Prodigy
Editeur : Le livre de poche Jeunesse
Nombre de pages : 439
Résumé : June et Day ont échappé à leurs poursuivants. Réfugiés à Vegas, ils rencontrent un groupe de rebelles, les Patriotes, qui consentent à les aider à s´enfuir. Mais il y a une condition. Prêts à tout, les deux adolescents acceptent. Pourtant, June doute : et s´ils s'apprêtaient à plonger le pays dans la guerre civile ? Déchirée entre son sens du devoir, ses intuitions et ses sentiments, elle devra prendre la décision la plus difficile de son existence. Et Day aura-t-il suffisamment confiance en sa nouvelle complice pour remettre sa vie et celle des siens entre ses mains ?
« - Tu sais, dit-il enfin. Je me demande parfois ce qui se serait passé si nous nous étions rencontrés... dans un contexte normal. Comme tout le monde. Si je t'avais croisée dans une rue par un matin ensoleillé. Si je t'avais trouvée jolie au point de m'arrêter, de faire demi-tour et de te prendre la main en disant : « Salut, je m'appelle Daniel. »
Je ferme les yeux en imaginant cette scène qui me réchauffe le cœur. Tout aurait été si facile, si tranquille.
- Si seulement, murmuré-je. »
Il faut être pris pour être appris, dit-on … Une chose est sûre et certaine : je ne réitérerai plus les erreurs de cette année 2021. C’est-à-dire que je ne m’inscrirai plus à des dizaines de lectures communes portant sur des tomes de sagas et que je ne céderai plus aveuglément à toutes les propositions de services presse que me font les auteurs, afin d’avoir un peu plus de latitude pour faire face aux imprévus. En effet, cette année, pour réussir à honorer tous ces engagements dans les temps, il m’a fallu établir mon programme de lecture avec trois voire quatre mois d’avance, au jour prêt … Un vrai casse-tête pour réussir à faire coïncider le tout, et cela d’autant plus que je n’avais pas toutes les cartes en main : j’avais beau savoir que mes partiels auraient lieu à la fin du mois de juin, je n’avais pas les dates exactes, et bien sûr, le moment venu, cela s’est avéré totalement incompatible avec ce beau planning littéraire savamment ajusté … Au stress des épreuves s’est donc ajouté celui de ne pas réussir à lire à temps tel ou tel roman, celui de ne pas pouvoir chroniquer à temps tel ou tel service presse. Et quand je stresse, je ne profite plus de mes lectures … Ce deuxième opus n’a pas eu de chance, il s’est retrouvé pris au beau milieu des tourmentes universitaires !
En sauvant Day de l’exécution, June, l’enfant prodige, est devenue à son tour l’une des personnes les plus recherchées de la République. Embarqués clandestinement dans un train de marchandise, les deux jeunes gens n’ont désormais plus qu’une seule chance de s’en sortir : rejoindre les Patriotes, ces rebelles qui sont prêts à tout pour faire tomber le gouvernement et faire renaitre les anciens Etats Unis d’Amérique … Tiraillée entre son envie d’aider le jeune homme à retrouver ceux qui lui sont chers – la petite Tess qu’il a recueillie dans la rue et son jeune frère Eden tombé entre les mains de la République –, sa méfiance viscérale envers le leader du mouvement rebelle et les reliquats de sa loyauté envers le système qui l’a vu grandir, June ne sait plus ce qu’elle est supposée faire … Day, lui aussi, ne sait plus où donner de la tête : à qui doit-il, à qui peut-il accorder sa confiance ? A Tess, sa plus fidèle amie et alliée, qu’il connait depuis des années et qui a toujours été de bons conseils, ou bien à June, cette jeune fille qu’il ne connait que depuis quelques semaines, qui est à l’origine de son arrestation et de la mort de sa mère et de son ainé, mais qu’il ne peut s’empêcher d’aimer et de croire ?
A vrai dire, je suis tout aussi mitigée vis-à-vis de ce deuxième tome que vis-à-vis du premier. Sur certains points, il est bon, et même clairement meilleur que le premier : il y a bien plus d’actions, bien plus de rebondissements, bien plus de révélations, on sent que l’autrice a tenté d’ajouter de la profondeur à ses personnages …. Mais de l’autre, on retrouve le même gros travers du premier tome, en plus insupportable encore : cette romance atrocement dégoulinante, plus pénible encore à cause du double triangle amoureux qui se met fort peu subtilement en place. Et c’est encore pire qu’avant, car à cause de cette intrigue pseudo-romantique, le caractère de nos héros se voit totalement mutilé … Envolé, le Day chevaleresque et indocile, taquin et indépendant, envolée, la June rationnelle et décidée, audacieuse et indépendante : ils ne sont plus que deux pantins contrôlés par leurs hormones, deux coquilles vides tout juste bonnes à hésiter entre deux attirances. Je ne parle même pas de Tess, que je trouvais géniale dans le premier tome, par sa douceur, son attention, son dévouement, et qui ressemble désormais à une tigresse jalouse qui veut se taper son frère adoptif. Ce n’est pas dans mes habitudes d’utiliser ce genre de vocabulaire, mais c’est pour bien mettre en valeur à quel point c’est … épouvantable, de dénaturer ainsi la personnalité des personnages pour servir une romance malsaine et inutile.
Malgré tout, comme pour le premier tome, lorsque j’arrivais à prendre du recul et à ne pas me laisser submergée par l’agacement de plus en plus profond que ces atermoiements « amoureux » faisaient naitre en moi, je ne peux clairement pas nier qu’il y a du bon dans cette dystopie. Jusqu’à présent, nous ne savions pas grand-chose des fondements de la République, des causes du conflit avec les Colonies, ni même des revendications des Patriotes : la première était présentée comme la seule garante de la sécurité, les deux autres comme de terribles ennemis désirant plonger le pays dans le chaos. Mais maintenant que Day et June se sont « définitivement » arrachés à l’influence de la République, maintenant qu’ils sont passés « de l’autre côté du miroir », nous en apprenons un peu plus. Nous découvrons comment la montée des eaux due au réchauffement climatique, l’afflux des réfugiés et l’amaigrissement des ressources naturelles ont plongé les anciens Etats Unis d’Amérique dans le chaos le plus total, comment un jeune officier de l’armée a décidé de « pacifier » le pays en fermant les frontières et en donnant les pleins pouvoirs à l’armée, comment ceux de « l’extérieur » se sont associés pour créer les Colonies et tenter de reconquérir ces territoires … On reste dans un schéma post-apocalyptique plutôt classique, simple, mais efficace car parfaitement crédible.
De même, toutes les autres révélations qui parsèment le récit, si elles peuvent parfois sembler fort clichées et prévisibles, n’en restent pas moins parfaitement cohérentes, parfaitement réalistes. L’exemple le plus marquant, celui que je trouve personnellement le plus intéressant dans ce récit, c’est bien celui des Colonies. Pour Day, les Colonies sont synonymes de liberté, de justice, d’égalité … de tout ce qui n’existe pas au sein de la République. Mais il va rapidement comprendre que la vérité est loin d’être aussi reluisante, aussi lumineuse, aussi belle que ce qu’il imaginait au plus profond de sa misère : aucun système n’est parfait, aucune utopie n’est réelle. Et on en vient à se demander si le meilleur ne vaut pas le pire : d’un côté, la tyrannie militaire, de l’autre, la tyrannie économique, ou si vous n’avez pas réglé votre dû au poste de police du quartier, personne ne viendra vous secourir si un malfrat s’en prend à vous … Deux oppressions différentes au premier abord, mais elles sont l’une comme l’autre pétries d’injustices, de cruauté, d’inhumanité. Comme toute bonne dystopie qui se respecte, celle-ci aime donc jouer avec l’ambiguïté entre le bien et le mal, sur l’équilibre fort instable entre la recherche du bien commun et la mise en place d’une dictature. Comme dans toute bonne dystopie qui se respecte, les héros et le lecteur ne savent plus à qui se fier, car on ne peut jamais savoir qui est digne de confiance …
En bref, vous l’aurez bien compris, je reste plutôt mitigée vis-à-vis de ce tome. D’un côté, c’est une très bonne dystopie, qui respecte scrupuleusement les codes du genre, et même si cela rend certaines « révélations » et certains retournements de situations fort prévisibles, on ne peut que se laisser embarquer par cette histoire pleine d’action, où rien ni personne n’est jamais ce qu’il semble être … Mais de l’autre, il y a toujours cette fameuse romance, celle qui vient parasiter toute l’intrigue, la phagocyter tant et si bien qu’on n’a plus qu’une seule envie au bout d’une petite centaine de pages, c’est baffer June, Day et même Tess dans l’espoir qu’ils redeviennent eux-mêmes et qu’on puisse reprendre le cours de l’intrigue principale, celle qu’on venait chercher en ouvrant une dystopie. C’est d’autant plus dommage que l’histoire, justement, prend au fil du temps un tournant parfaitement inattendu, assez rare sur le coup en dystopie, que j’ai donc vraiment très envie de savoir comment tout ceci va bien pouvoir évoluer … mais que j’ai terriblement peur que tout soit gâché par ce double triangle amoureux totalement ridicule. Je vais donc croiser les doigts pour que cet atroce travers soit corrigé dans le troisième tome, pour finir en beauté cette trilogie (qui a parait-il gagné un quatrième tome en anglais, ce qui reste assez étrange pour une trilogie) !