dimanche 31 décembre 2017

Le sang des princes, tome 1 : L'appel des Illustres - Romain Delplancq



Le sang des princes1, Romain Delplancq
L’Appel des Illustres

Editeur : Folio SF
Nombre de pages : 528
Résumé : Le destin des ducs Spadelpietra est assuré. Inexorable. Une ascension déterminée vers le pouvoir, vers la couronne, vers la place qui leur revient de droit. Ils sont les pacificateurs, les bâtisseurs, les gouverneurs de Slasie. Ils sont les Illustres. Mais les nomades Austrois y font à peine attention. Leur monde n’est fait que de théâtre, de musique, d’art et d’inventions dont ils gardent jalousement les secrets. Leur vie est une mécanique bien huilée, à l’image de leurs automates. Et pourtant, un tout petit hasard vient gripper les rouages de l'histoire. Une toile découverte par les Spadelpietra qui catapulte son peintre, le jeune Mical, dans une longue fuite...

Un grand merci aux éditions Folio pour l’envoi de ce volume et à la plateforme Livraddict pour avoir rendu ce partenariat possible.

- Un petit extrait -

« La plupart des gens passent devant ce tableau, en imaginant vaguement le propos, et regardent le centre de la peinture - là où la lumière de la chandelle éclaire les visages des trois personnages. Vous, mademoiselle, jouissez d'un esprit plus pénétrant, et choisissez de fouiller la pénombre à la recherche de quelque trésor caché, où d'une chausse-trappe, mais c'est encore une tromperie. Un piège dans le piège. Le deuxième appât que le peintre laisse spécialement pour les poissons qui se croient trop malins. »

- Mon avis sur le livre -

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette année 2017 s’achève sur une excellente lecture ! Cet énorme pavé, qui m’a accompagnée durant toute une semaine, a été une véritable révélation : enfin un auteur qui ose s’affranchir des règles ancestrales de la fantasy tout en piochant allégrement quelques éléments chez les autres genres littéraires afin de proposer au lecteur quelque chose de nouveau, d’innovant, de rafraichissant, qui ravira autant les amoureux des grandes épopées épiques que les passionnés d’intrigues de cours, de steampunk ou de Renaissance ! Quel plaisir de se plonger, jour après jour, dans ce livre magnifiquement bien écrit qui nous transporte dans un monde à la fois si proche et si différent du nôtre, qui nous invite à faire la rencontre de personnages atypiques plongés au cœur d’une intrigue palpitante et captivante !

Tout commence par une mort, foudroyante, inexpliquée, inexplicable. La jeune Iarma, onze ans, cousine de l’Illustre duchesse Jana Spadelpietra, meurt dans d’atroces souffrances en contemplant un tableau, apparemment banal et inoffensif. Commence alors une longue traque afin de retrouver le peintre et le faire venir à Tandal, ville historique des Illustres, cette noble famille qui va très prochainement s’unir à la lignée royale. Pour Mical, jeune prodige de la peinture, c’est le début d’une éprouvante fuite … La rencontre avec les Austrois, ce peuple nomade épris d’inventions mystérieuses et de spectacles envoutants, permettra-t-elle à ce jeune homme élevé dans un monastère de survivre ?

L’auteur a fait un choix, audacieux mais délicat : celui de plonger directement le lecteur dans cet univers sans jamais rien lui expliquer de son fonctionnement, en laissant aux événements et aux personnages la responsabilité d’enseigner discrètement au lecteur les rouages de ce monde. Et pourtant, pas une seule fois je ne me suis sentie perdue : Romain Delplancq a réussi l’incroyable exploit de construire un monde qui s’impose au lecteur, qui fait partie de lui. Cela peut sembler étrange dit comme cela, mais c’est vraiment l’impression que j’avais : que l’univers dans lequel prenait place le récit existait depuis toujours au fond de moi, de telle sorte qu’il était inutile d’en dire plus, je sentais comment les choses se passaient au sein de ce monde. La hiérarchie politique, militaire, religieuse, les mythes et les coutumes … tant d’éléments qui s’imposaient à moi comme coulant de source. Du vrai génie, que de réussir à distiller tellement d’informations capitales de ci de là sans que le lecteur ne s’en rende vraiment compte, sans que cela ne l’ennuie, sans que cela ne ralentisse l’intrigue, sans que cela ne se voie, tout simplement !

