Editeur : Le Grimoire
Collection : Mille Saisons
Nombre
de pages : 292
Résumé : Le culte de Mithra se propage dans les
légions romaines des Alpes. Briana, fille de proconsul, observe d'étranges étoiles qui filent vers le Mons Caeli. À force de
ténacité, elle parvient à obtenir l'autorisation de s'y rendre
sous l'escorte de Decimus Valerius. Les ordres donnés à ce dernier sont
clairs : la jeune femme ne doit jamais atteindre son objectif. Gurnt est rejeté
par les siens qui n'acceptent pas son étrange apparence
féline. Alors que le Mons Caeli paraît être le point d'orgue de toutes les
ambitions, et de tous les secrets, se pourrait-il qu'il en soit aussi l'origine
?
Un grand merci aux éditions
Le Grimoire et à Philippe Aurèle Leroux pour l’envoi de ce volume (et la petite
dédicace) et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat
possible.
- Un petit extrait -
« Pendant que la troupe se prépare, Decimus réfléchit intensément à la manière de capturer l’homme-lion : de tout ce qu’il a vu jusqu’ici de la créature, elle n’abandonne pas facilement et ne recule pas devant l’obstacle. Il semble également au decanus que l’homme-lion tient beaucoup à Briana. Il ne l’a pas abandonnée quand elle est tombée dans la rivière et la scène durant laquelle il a bousculé la jeune femme ressemblait beaucoup à une crise de jalousie. Selon toute vraisemblance, il va venir ici pour essayer de la délivrer, ainsi que potentiellement tous les autres prisonniers. Son intuition lui souffle néanmoins que Briana sera sa cible privilégiée. »
- Mon avis sur le livre -
Quelle joie que d’être surprise par un livre !
Quel bonheur que de se retrouver face à un réel rebondissement, à un vrai coup
de théâtre ! Dans un monde littéraire où les mêmes schémas narratifs se
retrouvent assez régulièrement, c’est toujours une vraie bouffée d’air frais
que de tomber sur un retournement de situation véritablement et totalement inattendu,
qui sort des sentiers battus pour mieux abasourdir le lecteur ! Et l’ébahissement
est d’autant plus grand lorsque l’auteur décide de mélanger allégrement des genres
rarement associés, comme c’est le cas dans L’Empire des Chimères, magnifique ouvrage sur le plan « matériel »
(quelles belles illustrations ! quels magnifiques ornements en début et en
fin de chapitres ! quelle incroyable mise en page, en somme !) mais
également sur le plan littéraire !
Briana, fille de proconsul, est passionnée d’astronomie.
Et ces derniers mois, un étrange phénomène attise sa curiosité : pourquoi
diable autant d’étoiles filantes semblent-elles se diriger vers le Mons Caeli ?
Bien décidée à élucider ce mystère, la jeune femme remue ciel et terre pour s’y
rendre. C’est le vétéran Decimus Valerius qui se voit confier la lourde
responsabilité d’escorter l’expédition de la jeune femme. Tâche d’autant plus
difficile qu’il doit en réalité empêcher Briana d’atteindre cet objectif … Et
lorsque leur petit groupe se fait prendre en embuscade par de jeunes villageois
rendus fous de colère contre l’Empire Romain à cause d’enlèvements perpétrés
par la légion en faction sur le Mons Caeli, la situation échappe à tout
contrôle … et à toute compréhension.
Trois personnages principaux, trois histoires
parallèles qui finissent par se rejoindre et s’entremêler dans une intrigue
aussi surprenante que complexe, voilà comment est construit ce roman. Trois
points de vue, trois niveaux de connaissances qui doivent s’imbriquer les uns
les autres pour reconstituer le puzzle … Et quel puzzle ! Dès les premiers
chapitres, le ton est donné : complots et secrets prolifèrent et finiront
par éclater au grand jour … pour le plus grand malheur des personnages et le
plus grand bonheur du lecteur ! Ce qui se passe dans ce livre est
terrible, il y aura des trahisons et des morts, il y aura du sang et des
larmes, il y aura de la violence et de la souffrance, mais surtout, il y aura
de la tension dramatique digne des plus grandes tragédies grecques, il y aura
de l’émotion et de l’action, il y aura tout ce qu’il faut pour que le lecteur
soit sans cesse sur le qui-vive, dans l’attente d’un dénouement impossible à
prédire … Pour ceux qui, comme moi, aiment voir les personnages souffrir pour
parvenir à leur fin et détestent les intrigues à la résolution trop facile où
tout tombe tout cuit dans le bec des protagonistes, ce livre est idéal ! Rien
n’est épargné à Briana, Gurnt, Decimus et les autres …
La première grande originalité de ce roman, c’est
de s’ancrer dans une époque historique assez rarement exploitée dans le monde
la fantasy : la Rome Antique. Rien que ce premier élément suffit à faire
sortir L’Empire des Chimères du lot, d’autant plus que l’immersion est totale, l’auteur ayant
décidé d’utiliser autant que possible locutions et expressions latines pour la
narration et les dialogues. Au début, c’est un petit peu déconcertant, et on
jongle continuellement entre le récit et le lexique finalement, mais
progressivement, on s’y fait et on adore cela ! On sent que l’auteur s’est
longuement documenté sur les mœurs et le mode de vie de l’Antiquité romaine, au
point qu’on ne sait plus vraiment où s’arrête la réalité historique et où
commence la fiction … Il faut dire que dans ce roman, les frontières sont
floues, et c’est le deuxième point que je souhaite souligner : ce livre n’est
ni un roman historique, ni même un récit de fantasy … Il tient bien plus du
roman de science-fiction, même si je ne peux vous expliquer ce qui me fait dire
cela sans prendre le risque de vous gâcher la surprise. Car la Grande Surprise
de ce livre, c’est bel et bien l’irruption de ce genre littéraire, que j’aime
tant mais que je ne m’attendais absolument pas à trouver ici, et encore moins
sur cette forme. J’ai été aussi abasourdie que les personnages lorsque le Grand
Basculement (de genre) a eu lieu ! Je m’étais attendu à tout, sauf à cela,
et j’étais infiniment ravie !
