mercredi 28 février 2018

Rêves, tome 1 : Le Coeur des flammes - Cédric Roux et Robin Marcoux



Rêves1, Cédric Roux et Robin Marcoux
Le Cœur des Flammes

Editeur : Autoédition
Nombre de pages : 298

Résumé : L'Empire d'Eavenia est de nouveau menacé. L'Ordre Elémentaire est disséminé. Les Héritiers sont attendus. Kylliann, un adolescent retrouvé inconscient dans le désert, va voir sa vie basculer suite à une guerre dévastatrice. Commence alors un long voyage dans l’inconnu aux côtés de Samantha, une jeune fille aussi sensible qu’intrépide, et Terek, un officier courageux prêt à tout pour protéger l’Empire face à son plus grand ennemi…



Un grand merci à Cédric Roux et Robin Marcoux pour l’envoi de ce volume et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

- Un petit extrait -

« Kylliann ne contrôlait plus son corps. Il courait sans s’arrêter à la poursuite d’un éclat écarlate dans un dédale de couloirs qui lui paraissait sans fin. De grands flambeaux étaient accrochés aux murs recouverts de splendides gravures, des flambeaux qui, aussi étonnant que cela puisse paraitre dans ce lieu désert, brûlaient. Les cris de ses compagnons ne changeaient rien à son comportement. Il n’arrivait pas à détacher ses yeux de cette lumière rouge qui l’hypnotisait et l’attirait inexorablement vers sa source. »

- Mon avis sur le livre -

Je suis toujours admirative des duos d’auteurs, qui parviennent à coordonner leurs imaginations et leurs plumes afin de donner naissance à des ouvrages à quatre mains. Pour avoir fait plusieurs tentatives avec une amie il y a quelques années, je sais qu’il ne s’agit pas d’un exercice évident, bien au contraire ! Nous avons tous notre propre façon de raconter, de tourner nos phrases, nous avons tous nos petits tics d’écriture comme nous avons nos tics de langage, et lorsque l’on écrit à deux, il faut réussir à s’harmoniser afin que le lecteur ne soit pas en mesure de distinguer quel paragraphe, quel chapitre, a été rédigé par l’un ou l’autre des deux co-auteurs. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Cédric Roux et Robin Marcoux sont excellents : pas une seule fois, je n’ai ressenti un déséquilibre ou un changement brusque de style. Si je ne le savais pas, j’aurais véritablement pensé qu’il n’y a qu’un seul auteur, tant la narration est fluide et homogène ! Un premier grand bravo (car il va y en avoir beaucoup d’autres …) !

Kylliann se réveille sans aucun autre souvenir que celui de son prénom, dans un campement militaire qui ne tarde pas à être attaqué par une horde d’Ombragés, des créatures maléfiques et mystérieuses. Kylliann, Samantha, la jeune fille qui était à ses côtés à son réveil, et Terek, un officier, sont les seuls survivants du camp. Ils se mettent alors en route afin de prévenir l’Impératrice du danger : Eavenia n’a désormais plus aucun rempart pour garder les Ombragés aux frontières du pays. Au cours de cette longue et éprouvante épopée, Kylliann va progressivement en apprendre plus sur ce monde qu’il ne reconnait pas … mais également sur lui-même.

Dès le premier chapitre, le lecteur se retrouve plongé, tout comme Kylliann, dans un monde qui lui est complétement inconnu. Tout y est à découvrir, à apprendre … Et pourtant, pas de longs discours d’explication de la part des autres personnages : merci beaucoup aux auteurs de nous avoir évité ces monologues fort peu naturels mais très présents dans la plupart des chapitres d’exposition en fantasy ! Pas de cela ici : l’action commence fort, et immédiatement, sans laisser à quiconque le luxe de reprendre ses esprits. Pas le temps non plus de s’attarder sur l’amnésie de Kylliann, qui semble indiscutable au premier abord mais qui, petit à petit, se fait moins évidente : le doute s’installe, progressivement, et le lecteur ne sait plus trop sur quel pied danser avec ce jeune homme au passé si mystérieux. Adolescent un peu paumé et pourtant courageux auquel on ne peut toutefois pas s’empêcher de s’attacher : on découvre - visiblement - cet univers en même temps que lui, par l’intermédiaire d’un livre d’histoire et des récits glanés ci et là … Un univers d’ailleurs terriblement et admirablement riche et complexe, qui promet encore biens des surprises !

