Editeur : Autoédition
Nombre
de pages : 133
Résumé : Il l’avait marqué d’une croix rouge sur son
bras numérisé, Charly Leers avait attendu ce jour toute sa vie. C’était le 2
janvier 2112 qu’il allait réaliser son plus grand rêve – celui de toucher le
pactole, celui d’être riche. Mais il ne se doutait pas qu’après avoir tout
gagné, il allait tout perdre au cours de cette même journée.
Quand l’Homme le plus
puissant du monde décide d’appuyer sur l’interrupteur, c’est toute l’Humanité
qui se retrouve plongée dans le noir.
Un grand merci à Valentin
Auwercx pour l’envoi de ce volume et à la plateforme SimPlement pour avoir
rendu ce partenariat possible.
- Un petit extrait -
« Non, personne ne croyait la fin possible, là était le véritable danger.Quand l’Homme vomissait son quotidien sur la planète, il ne voyait pas l’impact direct de son geste. Un quelconque individu montrait son déni de conscience dès la première heure d’une journée. Il se levait, allumait sa lumière fournie au nucléaire, restait 20 minutes sous la douche car ça réveille et ça détend, enfilait son 5ème pantalon de la semaine, son 8ème tee-shirt alors qu’il n’était que jeudi, utilisait des cosmétiques de torture animale, avalait un verre de jus d’oranges pressées à l’autre bout du monde, compacté dans du plastique qui finira sur le 7ème continent, ne mangeait qu’à moitié une tartine recouverte d’un chocolat saveur déforestation de masse, chaussait des baskets fabriquées par des orphelins payés à la cacahuète, de l’autre côté des océans, se blottissait dans un manteau raffiné au pétrole et montait dans sa voiture fumante de CO².Tout le monde faisait ce genre de chose, mais tout le monde n’était qu’un petit moi qui n’était pas responsable. Ils étaient des milliards de petit moi, en participant à ce déni universel, tous se suivaient vers une fin du monde – quelle qu’elle soit »
- Mon avis sur le livre -
Il faut savoir que je suis toujours assez « sceptique »
face aux préquelles et autres récits imbriqués dans l’univers d’un autre roman
de l’auteur … Tout simplement parce que ces « histoires complémentaires »
tombent généralement dans deux travers : soit elles présentent des
incohérences avec le récit principal, soit, au contraire, pour coller
parfaitement avec ce qui est raconté dans ce-dit récit principal, elles n’apportent
absolument rien de nouveau. C’est un équilibre fort délicat à trouver pour les
auteurs qui désirent se lancer dans ce genre de projet : raconter une
histoire complète, autonome et nouvelle sans créer de contradiction avec le
récit original … Je vais le dire tout de suite : Valentin Auwercx a
parfaitement su trouver cet équilibre. La preuve en est qu’il n’est absolument
pas nécessaire d’avoir lu Le temps d’une étoile pour comprendre cette novella, qui est donc parfaitement indépendante
et autosuffisante ! Mais quel plaisir pour le lecteur du roman de
découvrir cet « avant », évoqué pour poser le contexte mais suffisamment
peu développé pour laisser la possibilité à l’auteur de nous le raconter dans
une autre histoire …
2 janvier 2112. Cette date, Charly Leers et
Dormund Portef l’attendaient avec impatience … mais pas pour la même raison. Le
premier comptaient les jours qui le séparaient de son grand rêve, celui de
devenir millionnaire, d’être Riche, d’être Important, d’être plus Grand que la populace
qu’il regarde du haut de son immeuble. Le second, quant à lui, exulte :
dans quelques heures, l’avenir tout entier de l’Humanité sera bouleversé, grâce
à lui. Lui qui sait que l’Humanité court à sa perte si personne ne se dévoue
pour changer drastiquement les choses. Lui qui sait que le Grand Zéro est tout
proche et que, très bientôt, toute la richesse du monde ne sera plus rien, une
fois que les chiffres inscrits dans les comptes en banques ne pourront plus
jamais s’afficher sur aucun écran. 2 janvier 2112. Pour Charly, ce qu’il pense
être le début de sa nouvelle existence. Pour Dormund, ce qu’il sait être la fin
d’une ère.
