samedi 18 mai 2019

Nouvelles d'ados : Prix Clara 2017 - Collectif


Nouvelles d’ados : Prix Clara 2017, Collectif

Editeur : Héloïse d’Ormesson
Nombre de pages : 178

Résumé : À travers le regard de collégiennes complices, de passagers du RER A ou d’un prédateur machiavélique, ces nouvelles nous invitent à plonger dans les méandres du cœur, à découvrir les ténèbres de la dictature chilienne et les secrets de la création.

Un grand merci à lecteurs.com pour l’envoi de ce volume.






- Un petit extrait -

« Chaque jour vous me foulez de vos pieds. Chaque jour vous pillez un peu plus ce qui, d’après vous, vous revient de droit. Sans jamais me remercier. (Amélie Gyger, Le rôle d’une mère)  »

- Mon avis sur le livre -

Un de mes grands regrets, c’est de ne pas avoir appris l’existence du Prix Clara lorsque j’étais encore en âge d’y participer … Ces huit jeunes écrivains, âgés de moins de 17 ans, ont la chance et la joie de savoir que leurs écrits, leurs histoires, leurs mots couchés sur le papier, participent à soutenir une association, l’ARCFA, qui œuvre pour la recherche en cardiologie. Il ne me reste donc plus qu’à me contenter de lire leurs nouvelles en attendant l’invention de la machine à rajeunir ! Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils sont drôlement doués, ces jeunes écrivains en herbe ! Bien sûr, certaines nouvelles m’ont plus touchée que d’autres, mais j’ai vraiment trouvé cette sélection, éclectique tant au niveau des thématiques abordées que de la forme du récit, vraiment sympathique !

La première nouvelle, Le rôle d’une mère d’Amélie Gyger, se présente comme un long monologue ininterrompu – ou presque, la locutrice-narratrice rappelant régulièrement le lecteur-auditeur à l’ordre … Le monologue d’une mère fatiguée, dépassée par les frasques et les folies de ses nombreux enfants, qui ont totalement oublié tout ce qu’elle a fait pour eux, et qui la haïssent, la détruisent. Petit à petit, le doute s’insinue dans l’esprit du lecteur, qui devine petit à petit qui est en train de lui parler ainsi, qui est en train de raconter son désespoir … Saurons-nous répondre à l’appel de cette mère ?

La seconde nouvelle, intitulée RER A, est l’œuvre de Chloé Kerlau … et fait indéniablement parti de mon top 3 ! Un train et ses passagers. Des centaines d’individus qui se croisent, chacun englué dans son quotidien, un quotidien qui se répète jour après jour. Alors, des liens se tissent, petit à petit. Des sourires naissent, des paroles s’échangent, des amitiés se créent, des dialogues se font et se défont au fil des arrêts. La routine s’installe, banale et rassurante. Jusqu’au jour où tout bascule. Une histoire qui commence dans la douceur des belles rencontres pour s’achever dans la douleur des grands adieux …

La troisième nouvelle, Imagine girls like girls de Claire Kozlow, m’a moins touchée. Elle est jolie, elle raconte l’histoire de deux jeunes filles blessées par la vie, qui se cachent soit derrière une arrogance charismatique soit derrière son invisibilité timide, et qui se livrent l’une à l’autre à travers des lettres. Elle est jolie et mignonne, cette belle histoire d’amitié – et plus peut-être –, mais n’a pas su me faire vibrer autant que d’autres textes de ce recueil. 

J’ai au contraire beaucoup apprécié la quatrième nouvelle, La pie de Cléa. Dans une lettre passionnée, qui s’avère être une lettre de présentation destinée à un éditeur, Violette raconte la relation qu’elle entretient avec les personnages de son roman, elle raconte leur naissance et le temps qu’elle a passé en leur compagnie, elle exprime enfin le bonheur qu’ils lui ont apporté, et sa volonté de les voir aider d’autres personnes. Tout lecteur qui écrit ne pourra que s’identifier à Violette, qui met des mots pour ce que ressentent bien des écrivains pour les personnages de leur première histoire – et des suivantes également.