Si ce roman est avant tout un récit d’aventure,
un ouvrage centré sur les péripéties de nos personnages, un livre où l’action
est prédominante, je ne peux m’empêcher d’y voir quelques pistes de réflexion.
Je pense que la grande thématique, ici, c’est le pouvoir. Force est de
constater que les personnages ayant gouté à ce dernier ambitionnent d’en posséder
toujours plus, et l’ambition est ici la porte ouverte à toutes les atrocités.
Mais la Grande Révélation - que je vais tâcher ici de ne pas dévoiler ! - m’a
également conduit à me poser cette question : pourquoi l’homme est-il sans
cesse en quête de pouvoir ? que cherchent ces personnages en désirant
ardemment se hisser en haut de l’échelle sociale ? que souhaitent-ils
faire de ce pouvoir ? En résumé : que doit-on voir derrière cette
course effrénée et sanglante vers la souveraineté toute puissante ? Un
moyen de s’affirmer comme maitre de sa propre existence (je suis capable de
diriger ma propre destinée) … ou bien comme Maitre du Jeu ?
Autre grand questionnement à mes yeux, la
question de l’humanité et de l’animalité. Gurnt, l’homme-lion, est considéré
par les siens comme un monstre du fait de son physique atypique. Et pourtant,
en dépit de ses instincts animaux - ou peut-être plutôt grâce à eux, justement,
là est la question -, ce personnage est indéniablement le plus humain de tous,
celui qui fait le plus preuve de bienveillance, de compassion, de générosité et
d’abnégation. Alors qu’autour de lui éclatent traitrises et conspirations,
Gurnt est dépassé par cette brutalité et cette barbarie dont font preuve les
hommes, qui ne cessent de le rejeter à cause de sa bestialité … Gurnt n’est
peut-être pas le personnage le plus complexe de ce récit - la palme revient à
Decimus et sa dualité qui frôle le dédoublement de personnalité - mais c’est
indéniablement celui qui porte à son insu le plus d’enjeux sur le plan
réflectif ! On s’attache à lui, et cela nous conduit automatiquement à
nous demander pourquoi il se voit ainsi exclure par les hommes alors qu’il est
tellement bon et innocent. La peur de la différence, sans aucun doute … mais
cela n’excuse rien, bien au contraire. Je réitère donc ma question, un peu différemment :
qui, de l’homme ou de l’animal, est le plus humain ? Que de
questionnements nés d’un livre finalement tellement court !
Car c’est bien là le seul reproche que je
peux faire à ce récit : l’intrigue est bien menée et surtout pleine de
bonnes idées, la plume est vraiment magnifique - la narration est vivante, l’équilibre
est bon entre descriptions, actions et dialogues … -, mais le roman aurait mérité
à être un peu plus long. Je suis restée sur ma faim en ce qui concerne la
seconde moitié du roman, la plus riche en actions, rebondissements et
révélations : tout ceci s’enchainent très rapidement, trop rapidement, au
point que personnages et lecteurs ne peuvent véritablement intégrer et saisir
véritablement les implications profondes de ces découvertes majeures. Le
bouleversement qui a lieu dans cette seconde partie est très important … mais
il semblerait pourtant que nos personnages comprennent et acceptent cela en un
claquement de doigts, sans se poser plus de questions que cela. Et puisque les
personnages ne cherchent pas à en savoir plus, et bien le lecteur non plus n’en
sait pas plus, alors que c’est vraiment LE truc le plus époustouflant de l’intrigue,
qui aurait donc amplement mérité à être un peu plus approfondi. C’est mon seul
petit regret en ce qui concerne ce récit : une petit centaine de pages
supplémentaires auraient permis de véritablement exploiter cette merveilleuse
idée qu’a eu l’auteur !
En bref, vous l’aurez compris, en dépit de ce
petit bémol - qui montre d’ailleurs que j’ai vraiment apprécié à la fois l’univers,
l’histoire et la plume puisque j’en aurai volontiers repris ! -, j’ai
vraiment apprécié ce roman, riche en surprises et en originalités. Un roman
multi-genre qui n’hésite pas à sortir des sentiers battus pour prendre au
dépourvu le lecteur, c’est tellement rare ! Je vous invite donc, à votre
tour, à ne pas hésiter à vous procurer L’Empire des Chimères (je trouve d’ailleurs ce titre exceptionnel :
on n’en comprend la signification que très tardivement dans le roman !)
qui, j’en suis certaine, vous fera passer un très agréable moment de lecture. Véritable
page-turner, ce roman
nécessite cependant d’avoir le cœur bien accroché (c’est sanguinolent, parfois,
l’auteur n’épargnant ni ses personnages ni ses lecteurs) pour pouvoir être
apprécié à sa juste valeur ! Je ne sais pas si une suite est prévue, mais
si cela est le cas, je serai la première ravie !
Ce livre
a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus
d’explications sur cet article)