Avec Le temps d’une étoile, Valentin Auwercx nous proposait une
magnifique histoire d’amour, teintée d’espérance. Avec Demain les
hommes, il nous
propose de vivre « en direct » une terrible apocalypse programmée :
celle d’une Humanité dopée à la technologie, droguée à l’argent, qui ne sait
plus ce qu’est la vie. Il nous invite à faire la rencontre de deux hommes, liés
par une transaction économique, mais que tout oppose. Charly est ce que j’appellerais
un « homme infect ». Sa seule préoccupation au monde, c’est son
compte en banque. Car il est persuadé que l’argent fait le bonheur, qu’il sera
le plus heureux des hommes une fois qu’il fera partie du cercle des
millionnaires. Il trompe sa femme, mais ce n’est pas sa faute, c’est elle qui
ne lui consacre pas assez d’attention et ne comble pas suffisamment ses
attentes insatiables. Il est égoïste et hypocrite, mais ce n’est pas sa faute,
c’est la société qui l’a modelé ainsi. A ses yeux, rien n’est jamais de sa
faute, il n’est responsable de rien, ce sont toujours les autres ….
Mais ne serions-nous pas un peu comme Charly,
au final, lorsque nous haussons les épaules quand quelqu’un évoque le réchauffement
climatique et les mesures écologiques, en disant que « c’est inutile, il
faudrait que tout le monde le fasse, pas uniquement moi ». On se dédouane
en insinuant que ce sont les autres, les méchants, les autres qui refusent de
faire des efforts, les autres, toujours les autres. On refuse d’admettre que l’on
est tout autant coupable qu’eux … Car le gros problème, c’est que personne n’a
le courage de montrer l’exemple, de faire le premier pas, d’aller à
contre-courant en se détournant du mode de vie « à la mode ». A la
fois parce que c’est tellement plus facile, de demander sa route au GPS saturé
d’électricité nucléaire (qui n’a absolument rien d’une énergie propre comme on
veut le croire … vous savez que dans plusieurs départements français, vous
marchez littéralement sur des déchets radioactifs ? ou vous ne voulez pas
le savoir ?) que de regarder sur une carte routière. Et parce que c’est
mal vu, de ne plus être un petit mouton docile qui suit le troupeau sans se
poser de question. Dans un monde où le conformisme est roi, où l’argent est
souverain, où la technologie est une divinité, difficile d’être la brebis
galeuse qui revient à la terre et tire la sonnette d’alarme.
Dormund, lui, a choisi l’option radicale.
Tout raser pour reconstruire. Tout détruire pour recycler. Puisque personne ne
veut se salir les mains, il prend sur lui la décision de mener l’Humanité vers
une nouvelle ère, qu’elle n’aura pas choisi mais qu’il estime être nécessaire.
C’est un homme fort complexe, difficile à cerner, que l’on perçoit tantôt comme
un homme qui se prend pour un dieu, tantôt comme un homme qui sait qu’il n’est
rien. La moralité de ses choix est discutable, mais il a le mérite d’agir, de
ne pas rester les bras croisés à regarder le monde s’éteindre à petit feu dans
l’indifférence général des Hommes abrutis par l’hyperconnexion. Bien qu’il ne
soit pas le narrateur, on sent une certaine complicité, une certaine connivence,
entre Dormund et ce dernier, qui ne se contente pas de raconter objectivement
une histoire mais laisse transparaitre son opinion – et, je le pense, celle de l’auteur
– dans ses propos. On retrouve ici le style très poétique découvert dans Le temps d’une
étoile, mais il s’est
teinté d’une bonne dose de cynisme et d’ironie qui met le doigt sur les choses
qui fâchent … Ce court récit est bien plus engagé, bien plus contestataire que
ne pouvait l’être le premier roman de l’auteur. Dans cette ambiance de fin du
monde imminente, il interpelle vivement le lecteur : il n’est plus temps d’hausser
les épaules en repoussant la faute sur autrui, mais bien de changer de
comportement. Ici et maintenant. Avant qu’il ne soit définitivement trop tard.
Car peut-être que ce jour est le dernier …
En bref, vous l’aurez bien compris, avec Demain les
hommes, Valentin
Auwercx nous propose un récit bref mais percutant. Au lecteur du roman Le temps d’une
étoile, cette novella
apporte un éclairage nouveau sur un événement relaté dans le roman :
Dormund, on le connaissait déjà … mais pas de la même manière. J’ai trouvé cela
très intéressant, de voir qui était réellement cet homme, comparé à la vision
que les générations futures ont de lui. Mais comme je l’ai déjà dit, nul
besoin de connaitre le roman pour comprendre et apprécier cette histoire !
Aux côtés de Charly et Dormund, qui n’ont rien de héros louables et attachants
mais qui sont bien humains – au plus grand dépit du lecteur qui doit bien
admettre avoir des points communs avec eux, même si ce n’est guère flatteur –,
le lecteur se retrouve embarqué dans la plus cruelle des histoires : celle
qui pourrait bien être un jour la nôtre si nous ne faisons rien. Un vrai
électrochoc, à lire et faire lire !