Il faut dire que des surprises, ce livre n’en manque pas ! Au fil des chapitres, de nouveaux mystères font leur apparition, de nouveaux questionnements s’imposent au lecteur … Que de rebondissements, que de coups de théâtre, que de révélations surprenantes ! Les auteurs sont visiblement très doués pour nous mener par le bout du nez, pas une seule fois je ne suis parvenue à élaborer une théorie juste, et mon ahurissement lorsque la vérité éclatait au grand jour n’en était que plus grand ! La fin, tout particulièrement, m’a laissée comme deux ronds de frite : je ne m’attendais tellement pas à cela ! L’espace d’un instant, je me suis demandé ce que cela faisait là, j’ai eu le sentiment de changer de livre, ou bien que les auteurs avaient mélangé deux histoires par inadvertance ! Cela surprend énormément ! Et surtout, cela ouvre tellement de portes, tellement de possibilités, que je ne peux pas m’empêcher de me demander ce que les auteurs nous ont concocté pour la suite … Ce premier tome, tome d’introduction dans toute sa splendeur, promet des merveilles pour la suite !

Ce premier volume a en effet pour vocation de préparer le terrain sur lequel va s’appuyer l’intrigue générale de la série. Les personnages principaux sont présentés, le contexte est posé, et l’action est bien lancée. Toutefois, pas de grandes batailles décisives dans ce tome, les quelques combats sont nécessaires mais pas spectaculaires (excepté le premier, qui ouvre finalement le roman, et qui plonge directement le lecteur dans l’ambiance : nous ne sommes pas chez les bisounours, mais bien dans un monde cruel et sans pitié). Ici, c’est l’initiation du héros qui nous est conté : Kylliann, jeune homme plutôt banal au premier abord (malgré son amnésie), se retrouve du jour au lendemain avec une charge sur les épaules, avec une mission à accomplir. Et l’entrainement qu’il va subir n’est finalement que la partie émergée de l’iceberg : le véritable changement n’est pas dans les capacités et prouesses physiques (même si, dans un tel univers, savoir manier l’épée est toujours indispensable pour ne pas périr dès la première attaque) mais bien au plus profond de lui-même. La quête de ce récit, c’est la quête de soi, de son identité. C’est un combat qu’il doit mener seul, contre lui-même peut-être, pour accepter pleinement ce qu’il est et doit être. 

En bref, ce premier tome m’a véritablement subjuguée, je l’ai lu à vitesse grand V tant j’étais incapable de m’en détacher, tant il était agréable de tourner les pages et d’enchainer les chapitres, tant j’étais impatiente de savoir comment les choses allaient évoluer … Il m’est même difficile de savoir ce qui m’a tellement captivée dans ce livre : les personnages ne font finalement pas grand-chose - ils sont en route, en chemin, ils rencontrent quelques embuches, font quelques rencontres, mais jamais rien de terriblement innovants dans le genre - mais les événements s’enchainent d’une telle façon et sont racontés d’une telle sorte que l’on ne ressent jamais cette impression de déjà-vu. On a juste l’envie folle d’en savoir toujours plus, de ne pas quitter ces personnages qui sont rapidement devenus de bons compagnons de route, de connaitre le dénouement de cette fantastique histoire où la magie promet d’être de plus en plus présente au cours du temps … Vous l’aurez compris, je n’ai qu’un seul conseil à vous donner : « lisez ! », ainsi que deux mots à adresser aux auteurs : bravo et merci !


Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus d’explications sur cet article)

samedi 24 février 2018

Les cercles de l'éternité - Jean-Louis Ermine



Les cercles de l’éternité, Jean-Louis Ermine

Editeur : Autoédition (Publishroom)
Nombre de pages : 167
Résumé : Dans un futur lointain, les hommes ont découvert le secret de l’éternité, mais cette invention a un prix. La personne qui choisit de suivre cette voie entre dans un processus inéluctable de dégénérescence, qui fait ressortir ses plus bas instincts. Le monde se divise alors, et se structure en « cercles », correspondant chacun à des stades de décadence plus ou moins avancés. Face au déclin de l’humanité, le gouvernement finit par retrouver la trace d’un mystérieux scientifique, dont les recherches sur l'immortalité auraient abouti. Laurie et Simon sont chargés de ramener le professeur et de redonner espoir aux habitants des cercles ...

Un grand merci à Jean-Louis Ermine pour l’envoi de ce volume et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

- Un petit extrait -

« Tout était justifiable quand il s'agissait de découvrir le secret de l'éternité, cette obsession incessante qui les habitait tous... Tous sans exception, à partir du moment où ils voyaient qu'il était possible de faire quelque chose. »

- Mon avis sur le livre -

Une couverture sobre mais élégante, un titre intriguant, et surtout, un résumé très prometteur, je n’ai pas mis bien longtemps à me décider lorsque l’auteur m’a proposé cet ouvrage en service de presse ! Après quelques mois sans lire de science-fiction, je me suis plongée à corps perdu dans ce court roman, ravie de me retrouver face à une thématique finalement assez peu abordée dans les récits d’anticipation. On voit de plus en plus de robots, de vaisseaux spatiaux, de sociétés ultra-technologiques … mais rares sont les ouvrages à se concentrer sur ce qui est pourtant l’une des quêtes les plus anciennes et les plus importantes de l’humanité : la recherche de l’immortalité, la quête de l’éternité, la lutte contre la mort et l’oubli. J’étais donc vraiment curieuse de savoir ce que l’auteur allait fait de ce thème !

Quel prix seriez-vous prêt à payer pour atteindre l’immortalité ? Seriez-vous prêts, pour devenir éternel, à renoncer à votre humanité ? Car voilà ce qui arrive à ceux qui font le Choix : après l’euphorie hystérique des premières semaines, l’absorption des drogues d’éternité conduit inévitablement à la décadence et la dégénérescence. Les crises de violence résurgence se font de plus en plus fréquentes, et les individus désormais immortels deviennent un danger pour les autres et pour eux-mêmes, tandis que ressortent les instincts les plus primaires et bestiaux. Pour canaliser les déviants, la société a été divisée en plusieurs « cercles » : plus on s’éloigne des zones centrales « civilisées », plus on s’enfonce dans les cercles extérieurs, et plus la barbarie et la bestialité, la sauvagerie et l’inhumanité montent en puissance. Laurie et Simon, deux individus que tout oppose, sont missionnés pour s’aventurer au-delà des cercles et partir à la recherche d’un mystérieux scientifique qui a visiblement trouvé le moyen de vaincre cette décadence avant de disparaitre de la circulation …

Il n’y a absolument rien à dire quant à l’idée à la base de ce récit : l’humanité a trouvé la voie qui mène à l’immortalité, mais important est le cout de l’éternité. Ceux qui décident de suivre ce chemin et de tromper la mort doivent se préparer à perdre progressivement tout ce qui fait d’eux des êtres humains, ils doivent accepter de redevenir des bêtes soumises aux instincts les plus violents et les plus primitifs. L’idée des cercles permettant de séparer les individus « sains » des déviants est également très bonne, et la symbolique qui se cache derrière cette organisation sociétale est forte. Au cœur de la ville vivent les personnes mortelles et donc pleinement humaines. Et plus on s’enfonce dans l’immortalité, plus on s’éloigne de cette zone civilisée, plus on s’éloigne de l’humanité. C’est ainsi qu’est exprimé l’idée phare de ce roman : être humain, c’est être mortel. Supprimez la mort, et vous supprimez l’humanité. Cela peut sembler paradoxal, puisque l’immortalité semble plutôt être la promesse d’une humanité préservée de la menace de la disparition, mais ce livre montre bien que la mort fait partie intégrante de la vie humaine, et que l’abroger est un plus grand danger que la mort elle-même … 