Et cette intrigue, mais quelle intrigue ! Dès les toutes premières pages, le ton est donné : ce roman sera puissant, sanglant parfois, intriguant souvent, captivant toujours. Très rapidement, l’ambiance devient pesante, l’urgence se fait sentir, on a le souffle court et le cœur qui s’emballe. On tremble pour Mical, ce pauvre gamin qui n’a rien demandé, on serre les poings face aux manigances des Illustres, on exulte d’insouciance ou de vengeance aux côtés des Austrois. Les Austrois, probablement LE peuple le plus intriguant de toutes mes pérégrinations littéraires. Ces nomades, ces musiciens saltimbanques, ces savants gardant jalousement leurs secrets technologiques indispensables, ces familles soudées et solidaires qui ne laisseront jamais la mort d’un d’eux impunie mais sont capables de programmer une vendetta qui prendra des dizaines d’années avant de se réaliser, ont su conquérir mon petit cœur. Ils sont, à leur manière, bien plus intrigants encore que les Spadelpietra, cette Illustre famille qui a su se hisser tout en haut sans que l’on ne sache tout à fait comment … bien que j’aime énormément les intrigues de cour !

L’intrigue est menée d’une main de maitre. J’ai rarement croisé le chemin d’un rythme si bien géré, si bien maitrisé. Ce roman est un livre en clair-obscur : tantôt le lecteur se retrouve plongé au cœur du palais Spadelpietra, où tout se trame dans l’ombre et les faux-semblants, tantôt il se voit propulsé au milieu des plaines et des déserts traversés par les Austrois, où les batailles et les courses-poursuites s’enchainent. Le calme avant la tempête, l’ouragan avant le silence. Et tout est parfaitement dosé : pas moyen de s’ennuyer, mais pas moyen non plus de se retrouvé submergé face à un trop-plein d’action. Le juste milieu a été trouvé. L’auteur n’a pas hésité à avoir recours à des ellipses plus ou moins longues, il n’a pas hésité non plus à occulter volontairement tout un pan de l’histoire pour ne pas casser ce rythme ; certains regrettent ainsi de ne pas avoir vu naitre la romance entre deux personnages, pour ma part je suis ravie de voir que l’auteur a eu ce courage de ne pas en dire plus : j’aurai trouvé cela profondément ennuyant et inutile sur le plan de l’intrigue. 

Mais, plus que tout, je suis admirative face à la plume de Romain Delplancq. Quelle plume ! Certains trouveront peut-être qu’il utilise des phrases trop longues, trop emberlificotées … mais puisque j’ai tendance à faire la même chose dans mes propres écrits, je ne peux pas le lui reprocher. Bien au contraire. J’aime ces belles phrases riches en figures de style, ces tournures parfois alambiquées mais tellement riches de sens, ces jeux de sonorités qui font naitre des images, des sons, des sensations dans mon imagination ... Si la magie existe en ce monde, elle se cache au cœur des mots, qui, lorsqu’ils sont savamment agencés comme c’est le cas ici, parviennent à nous faire voyager sans efforts, sans autre support qu’un simple livre. En ouvrant ce livre, ce n’est pas uniquement une belle aventure que vous allez suivre de loin, mais c’est bel et bien un grand voyage que vous allez effectuer en compagnie de Mical et ses compagnons, aux côtés de Jana et des autres nobles. Ouvrez ce livre, lisez quelques pages, puis fermez les yeux et laissez-vous happer par cette fantastique histoire …

Vous l’aurez compris, je pourrais parler de ce roman pendant des heures. Je n’ai pas dit ici le quart de ce que j’aurai envie de vous dire au sujet de cet incroyable récit qui ne ressemble à rien de ce que j’ai pu lire jusqu’à présent. Des tas de portes s’ouvrent au fur et à mesure que l’histoire avance, des tas de sous-intrigues naissent, les alliances se font et se défont, les manigances se mélangent aux destinées mystiquement tracées … Il est tout simplement impossible de lâcher ce livre avant de l’avoir terminé, et une fois la dernière page tournée, on se languit de la suite. Il n’y a pas uniquement l’envie de savoir comment tout cela va se terminer, comment les choses vont évoluer et se dénouer, il y a surtout le besoin de retrouver cet univers riche et mystérieux, ces personnages atypiques et intrigants … et cette belle plume qui fait rêver et voyager. Que j’ai hâte de lire la suite, que j’ai hâte !

