Editeur : Plon
Nombre
de pages : 228
Résumé : Josef Schovanec, 31 ans, autiste Asperger,
a fait un triple constat, à l'origine de ce livre. Premièrement, grâce à son
activité de chercheur spécialiste de la philosophie des religions et des
coutumes, les voyages font partie intégrante de sa vie. Deuxièmement, ce profil
de voyageur s'ajoute, paradoxalement, à celui d'un grand timide, pire, d'un
autiste pour qui entrer dans un restaurant parisien seul relève de la mission
impossible. Troisièmement, la littérature sur l'autisme ignore la question des
voyages, pourtant essentielle pour comprendre les personnes avec autisme.
- Un petit extrait -
« Le voyage, au même titre que les médicaments sous une forme physique, devrait être remboursé par la Sécurité sociale. Je repense notamment à toutes les personnes autistes, qui n’ont commis aucun crime, et qui pourtant passent leur vie dans des établissements clos. Quels murs pourraient contenir leurs cris ? Quelle camisole chimique le scandale ? »
- Mon avis sur le livre -
On ne va pas se mentir, j’étais plutôt
sceptique au moment de commencer ce livre … et je le suis toujours après l’avoir
terminé. Je pense que je suis bien trop casanière et sédentaire pour apprécier
cette thématique du voyage à sa juste valeur. Vous allez me dire « mais ce
livre ne s’adresse-t-il pas, justement, à ceux qui ne sont pas convaincus par
les bienfaits du voyage ? ». Ce à quoi je vous réponds : si,
mais l’auteur n’est pas parvenu à me faire changer d’avis. Il a su me faire
rêver des paysages grandioses et des cultures diverses qu’il a rencontrés au
cours de ses nombreux voyages, et j’admets avoir parfois eu l’envie d’aller
moi-même visiter ces pays et ces régions lointaines … mais dans la seconde qui
suivait, l’angoisse prenait le dessus sur la seule perspective hypothétique et
lointaine d’aller, peut-être, un jour, potentiellement, plus loin que mon Aube
natale pour aller rendre visite à la famille.
Contrairement à ce que qu’annonce le titre, l’autisme
est particulièrement peu abordé dans cet ouvrage. Ci et là, l’auteur évoque quelques-unes
de ses particularités pour expliquer telle ou telle réaction, tel ou tel comportement
… Mais rien de plus. Pour moi qui n’était nullement attirée par la thématique du
voyage mais particulièrement intéressée par celle de l’autisme, quelle
déconvenue ! De même, si Josef Schovanec fait effectivement « l’éloge
du voyage » en évoquant ses vertus thérapeutiques, il ne va à mes yeux pas
assez loin et passe trop rapidement à d’autres considérations. Au final, cet
ouvrage est plus un essai sociologique et philosophique sur le voyage et les
différences culturelles qu’une véritable incitation au voyage à destination des
personnes avec autisme. Il n’explique pas suffisamment en quoi voyager peut
aider ces individus, en quoi cela peut être difficile pour eux également :
lui-même trouve qu’on ne parle pas assez du rapport entre autisme et voyage,
quel dommage qu’il ne comble pas ce vide tant regretté !
Il y a, toutefois, des tas de réflexions très
intéressantes dans cet ouvrage. L’auteur évoque ainsi, avec beaucoup de lucidité
mais surtout beaucoup d’audace, le rapport à l’argent, qui diverge fort selon
les cultures, le paradoxe des voyages organisés « sortant des sentiers
battus » (puisqu’à partir du moment où le trajet est organisé et proposé à
l’identique à tous les clients de l’agence, il s’agit bien d’un voyage
affreusement banal et banalisé) … Il parle également du chauvinisme, de l’identité
nationale et surtout des dogmes et croyances sur lesquelles elle s’appuie,
dogmes et croyances qui sont bien souvent erronées (et non, désolée, mais le
TGV n’est pas le train le plus rapide du monde) … C’est ce que j’aime chez
Josef Schovanec : il dit les choses telles qu’il les pense, telles qu’il
les croit, sans se préoccuper du « qu’en dira-t-on ? », sans
tenir compte des bienséances. Il est franc, honnête, et surtout ne se parjure
pas, il ne va pas dire blanc un jour et noir le lendemain juste pour « suivre
le mouvement » comme le font les masses pourtant persuadées d’agir et
penser en toute liberté … Il ose affirmer sa pensée divergente, même si cela l’expose
plus encore à la solitude et au rejet qu’il ne l’est déjà. Quel courage, merci !
A cela s’ajoutent des dizaines et des
dizaines d’anecdotes, toutes tirées de ses nombreux voyages, autant de petites
histoires qui entrecoupent les réflexions et argumentations de l’auteur. Il est
tantôt question de paysages, tantôt de rencontres, tantôt de belles surprises,
tantôt de déconvenues … Voilà ce qui donne envie de sortir sa valise pour aller
découvrir les merveilles de notre monde, pour aller faire de belles rencontres
au détour d’une rue … Je ne peux pas dire le contraire : Josef Schovanec
est très doué pour partager sa passion du voyage ! J’ai vraiment
énormément apprécié ces quelques passages « carnet de voyage » :
j’avais parfois le sentiment que si je fermais les yeux puis les rouvrais, j’allais
être transportée dans ces paysages qu’il décrit avec tellement de détails
visuels, sonores et tactiles, avec tellement de force aussi. On sent que tous
ces voyages ont profondément marqué l’auteur, qu’ils ont fait de lui ce qu’il
est actuellement, et qu’ils ont tous une grande importance dans sa mémoire et
son cœur. Voilà ce que j’ai aimé dans ce livre : la passion et l’enthousiasme
qui se cachent dans chaque mot, chaque phrase.
En bref, si l’auteur n’a pas réussi à me faire
dépasser mon appréhension à m’éloigner de chez moi « pour de vrai »,
il est toutefois parvenu à me faire voyager « pour de faux », à
travers les mots. J’ai bien conscience que la plume de Josef Schovanec peut
déconcerter, que son vocabulaire est parfois très soutenu et peut-être
incompréhensible pour certains, mais c’est clairement ce qui fait pour moi le
charme de cet ouvrage : que j’aime ces longues phrases un peu
emberlificotées mais tellement riches et pleines de sens ! Du coup, si je
ne conseille absolument pas ce livre à quiconque s’intéresse à l’autisme - car
il sera obligatoirement déçu -, je le conseille volontiers à tous ceux qui
aiment voyager comme à ceux qui désirent au contraire voyager par l’intermédiaire
de mots, de récits, ainsi qu’à ceux qui aiment les réflexions sur notre société
et, plus généralement, sur l’humanité et sa diversité.
Ce livre
a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus
d’explications sur cet article)
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