Ce roman est donc fondé sur de très bonnes idées, et ouvre la porte à de très bonnes réflexions philosophiques, mais aussi sociologiques et même anthropologiques. Ce livre montre ainsi comment l’humain, lorsqu’il est confronté à quelque chose qu’il ne peut contrôler (ici, la violence résurgente), se tourne vers la spiritualité, la mysticité. Laurie et Simon se retrouvent ainsi confrontés à divers communautés, toutes différentes mais toutes semblables sur un point : par l’intermédiaire de sacrifices, de transes hypnotiques, de règles morales strictes …, elles tentent de remédier à cette déshumanisation progressive. Il y a vraiment de très belles pistes de réflexion dans cet ouvrage, et j’ai beaucoup apprécié cet aspect - bien que je ne sois pas toujours d’accord avec les opinions des divers personnages. Un bon livre d’anticipation, à mes yeux, doit faire réfléchir le lecteur, doit lui faire se demander : « est-ce vraiment cela que je veux pour l’avenir de l’humanité ? ». Un bon livre d’anticipation doit rappeler que le progrès peut être aussi dangereux qu’il est attractif, que toute découverte peut être nocive. Depuis toujours, l’homme recherche l’immortalité, mais cette quête ne risque-t-elle pas de causer la perte de notre humanité ? 

Mais une bonne idée ne suffit pas à faire d’un roman un coup de cœur : encore faut-il que l’histoire parvienne à faire vibrer le lecteur … Et cela n’a malheureusement pas été le cas ici. Les personnages, bien qu’intéressants dans l’absolu (Simon, dont le corps rejette les drogues d’éternité et qui voit donc son rêve d’immortalité réduit à néant ; Laurie, que cette violence résurgence terrorise et qui ne comprend pas comment on peut volontairement choisir d’être réduit à cet état de bestialité), sont finalement assez creux. Je n’ai pas réussi à m’attacher à eux, au point que  je n’étais même pas inquiète pour eux lorsqu’ils se retrouvaient en danger de mort. De l’indifférence, voilà tout ce que j’ai ressenti pour eux, et c’est bien dommage : ils ne portaient pas du tout l’intrigue, ces deux zigotos, et c’est difficile d’entrer dans une histoire quand on ne se sent pas un minimum en empathie avec les personnages ! 

Mais le plus gros problème de ce récit, à mes yeux, c’est bien trop rythme : à la fois trop rectiligne et trop rapide. A chaque chapitre, c’était la même histoire : nos deux protagonistes arrivent dans un nouvel endroit, tombent dans un piège (toujours mortel, bien sûr), s’en sortent in extremis et fuient jusqu’à tomber dans un nouveau piège, et ainsi de suite. Au final, certes, on ne s’ennuie pas car il y a toujours de l’action, mais c’est assez répétitif à la longue, et l’intérêt s’émousse. J’ai de plus trouvé le dénouement bien trop facile, la fin bien trop plate. Je me suis même demandé s’il ne manquait pas des pages à mon exemplaire ! Les personnages acceptent bien trop facilement sans broncher les révélations qui leur sont faites, ainsi que le rôle qu’on leur demande de jouer. Cela fait très artificiel, comme fin, pas du tout naturelle, et je suis donc restée sur ma faim. D’une manière générale, donc, c’est un roman qui aurait amplement mérité à être plus long, plus développé. Il y a avait de bonnes idées qui auraient pu, et dû, être plus exploitée pour que l’intrigue de ce roman soit véritablement palpitante et captivante. 

En bref, vous l’aurez compris, si la thématique de ce roman ainsi que les pistes de réflexion qu’il suggère ont su me convaincre, cela n’a pas été le cas des personnages et de l’intrigue. De très bonnes idées qui n’ont été que survolées, des rebondissements nombreux mais répétitifs, un dénouement trop rapide … Tout cela m’a empêché d’être vraiment happée par l’histoire, qui avait pourtant un énorme potentiel ! J’ai toutefois énormément apprécié la plume de l’auteur, la narration était vivante, riche et expressive tout en restant simple et fluide : quel régal à lire ! Ce fut donc pour moi une lecture en demi-teinte, certes, mais que je ne regrette nullement : elle m’a donné à réfléchir et m’a redonnée envie de me replonger pour de bon dans la science-fiction, genre que j’avais délaissé ces derniers temps. Je conseille donc ce livre à tous ceux qui aiment se questionner sur le monde qui les entoure, ainsi qu’à ceux qui aiment les récits courts et riches en actions et rebondissements !

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus d’explications sur cet article)

mercredi 21 février 2018

Sans raison apparente - Charlotte Bousquet



Sans raison apparente, Charlotte Bousquet

Editeur : Pygmalion
Nombre de pages : 210

Résumé : Après un parcours classique, Rebecca est devenue une épouse modèle. Terne, fatiguée, elle sur(vit) et s’efforce péniblement de suivre les traces de sa mère. Jusqu’au jour où cette dernière se suicide. Sans raison apparente. Sa mort, l’enterrement, la jeune femme les subit dans un état second, comme au spectacle. Quelques temps plus tard, lors d’un stage dans un ranch, elle rencontre Djinn, un grand palomino visiblement malmené par la vie … Cela lui rappelle un rêve inachevé. Un rêve de voyage et de liberté.



Un grand aux éditions Pygmalion pour l’envoi de ce volume ainsi qu’à la plateforme Babelio pour avoir rendu ce partenariat possible.

- Un petit extrait -

« J'étais comme tant d'autres, déterminée par des siècles de préjugés et de conditionnement : une pyramide nourrie de hiérarchies et de jugements, dans laquelle l'animal est soumis à l'humain, le plus jeune à l'adulte, la femme à son père et à son époux. Le chien donne la patte et on le félicite d'être si obéissant, alors que le chat, qui n'en fait qu'à sa tête, est égoïste et sournois. L'enfant qui ne s'oppose jamais ni ne dit non est sage, bien élevé. Celui qui ose exister, résister, est bruyant, agité, hyperactif, insolent.  »

- Mon avis sur le livre -

Je me suis plongée dans ce livre sans rien savoir à son propos : je n’avais pas lu une seule fois son résumé et l’avais sélectionné sur la seule base de son auteur - Charlotte Bousquet fait clairement parti de ces auteurs en qui j’ai une confiance aveugle - et de sa couverture - il me semblait évident au vue de la photo que tout allait tourner autour d’un cheval. C’est assez rare, finalement, que je lise un roman sans rien connaitre à son sujet. C’est à la fois un peu angoissant - et si, finalement, le thème ne m’intéressait pas du tout ? - et particulièrement excitant - c’est un peu comme ouvrir un cadeau que l’on n’attendait pas, la surprise est totale. Toutefois, pour être parfaitement honnête, je ne prendrais pas le risque de me lancer dans ce type d’expérience sans connaitre un minimum la plume et le style de l’auteur ! Un peu d’inconnu, oui, mais pas trop non plus !

Petite fille modèle, épouse docile, Rebecca s’est toujours efforcée de faire naitre fierté et approbation dans le regard de sa mère. Enfermée dans une vie qui ne lui correspond pas, qui l’étouffe, qui la submerge, elle se laisse toutefois mener par le bout du nez, trop craintive pour oser se rebeller, pour oser s’affirmer. Jusqu’au suicide de sa mère. Inexpliqué, inexplicable. Pour Rebecca, c’est l’électrochoc. Après toute une existence passée à se plier aux volontés de cette grande dame qui ne faisait que la rabaisser, que lui prouver qu’elle n’était pas assez parfaite pour elle, Rebecca décide soudainement de prendre sa vie en main. Contre vents et marées, elle se lance dans un immense voyage à travers les Etats-Unis … sur le dos de Djinn, un fier étalon maltraité par ses anciens propriétaires. Sans vraiment savoir où aller, Rebecca se contente d’avancer, jour après jour … pour se retrouver elle-même.