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus d’explications sur cet article)

mercredi 27 décembre 2017

Dans la forêt de Hokkaido - Eric Pessan



Dans la forêt de Hokkaido, Eric Pessan

Editeur : L’école des loisirs
Collection : Medium
Nombre de pages : 132
Résumé : Les anges gardiens n'existent pas qu'en rêve, le saviez-vous ? Lorsque Julie plonge dans le sommeil, son monde bascule. L'adolescente se retrouve dans la forêt de l'île japonaise d'Hokkaido, reliée physiquement à un petit garçon de sept ans. Abandonné par ses parents, il erre seul, terrifié, et risque de mourir de froid, de soif et de faim. Quel est le lien entre Julie et l'enfant perdu ?

Un grand merci à lecteurs.com pour l’envoi de ce roman dans le cadre de l’opération Explobooks.

- Un petit extrait -

« J'ai besoin de chaleur, mes mains et mes pieds se réchauffent lentement. C'est comme si le rêve avait aspiré une partie de ma force vitale. Ma température corporelle me paraît bien plus basse qu'à l'ordinaire. J'ai besoin de me sentir protégée. J'ai beau savoir qui je suis et où je suis, une partie de moi demeure un petit garçon japonais caché par les dieux.. »

- Mon avis sur le livre -

Plus le temps passe, plus je me rends compte que c’est parfois très risqué de lire plusieurs ouvrages d’un auteur. Je m’explique, car vous ne comprenez probablement pas où je veux en venir. Il y a quelques mois, j’ai lu Aussi loin que possible d’Eric Pessan, que j’avais finalement bien apprécié en dépit des préjugés que j’entretenais à son égard. C’est donc assez confiante que je me suis lancée dans La forêt de Hokkaido, dont le résumé me semblait particulièrement prometteur et annonçait une petite touche de surnaturelle. Finalement, bien que l’idée de départ m’ait charmée, ce livre n’a pas réussi à me convaincre, et je ressors de cette lecture assez déçue …

Julie est une adolescente comme les autres … ou presque. Depuis toujours, elle retrouve instinctivement les objets perdus et ressent au plus profond d’elle-même les émotions de ceux qui l’entourent. Mais cela ne l’intrigue et ne l’inquiète pas plus que cela, et elle s’accommode finalement assez facilement de ces petites particularités psychiques. Jusqu’au jour où tout dégénère. En rêve, elle se retrouve aux côtés d’un petit garçon japonais, perdu dans la forêt, visiblement abandonné par ses parents. Il ne lui faut pas longtemps pour comprendre que ce rêve n’en est pas un, et que ce petit garçon est celui dont la disparition fait la une des journaux japonais. Comment aider cet enfant ? Comment s’est-elle retrouvée connectée à lui ?

C’est en réfléchissant à ce résumé que je me suis rendue compte de ce qui est à mes yeux le plus gros point négatif de ce livre : il ne se passe finalement pas grand-chose. Julie tombe malade, et lorsqu’elle tombe dans ce sommeil fiévreux, elle se retrouve dans le corps de ce petit garçon japonais que ses parents ont déposé en forêt pour lui faire peur et calmer son sale caractère. L’état de Julie se dégrade en même temps que s’affaiblit cet enfant du bout du monde, elle finit à l’hôpital tandis que des militaires retrouvent par hasard le petit garçon réfugié dans une base abandonnée. Point. Aucune vraie intrigue, aucun véritable rebondissement. Finalement, le lien télépathique entre Julie et ce petit garçon dont je ne sais même pas le nom n’a servi à rien. Il était là, mais n’a pas été exploité. Et c’est dommage. Je suis restée sur ma faim, je m’attendais à quelque chose d’un minimum épique et angoissant, je me retrouve avec un récit plat, creux, vide. Je suis d’autant plus déçue que, la dernière fois, Eric Pessan avait su me surprendre très agréablement avec un roman dont le résumé ne m’inspirait rien : je pensais qu’avec un résumé qui me branchait, il allait réussir à me transporter jusqu’au coup de cœur, et c’est au contraire une déception monumentale que m’a apporté ce livre …

En effet, malgré l’irruption inattendue de quelques thématiques franchement intéressantes (l’immigration, le gros problème des haters sur internet qui se permettent de critiquer et insulter tout le monde sous prétexte qu’ils sont cachés derrière un pseudo, oubliant que derrière chaque écran se trouve une vraie personne avec sa sensibilité et ses émotions …), rien n’est venue contrebalancer ce gros point noir. Bien au contraire. Je ne me suis attachée ni à Julie ni au petit garçon sans nom, ni aux autres personnages (j’éprouve un peu de sympathie mêlée de curiosité pour Ghirmay, mais sans plus) … Pour la simple et bonne raison qu’ils sont eux aussi vidés de toute substance : ils sont un prénom, un rôle, ils sont là mais sans plus. Ils ne seraient pas là que cela ne changerait finalement pas grand-chose : à quoi sert Elliott, à part être désigné comme le meilleur ami de Julie ? Même les personnages qui auraient quelque chose à apporter - je pense à Ghirmay et ses deux amis, trois jeunes migrants accueillis temporairement par les parents de Julie - ne sont présentés que superficiellement, alimentant la curiosité du lecteur pour la laisser finalement assouvie … C’est triste de voir autant d’excellentes idées être si peu exploitées !

En bref, je pense que vous l’aurez compris : ce livre m’a vraiment déçue. Et cela d’autant plus que j’en attendais beaucoup, parce que j’avais apprécié un autre livre du même auteur et que j’imaginais qu’il allait en être de même ici. Malgré une plume fluide et originale, Eric Pessan n’a pas réussi à me convaincre cette fois-ci, et je dois bien admettre ne plus être si certaine de vouloir découvrir l’intégralité de sa bibliographie comme je le comptais auparavant. Bien que tout ne soit pas mauvais dans cet ouvrage, qui aborde des thématiques actuelles et cruelles (l’immigration, la maltraitance …) tout en évoquant des valeurs importantes (l’altruisme, mais aussi l’empathie, l’ouverture d’esprit, la tolérance …), je n’ai pas réussi à me plonger dans cette histoire qui n’en est pas une, à m’attacher à ces personnages sans consistance … Les fondations de ce livre sont bonnes, l’idée de départ est intéressante, mais le reste ne suit pas, et on se retrouve avec une construction avortée, un roman qui laisse le lecteur sur sa faim …

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
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samedi 23 décembre 2017

L'interprète des animaux - Temple Grandin



L’interprète des animaux, Temple Grandin

Editeur : Odile Jacob
Nombre de pages : 371

Résumé : Temple Grandin, cette femme extraordinaire qui a réussi à sortir de l'autisme, a étudié les animaux pendant trente ans et a cherché à améliorer leurs conditions de vie. Elle a utilisé les mystères de l'autisme pour comprendre et décoder le comportement animal. Elle nous livre ici sa vision de la façon dont les animaux pensent, ressentent de la souffrance, de la peur, de l'agressivité, de l'amour, de l'amitié. Elle nous explique comment ils communiquent et acquièrent des connaissances. 


- Un petit extrait -

« Mais je sais que les hommes peuvent apprendre à « parler » aux animaux et à entendre ce qu’ils ont à nous dire mieux qu’ils ne le font actuellement. Je sais aussi que les personnes qui communiquent avec des animaux sont souvent beaucoup plus heureuses que les autres. Nous étions nous-mêmes des animaux, autrefois, et en devenant des hommes nous avons perdu quelque chose. Mais ce quelque chose peut nous être en partie restitué par une plus grande complicité avec les animaux.  »

- Mon avis sur le livre -

Vous l’aurez sans doute remarqué : depuis quelques semaines, je ne cesse de sortir de ma zone de confort afin de me plonger dans des tas d’ouvrages très différents les uns les autres. Bande-dessinée, témoignage, recueil de nouvelles, et maintenant essai scientifique … pour tout avouer, cela m’étonne moi-même, mais j’apprécie énormément cette diversité soudaine. Moins de monotonie, moins de risque d’ennui, et surtout, plus de stimulation intellectuelle : j’ai l’impression d’apprendre des tas de choses très intéressantes sans efforts, c’est fantastique ! J’ai toujours été curieuse de nature, et les livres m’ont toujours permis de me documenter sur les nombreux domaines qui me passionnent … celui-ci ne fait pas exception, puisque non seulement il concerne les animaux, mais en plus il est écrit par une autiste : deux de mes intérêts du moment rassemblés dans un seul ouvrage, si c’est pas beau ça !

