Editeur : L’école des loisirs
Collection : Médium
Nombre
de pages : 267
Résumé : Chaque matin au réveil, Elisa s'attend à
retrouver la maison sens dessus dessous. Nul doute pour Elisa que sa grand-mère
est responsable de ce grand bazar. Il est vrai que Rose fait des trucs bizarres
depuis quelques temps, comme ce rendez-vous pris chez un chirurgien esthétique
pour changer de tête. Elisa est tellement obnubilée par cette idée qu'elle
commence à faire de drôles de rêves, à ressentir des sensations bizarres comme
celle d'être hantée par une ombre. Une ombre de trop. C'est à se demander qui
de Rose ou d'Elisa est la plus perturbée dans cette histoire …
- Un petit extrait -
« Chaque femme, chaque homme porte en lui tous ses âges, dit mon grand-père. Il répète aussi que la vie fait de nous des poupées russes. Aussi, je me demande : Avec le temps, est-ce que la plus petite des poupées vit toujours ou est-ce que les autres finissent par l'étouffer ? »
- Mon avis sur le livre -
Lorsque j’étais petite, sur les bons conseils
de ma maitresse qui avait remarqué mon insatiable soif de lecture, mes parents m’avaient
abonnés à Animax puis Maximax de L’école des Max : chaque mois, je
recevais un roman ou un album de la maison d’édition L’école des loisirs. C’était
ainsi Noël tous les mois, et chaque soir en rentrant de l’école, ma première
question était de savoir si mon livre était arrivé ou non. Puis, lorsqu’on a
déménagé, cette habitude a cessé, il y avait tellement d’autres choses à faire
qu’on avait tous oublié L’école des Max ! Puis voilà que cette année, en
rangeant mes livres d’enfance, je me suis souvenu de ces abonnements et j’ai
donc demandé à mes parents, pour mon anniversaire, de m’abonner à Medium max,
qui s’adresse aux jeunes. J’ai donc reçu un roman chaque mois, mais j’ai
préféré attendre la fin de mon année universitaire avant de les lire, histoire
de véritablement les savourer sans avoir l’esprit ailleurs … Et je m’en
félicite, car La fille qui avait deux ombres (rien que ce titre est magnifique) est clairement un roman dans lequel
il faut pouvoir se plonger tout entier, sans interférence aucune.
Tout a commencé par une heure de retenue,
donnée par sa professeure d’italien car elle n’avait pas son livre, une retenue
qu’Elisa n’a pas eu le plaisir d’effectuer puisque Rose, sa grand-mère, ne lui
en a pas donné la possibilité, allant s’installer dans le fond de la classe
pour recopier en vitesse les cent lignes exigées par la professeure après avoir
expliqué que puisque c’était par sa faute qu’Elisa n’avait pas son livre, c’était
à elle d’être collée. A partir de ce jour-là, la guerre était latente entre les
générations. Et les choses ne s’arrangent pas lorsque Rose déclare avoir pris
rendez-vous chez un chirurgien esthétique. Pour Elisa, c’est le drame :
pourquoi sa grand-mère désire-t-elle devenir une parfaite étrangère en
changeant de tête ? Cette décision incompréhensible, combinée aux
étrangetés qui s’accumulent dans la maison, lui font craindre le pire pour la
raison de son aïeule. Mais voilà qu’Elisa se met à déambuler en pleine nuit, à
faire des cauchemars, à être suivie par une ombre venue de nulle part et à
entendre sans cesse la même mélodie inconnue. Elisa en est persuadée, Rose leur
cache quelque chose. Sur son passé, mais aussi son présent. Pour retrouver la
sérénité, Elisa va tout tenter pour découvrir le secret de sa grand-mère …
Par l’intermédiaire d’une narration bourrée d’humour
et légère comme une plume, l’auteur évoque l’épineux sujet des secrets
familiaux, aborde la thématique douloureuse du poids des non-dits et des
mensonges. Le lecteur, comme Elisa, est sans cesse tiraillé entre cette joie
insouciante et cette souffrance venue de nulle part. Cette souffrance qui prend
la forme de crises de somnambulisme soudaines, mais surtout d’une ombre
rattachée à aucun corps, qui semble guider Elisa dans sa quête de la vérité.
Car on le comprend rapidement : contrairement à ce que nous laissait
penser le résumé, ce n’est pas la folie - de la grand-mère ou de la
petite-fille - qui représente le cœur de l’intrigue, mais bel et bien ce
mystère que représente le passé de Rose, cette femme exubérante et
insupportable qui s’avère être bien plus sensible et vulnérable qu’on ne le
pense. Rien ne préparait Elisa aux découvertes qu’elle va faire, après avoir
entrainé sa famille en Sicile dans le village natal de sa grand-mère qui peine
à supporter cette plongée dans son passé. Rien ne préparait le lecteur, non
plus : la vérité nous tombe dessus comme une chape de plomb, sans
prévenir, sans même s’annoncer quelques pages à l’avance.
La fille qui
avait deux ombres est donc un roman
face auquel on ne peut rester indifférent : des personnages tous plus
attachants les uns que les autres en dépit de leur caractère parfois invivables
- une carapace qui s’effiloche progressivement -, des mystères et des secrets
qui ne demandent qu’à être dévoilés pour permettre aux protagonistes d’avancer
enfin, de se construire ou se reconstruire, une plume qui transforme en mots
les émotions pour mieux les communiquer … Chaque chapitre propose au lecteur
une tranche de cette histoire aussi bouleversante que captivante, aussi légère
que grave, aussi étrange que familière. La fille qui avait deux ombres est autant un récit initiatique qu’une
rétrospective, un retour sur le passé qui permet à l’avenir d’advenir. C’est
une belle histoire familiale qui montre avec force l’importance de la confiance
et de la confidence au sein d’une famille, car les secrets et les non-dits
pèsent autant sur ceux qui les gardent énergiquement que ceux qui les
pressentent mystérieusement, et ils divisent aussi efficacement qu’une dispute.
Ce roman, il vous prend aux tripes, il vous bouleverse, il vous assomme, il
vous captive.