Contrairement à ce que les apparences peuvent laisser penser, Sans raison apparente est donc en premier lieu une histoire de famille. L’histoire tragique d’une mère et d’une fille. Les attentes de la première semblaient inatteignables pour la seconde, qui persistait toutefois à tenter de faire naitre un sourire, un compliment, une preuve d’approbation et d’amour dans le regard de sa génitrice. Sans le savoir, elles étaient l’une comme l’autre enfermées par quelque chose qui les dépassait : le poids des convenances, des traditions, la force des attentes sociales, de la bienséance. Une petite fille se doit d’être polie et gracieuse, une femme se doit de fonder une famille. Ceux qui sortent de ce cadre sont des marginaux, des non-conformistes ou des égoïstes. La liberté, dans notre société, c’est celle de faire comme tout le monde. Vous ne me croyez pas ? Demandez-vous comment vous réagiriez face à un jeune homme ou une jeune femme qui décide de rester célibataire et, surtout, de rester vivre avec ses parents sans jamais « prendre son indépendance ». Quand bien même vous feriez preuve de « tolérance » face à ce choix … vous rendriez-vous compte que le simple fait de parler de « tolérance » à ce propos prouve bien que ce mode de vie est dérangeant, car sortant du moule ? Cette jeune personne ne pourrait s’estimer parfaitement libre que si cette volonté ne faisait naitre absolument aucune réaction. 

Rebecca, comme sa mère avant elle, s’est résignée à suivre le chemin tout tracé que la société attendait d'elle. Par peur du regard des autres, par peur du jugement des autres. Pour s’affranchir de cette peur, Rebecca a eu besoin de l’aide de Djinn, ce cheval tout aussi brisé par la vie qu’elle. Contrairement à ce que la plupart des films et romans veulent nous faire croire, la relation entre Djinn et Rebecca ne coulait pas de source. Bien au contraire. Charlotte Bousquet montre bien que rien n’est jamais gagné d’avance lorsque l’on souhaite se lier d’amitié avec un cheval : il ne suffit pas d’avoir suivi des cours d’équitation dite « éthologique » pour qu’un lien fusionnel se créé dès la première seconde. Pour que Djinn lui fasse confiance, Rebecca a dû elle aussi lui ouvrir son cœur. Pour que Djinn reprenne confiance, Rebecca a dû elle aussi faire face à sa propre faiblesse. Ce n’est qu’à force de patience, d’écoute, d’erreurs, que chacun a fini par devenir la béquille de l’autre. Petit à petit, ils ont appris à se connaitre, à se comprendre, leur duo s’est consolidé au fur et à mesure de ce long voyage à travers la nature sauvage, de cette longue errance à travers la vie. Car le périple de Rebecca n’est que le reflet de sa guérison intérieure, tandis que cicatrisent les blessures nées des secrets et non-dits au sein de sa famille, tandis que se réaffirment les rêves jusqu’alors étouffés … 

En bref, un récit véritablement bouleversant qui invite à s’interroger : serions-nous capables, nous aussi, de tout laisser tomber comme l’a fait Rebecca ? serions-nous capables, nous aussi, de tourner le dos aux attentes qui pèsent sur tout pour affirmer notre personnalité propre et vivre comme nous l’entendons réellement ? Et tout ceci n’est qu’un aperçu des questionnements que peut faire naitre ce roman, qui résonnera probablement différemment dans le cœur de chaque lecture. Avec en prime une très belle histoire d’amitié entre une jeune femme et un cheval, une histoire qui m’a émue aux larmes tant elle est vibrante de réalisme et d’émotions. Seul petit bémol que je peux trouver à ce livre … le résumé de sa quatrième de couverture, lu après avoir dévoré le roman, et qui est bourré de fautes (mauvais prénom, incohérences avec l’intrigue …). Aussi, si vous souhaitez vous plonger dans ce roman, et je vous le conseille vivement tant il est beau et bien écrit, faites comme moi et ne regardez même pas cette quatrième de couverture !

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus d’explications sur cet article)