Temple Grandin fait partis de ces autistes célèbres qui considèrent leur différence non pas comme un handicap déprimant mais comme une formidable force. C’est ainsi que son autisme, en la rendant particulièrement proche des animaux, lui a permis de devenir spécialiste du comportement et de la pensée animale. Dans cet ouvrage, Temple Grandin s’efforce de démontrer que les animaux pensent, communiquent, apprennent … et qu’ils sont bien plus intelligents que nous ne pouvons l’imaginer. S’appuyant à la fois sur des anecdotes, des travaux de scientifiques renommés et sur ses propres théories, hypothèses et raisonnements, elle explique les comportements des animaux, afin de montrer que nous pouvons apprendre énormément d’eux … et surtout, que nous leur devons le respect.

Pour tout avouer, lorsque j’ai commencé cet ouvrage, je m’attendais à lire un témoignage d’une autiste douée d’un lien très particulier avec les animaux. Bien que Temple Grandin offre parfois à son lecteur quelques éléments de sa vie, ceux-ci restent épisodiques et servent généralement à expliciter, prouver, démontrer, ses propos. Car Temple Grandin en est persuadée : le cerveau animal et le cerveau autiste (je précise que ce terme n’a rien de péjoratif ni sous sa plume ni sous la mienne) sont semblables, et les recherches concernant les uns peuvent apporter à la compréhension des autres, et vice-versa bien évidemment. Aussi, elle s’appuie sur son propre fonctionnement pour mettre en lumière certains comportements animaux ainsi que leur explication. Ce parallèle incessant, souvent accompagné d’une comparaison avec un humain « normal », fait toute la richesse de cet essai particulièrement intéressant et instructif.

On ne va pas se mentir : certains passages risquent de perdre et de décourager les  moins « scientifiques ». La terminologie est précise, mais parfois complexe : pour ma part, si je ne m’étais pas intéressée au fonctionnement du cerveau il y a quelques années (pour approfondir un cours de Biotechnologie pas suffisamment poussé à mon gout), je n’aurai probablement absolument rien compris à certains chapitres. Mais clairement, cet aspect ne m’a nullement dérangée, bien au contraire : c’est toujours intéressant de savoir comment la biologie peut influencer les comportements, par exemple. De plus, Temple Grandin a trouvé un véritable équilibre entre les exemples concrets et les explications « scientifiques » : elle part soit de l’un soit de l’autre, mais prouve toujours l’un par l’autre. 

Outre cet aspect purement « pédagogique », cet ouvrage a à mes yeux deux intérêts majeurs. Le premier est de conduire le lecteur à s’interroger sur son propre rapport à l’animal : lorsque je suis en présence d’un chat, d’un chien, d’un cheval, comment considèré-je ce dernier ? Le risque est double entre deux excès : soit nous les considérons comme des êtres privés de toute conscience ou intelligence, soit au contraire nous avons cette fâcheuse tendance à projeter nos propres émotions et intentions sur leur comportement. Il ne faut tomber ni dans l’un, ni dans l’autre : un animal pense et ressent, ils sont intelligents et sensibles, mais pas de la même manière que nous. Voilà ce que Temple Grandin chercher à nous faire comprendre. Le second intérêt de ce livre, c’est qu’il explique clairement ce que l’on peut faire face à certains comportements animaux qui nous dépassent. Pourquoi diable ce cheval a-t-il peur des chapeaux noirs mais pas des bleus ? Comment lui faire dépasser cette étrange phobie ? En se mettant à la place des animaux, Temple Grandin trouve toujours la raison qui explique tel ou tel comportement, telle ou telle attitude, et propose des solutions adaptés car éclairées. A nous de tenter de suivre son exemple …

En bref, un livre bien différent de ce que je lis d’ordinaire mais qui a su me captiver. Je n’ai pas ressenti le besoin de faire des pauses ou de lire un roman en parallèle tant l’intérêt que je portais à cet ouvrage était grand. Temple Grandin a une façon bien à elle de parler des animaux, elle porte sur eux un regard aussi respectueux que clairvoyant. On sent qu’elle les aime profondément, qu’elle les respecte également, et qu’elle les admire. Et très honnêtement, moi qui était déjà intimement persuadée que les animaux sont sur bien des points plus intelligents que nous autres humains, j’en suis encore plus convaincue désormais : j’ai été particulièrement impressionnée par certaines performances animales relatées dans ce livre ! Je conseille bien évidemment ce livre aux passionnés des animaux, mais également à ceux que la recherche médicale sur l’autisme intéresse : aussi étonnant que cela puisse paraitre, vous  apprendrez bien des choses sur ces deux thématiques en lisant cet essai !

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus d’explications sur cet article)