
avenir. Après le visionnage, vous connaissez votre destin. Le monde se partage
alors entre les « élus » qui se reposent sur leurs lauriers, et les « déchus »
qui savent qu’ils ne deviendront rien. Une vague de suicide incroyable secoue
le monde, tandis que Simon refuse de regarder la vidéo et demande à ses amis
qui l’ont vu dans leur avenir de ne rien lui dire … On dévore cette nouvelle
qui interroge avec brio la question de la destinée et de la fatalité, et qui
nous rappelle que rien n’est jamais figé dans le marbre et que notre avenir
dépend aussi de nos choix. J’adore !
En bref, vous l’aurez bien compris, dans ce
recueil, diversité rime avec qualité ! Ces huit jeunes auteurs, bourrés de
talent, nous vont sourire et voyager, mais aussi pleurer et réfléchir. Ils
illustrent à merveille le dicton qui veut que « la valeur n’attend pas le
nombre des années » et nous offrent un recueil d’une richesse incroyable !
Pour ma part, je retiendrais surtout Une vidéo, Jusqu’au bout et RER A, avec également une mention spéciale à Le rôle d’une mère dont j’aime beaucoup la chute ! Si
vous aimez les nouvelles, surtout, n’hésitez pas à acheter chaque année les Nouvelles d’ados du Prix Clara, ça vaut clairement le cout
niveau plaisir de lecture et les bénéfices sont reversées à une association, le
combo parfait en somme !
Ce livre
a été lu dans le cadre du Tournoi des 3 Sorciers
(plus
d’explications sur cet article)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire