Le crépuscule des Varms
Editeur : Librinova
Nombre de pages : 335Résumé : Denegan est un Varm, un homme-félin des grandes forêts du Nord. Un jour, son frère et lui découvrent un œuf à l’aspect inhabituel. Les deux jeunes Varms le subtilisent mais peu de temps après, une horde de violentes créatures déferle sur leur village. Seul survivant, Denegan fait la rencontre d’un homme qui semble détenir des réponses. Pour la première fois, il doit quitter sa forêt natale. L’œuf semble être au cœur d’une indéchiffrable prophétie. Entre compagnons de route inattendus et embûches mortelles, il tente de percer les secrets qui entourent l'objet magique...
Un grand merci à Toba Jolt pour l’envoi de ce volume et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.
« Je me nomme Renard, pour vous servir. Voleur, espion, contrebandier, alchimiste mais aussi acrobate, poète, barde, inventeur de génie… Il m’arrive même de rempailler des chaises ! Uniquement pour dépanner, cela va de soi… »
Parmi les nombreux paradoxes qui régentent la vie des grands lecteurs, permettez-moi de citer celui qui me semble le plus … surprenant. D’un côté, le grand lecteur cherche avidement un livre qui ne ressemble à aucun de ceux qu’il a déjà lu : il veut de l’originalité et de l’audace, de l’inconnu et de la nouveauté. Mais de l’autre, le grand lecteur est irrésistiblement attiré par tout livre comparé à tel ou tel ouvrage ultra connu et réputé pour être un archétype du genre … Prendre des risques, oui, mais finalement, il n’y a rien de plus réconfortant que de savoir où l’on met les pieds ! D’ailleurs, n’est-ce pas de cette manière que les grands lecteurs se conseillent les uns aux autres ? « Oh, tu as aimé ceci, dans ce cas, je suis sûre que tu aimeras cela ! », se dit-on souvent, des étoiles pleins les yeux en réalisant ces comparaisons littéraires qui, bien souvent, représentent l’argumentation la plus efficace pour convaincre un ami de découvrir notre dernier coup de cœur en date. Pour ma part, il y a souvent un hic : beaucoup d’ouvrages de fantasy nous sont « vendus » en les comparant au célèbre Seigneur des anneaux … que je n’ai toujours pas lu ! Donc dans mon cas, l’argument fonctionne à l’envers : je présume que si j’aime tous les ouvrages comparés à ce fameux Seigneur des anneaux, j’apprécierais surement ce dernier le moment venu !
A l’instant même où son infernal frère adoptif l’a embarqué à sa suite dans cette expédition tout ce qu’il y a de plus interdite et dangereuse, Denegan a senti un mauvais pressentiment s’immiscer dans tout son être : quelque chose allait mal tourner, très mal tourner. Le pauvre Varm était bien loin de se douter à quel point sa prédiction allait s’avérer juste … Tandis que les deux adolescents retournent chez eux, en possession d’un très mystérieux œuf noir qu’ils viennent de dérober dans une caverne, leur village est sauvagement attaqué par une horde de créatures plus meurtrières que jamais. Seul rescapé de ce carnage, Denegan ne doit sa survie qu’à l’intervention inespérée d’un Homme, qui lui apprend être à la recherche de ce fameux Œuf, objet d’une prophétie et de toutes les convoitises. Dévasté par la mort des siens, mais bien décidé à protéger cet artefact qui représente tout ce qui lui reste de son défunt frère, Denegan accepte de l’accompagner jusqu’au cœur de l’Empire, là où aucun homme-félin ne s’est aventuré depuis bien des générations, depuis qu’ils se sont exilés loin de la folie des Hommes, des Nains et des Elfes … Tout en découvrant l’immensité et la complexité d’un monde dont il ignorait tout, le jeune Denegan se retrouve sans le savoir au beau milieu d’un conflit qui dépasse tout ce qu’il est capable d’imaginer.
Le résumé ne laissait planer aucun doute : l’auteur nous offre un bon vieux récit d’heroic fantasy à l’ancienne, avec des Orcs et des Nains, des Elfes et des Trolls … mais aussi avec une bonne vieille prophétie des familles, la menace imminente des ténèbres et l’arrivée attendue d’un élu de la lumière. En résumé, la bonne vieille lutte entre le bien et le mal, le bon et le méchant, l’héroïsme et l’égoïsme. En somme : tout ce que j’aime. Alors oui, certains diront que c’est du « vu et revu », et je ne peux pas leur donner complétement tord … mais est-ce forcément un mal ? A mes yeux, point du tout : c’est d’ailleurs quelque chose d’incroyable de constater que des dizaines et des dizaines d’auteurs se sont basés sur ce même schéma, et sont tout de même parvenus à rendre leur ouvrage fondamentalement différent de tous les autres. Car ce qui fait toute la différence, c’est que chaque auteur est unique : par conséquent, chacun apporte un éclairage tout à fait unique de cette sempiternelle lutte entre les forces du mal et celle du bien, entre les partisans des ténèbres et ceux de la lumière. Chacun réutilise à sa manière cet archétype ancestral, chacun y apporte son petit grain de sel, sa petite touche personnelle, prouvant que l’originalité se situe parfois dans un petit rien, discret mais efficace, et pas seulement dans les idées si innovantes qu’elles en deviennent parfois incompréhensibles.
Ici, donc, l’auteur a su rester sobre : il aide le lecteur à se sentir comme chez lui en balisant l’univers d’éléments familiers. Des Elfes arrogants, des Nains avares et des Hommes conquérants : on connait, on sait donc à quoi nous en tenir. Et puis, nous avons les Varms, un peuple d’hommes-félins qui ont eu la sagesse de se retrancher dans la Grande Forêt, bien loin des incessants conflits qui ne cessent de secouer les autres peuples. Les Varms ne connaissent rien des fléaux qui empoisonnent l’esprit des autres habitants du monde : la soif de pouvoir, de richesse, de puissance, l’ambition, la trahison, la duplicité, la cruauté. Ils vivent une existence paisible, où nul ne cherche jamais à nuire à son voisin, où chacun œuvre pour le bien de tous et trouve son bonheur dans le bonheur commun. Pas de jalousie, pas de conflit. Dans notre monde où règnent la violence et où chacun cherche à écraser l’autre pour s’assurer la meilleure place au soleil, on ne peut que rêver d’une telle sérénité … et les plus cyniques ne manqueront pas de rappeler aux plus rêveurs qu’il ne s’agit que de pure fiction. Les plus empathiques, quant à eux, seront sans doute comme moi et éprouveront de la peine pour ce pauvre Denegan, qui non seulement se retrouve seul au monde, endeuillé, mais va également être livré en pâture à ce monde barbare, lui qui était tout épris d’une innocence fort touchante.
Car Denegan est un héros comme je les aime : humble et doux, généreux et juste. Il ne recherche pas la gloire, il ne court pas après les honneurs. Il m’a été très facile de m’identifier et donc de m’attacher à lui, car ses incompréhensions rejoignent les miennes, ses valeurs rejoignent les miennes. Moi qui peine à comprendre mes semblables, je me suis senti très proche de cet homme-félin perdu au milieu de ce monde si complexe dont il ne comprend pas les rouages. J’ai été très touchée par sa candeur, sa naïveté même : Denegan est tout simplement incapable de concevoir, donc d’anticiper, la moindre tromperie, la moindre tricherie, la moindre traitrise. Certains jugeront peut-être qu’un héros aussi « droit », aussi « parfait », est agaçant : pour ma part, c’est tout le contraire, c’est justement cela qui le rend aussi rafraichissant. Notre monde aurait bien besoin de ce modèle de héros : il n’est pas héroïque car il se jette sans fléchir dans une bataille sanguinolente, mais parce qu’il n’hésite pas à affirmer qu’il n’est pas d’accord avec la façon dont fonctionne le monde. Il est héroïque car il ose s’opposer à ce qui lui semble injuste, cruel. Quand bien même on essaye de lui faire comprendre que « c’est ainsi que va le monde ». Il refuse la fatalité, et estime que c’est à chacun d’œuvrer pour construire un monde plus juste et plus serein, où personne n’aurait à craindre le lendemain. Mais une chose est sûre : ce n’est pas demain la veille que notre brave Denegan vivra dans un monde pareil …
En bref, vous l’aurez bien compris, malgré son apparente « banalité », c’est un premier tome incroyablement prometteur que nous offre l’auteur. L’histoire n’en est encore qu’à ses premiers balbutiements, malgré les nombreux rebondissements qui rythment le récit, mais les fondations de la saga sont désormais bien posées. Les personnages principaux sont présentés, les enjeux sont exposés, le lecteur tourne donc la dernière page avec une seule envie : celle de se jeter sur la suite, qui n’est malheureusement pas encore sortie à l’heure où j’écris ces quelques lignes. Car l’auteur est vraiment très doué pour nous faire oublier tout ce qui nous entoure, pour nous immerger totalement dans ce monde à la fois si lointain et si familier, pour nous faire trembler de peur et soupirer de soulagement aux côtés de Denegan et de ses compagnons. L’auteur a une très belle plume, ni trop simple ni trop sophistiquée : tout juste ce qu’il faut pour donner ce donner ce petit style « à l’ancienne » qui nous donne le sentiment qu’un conteur itinérant est en train de nous relater une lointaine légende au coin du feu. Si vous aimez l’heroic fantasy dans toute sa splendeur, les récits ni trop sombres ni trop légers, les héros un peu atypiques et les personnages secondaires mystérieux, je ne peux que vous conseiller vivement de vous plonger dans cette fabuleuse épopée de L’œuf de la destinée : je vous assure que vous passerez un excellent moment de lecture !