Chili 73 de Maélis Letté-Branche est une nouvelle coup de poing. Aussi dure que les coups que reçoit Sébastian, le héros de cette histoire se déroulant au Chili en 1973, tandis que débute la dictature militaire d’Augusto Pinochet. Sébastian est arrêté car il appartient à un club communiste. Torturé, autant physiquement que psychologiquement, il raconte son calvaire. C’est dur à lire, car c’est bien écrit, on ressent presque sa souffrance, on a mal avec et pour lui. Car on sait que des dizaines d’hommes et de femmes, qui ne sont pas de simples personnages de papier, on vécut ces horreurs, et sans doute pire …

Lilou Marbais, avec sa nouvelle Jusqu’au bout, évoque elle aussi une dure réalité, bien plus proche de nous celle-là … Celle du harcèlement scolaire. Aux yeux de ses camarades, Laura n’est plus que « l’Intellote », la « Moche », la « Grosse », celle à qui on vole les cahiers pour qu’elle soit punie, celle qu’on gifle à chaque récréation, celle sur qui on renverse les plateaux à la cantine, celle qu’on filme en train de se faire humilier pour mieux l’afficher sur les réseaux sociaux. Et personne ne lutte contre ça. Tout le monde le sait, élèves, surveillants et professeurs. Mais on lui enjoint de cesser de se plaindre, ce ne sont que des plaisanteries de collégiens voyons, arrête de faire ton bébé ! Tout pour ne pas ternir la réputation de l’établissement … Malheureusement, Lilou n’invente rien, n’amplifie rien. Elle ne fait que raconter le calvaire que vivent beaucoup trop de jeunes, qui vont parfois « jusqu’au bout » pour échapper à cette vie qui n’en est plus une. 

Je n’ai pas été particulièrement happée par Le chaperon rouge de Gabrielle Mpacko Priso … La transposition du conte du Petit Chaperon Rouge dans un contexte contemporain était intéressante, mais je n’ai pas réussi à m’immerger dans le récit, à la fois trop malsain et trop superficiel. La chute est certes stupéfiante par sa formulation, mais elle ne surprend pas réellement, car on s’y attend. Je pense que c’est ma seule véritable déception dans ce recueil …

Le meilleur pour la fin ! Victor Plantefève, seul garçon de cette sélection, nous captive avec sa nouvelle de science-fiction La vidéo … Imaginez : sur internet circule une vidéo surprenante, dont nul ne connait réellement l’origine mais qui montre à quiconque la regarde un aperçu de son avenir. Après le visionnage, vous connaissez votre destin. Le monde se partage alors entre les « élus » qui se reposent sur leurs lauriers, et les « déchus » qui savent qu’ils ne deviendront rien. Une vague de suicide incroyable secoue le monde, tandis que Simon refuse de regarder la vidéo et demande à ses amis qui l’ont vu dans leur avenir de ne rien lui dire … On dévore cette nouvelle qui interroge avec brio la question de la destinée et de la fatalité, et qui nous rappelle que rien n’est jamais figé dans le marbre et que notre avenir dépend aussi de nos choix. J’adore !

En bref, vous l’aurez bien compris, dans ce recueil, diversité rime avec qualité ! Ces huit jeunes auteurs, bourrés de talent, nous vont sourire et voyager, mais aussi pleurer et réfléchir. Ils illustrent à merveille le dicton qui veut que « la valeur n’attend pas le nombre des années » et nous offrent un recueil d’une richesse incroyable ! Pour ma part, je retiendrais surtout Une vidéo, Jusqu’au bout et RER A, avec également une mention spéciale à Le rôle d’une mère dont j’aime beaucoup la chute ! Si vous aimez les nouvelles, surtout, n’hésitez pas à acheter chaque année les Nouvelles d’ados du Prix Clara, ça vaut clairement le cout niveau plaisir de lecture et les bénéfices sont reversées à une association, le combo parfait en somme !



Ce livre a été lu dans le cadre du Tournoi des 3 Sorciers
(plus d’explications sur cet article)

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