dimanche 14 janvier 2024

Les Chroniques occultes, tome 4 : Nid d’espions à Canton - Guy-Roger Duvert

Les chroniques occultes4, Guy-Roger Duvert

Nid d’espions à Canton

 Editeur : Autoédition
Nombre de pages : 305
Résumé : Au cœur des ruelles envoûtantes de Canton, des palaces coloniaux aux fumeries d’opium, des casinos luxueux à l’ombre des pagodes et des temples millénaires, nos quatre investigateurs se retrouvent au milieu d’un jeu dangereux entre espions de différents pays, afin de récupérer des données liées à de sombres savoirs impies. Une enquête qui les mènera à s’attirer l’ire de cultes séculaires et à devoir affronter des créatures dont ils ne connaissaient que de vagues descriptions : les goules...

 Un grand merci à Guy-Roger Duvert pour l’envoi de ce volume et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

 

- Un petit extrait -

« Comme vous le savez, mon contact, un ressortissant britannique du nom de Corbyn, était disposé à me céder le texte de Cresci, potentiellement riche en enseignements concernant cet Ordre de Janus, qui au XVIe siècle aurait utilisé comme signe le ralliement le même symbole que celui que vous avez trouvé dans les ruines du Bengale dédiées à Nyarlathotep. Malheureusement, notre homme semble avoir disparu. J’avais rendez-vous avec lui il y a trois jours, et il n’est jamais venu. Après renseignement, il semblerait qu’il n’ait plus donné signe de vie depuis une semaine, maintenant. »

- Mon avis sur le livre -

 Mars 1935. Pas de repos pour les braves : laissant derrière eux le delta du Bengale et les Indes Britanniques, Milton, Kristen, Lillian et Howard embarquent pour Hong-Kong. Ils y retrouvent une autre membre de la Miskatonic, qui leur fait part de son inquiétude : son contact sur place, supposé lui remettre un document particulièrement important - et potentiellement dangereux s’il se retrouve entre de mauvaises mains -, ne donne plus signe de vie depuis plus d’une semaine. Sans tarder, nos quatre compagnons se remettent en route : cap pour la concession internationale de Canton. C’est là, au cœur d’un imbroglio diplomatique où les espions de tous pays jouent au chat et à la souris, que nos quatre explorateurs commencent leur enquête … Sans se douter qu’ils vont, une nouvelle fois, se retrouver entourés de dangers surnaturels. Entre une fumerie d’opium où disparaissent des corps et un cimetière où se tient une macabre cérémonie nécrophile, il n’y a parfois qu’un pas …

Après l’explosion d’action de l’opus précédent, il faut bien reconnaitre que celui-ci fait « pale figure » en comparaison : c’est le calme après la tempête, et probablement avant la suivante. Tome de transition plus qu’autre chose, il permet au lecteur de reprendre doucement son souffle … pour ensuite le tenir en haleine. Il a beau se passer moins de choses dans ce volume que dans les précédents, et tout le côté fantastique a beau passer au second plan, on est tellement dans l’attente continuelle de voir les choses dégénérer que l’on ne peut s’empêcher de dévorer chaque chapitre en se demandant si c’est dans le suivant qu’un occultiste fou va débarquer avec un rituel infernal. Il y a, bien sûr, toujours cette petite pointe de déception quand on se rend compte que non, pas encore, mais cela n’entache en rien le plaisir de lecture. Il faut dire qu’on a fini par s’attacher aux personnages, et le simple fait de voyager « en leur compagnie » suffit à rendre la chose agréable : c’est toujours un plaisir de les voir se dépatouiller de situations qui semblent assez inextricables, de les voir entremêler leurs réflexions pour parvenir à une « révélation » collective, de les voir aussi, parfois, en arriver aux mêmes conclusions par divers chemins lorsqu’ils se séparent.

Il faut dire que comme souvent chez Guy-Roger Duvert, les machinations des uns s’entrelacent aux quêtes des autres, et tout ceci forme une immense trame, une improbable toile d’araignée aux ramifications parfois surprenantes : au premier abord, on se demande bien en quoi les expérimentations scientifiques pour le moins douteuses et contre-nature d’un savant allemand peuvent bien être reliées aux cérémonies nécrophiles et nécrophages d’un petit village où personne ne semble vieillir ni mourir … Sans vraiment le vouloir, c’est bien souvent dans une fourmilière bien plus vaste et plus dangereuse qu’ils ne pouvaient l’imaginer que nos quatre compagnons vont sauter à pieds joints : ils ont beau s’armer de prudence, face aux forces occultes et aux trafics bien rôdés, il suffit d’une seconde d’inattention pour se retrouver dans une cage ou même dans un cercueil ! L’avantage de n’être que lecteur, spectateur, c’est qu’on profite de toute cette adrénaline sans jamais être en danger : assurément, je ne tiendrais pas une seule seconde à la place de nos quatre héros, qui s’en sortent peut-être parfois trop « facilement », il est vrai, mais c’est aussi ce qui fait le charme de cette saga. Il y a clairement un petit côté « Indiana Jones », une petite pointe de « kitch » qui vient contrebalancer les côtés plus sombres et horrifiques à la Lovecraft : un mélange surprenant mais que j’apprécie énormément !

Il me semble difficile d’en dire plus sans en dire trop, je vais donc m’arrêter là : vous l’aurez bien compris je pense, même si ce n’est pas forcément mon tome préféré car il ressemble bien plus à un « simple » policier qu’à un véritable roman fantastique, j’ai tout de même passé un excellent moment en compagnie de Milton, Kristen, Lillian et Howard. Comme toujours, j’ai apprécié la plume de l’auteur : simple mais efficace, sobre mais très visuelle. On a vraiment cette impression d’être pleinement immergé dans le récit, de en pas pouvoir s’en sortir car plus le temps passe, plus on ressent cette urgence, cette tension qui monte, plus on a envie de savoir comment tout ceci va se dénouer, comment ils vont bien pouvoir s’en sortir. Guy-Roger Duvert fait indéniablement parti de ces auteurs qui savent parfaitement bien comment jouer avec les nerfs de ses lecteurs, comment les faire s’impatienter, comment les surprendre, comment les frustrer également : comme toujours, c’est au moment où on se dit « oh, ça y est, les choses sérieuses commencent pour de bon » que surgit l’horrible mention « suite dans le prochain tome » ! Vivement la suite, vivement !

mardi 2 janvier 2024

Jonathan Sato et les chroniques d’Alméria - Jean-François Morin

Jonathan Sato et les chroniques d’Alméria, Jean-François Morin

 Editeur : Le lac aux fées
Nombre de pages : 466
Résumé : Jonathan, Emy et Jany poursuivent leur voyage pour rejoindre Alméria, le Royaume des Fées. Sur cette île coupée du monde, où l’alchimie subsiste depuis plus de cent ans, les jeunes dragonniers doivent mettre en sécurité les armures d’or et continuer leur apprentissage à cette science oubliée. Pour atteindre leur objectif et traverser la mer d’Eresda, ils vont devoir embarquer à bord du Maelstrom, le bateau pirate du tant redouter Pow Rickmort. Mais pourquoi Samérion a-t-il fait appel à cet homme à la sinistre réputation ? Nos jeunes héros ne tarderont pas à le savoir…

 Un grand merci à Jean-François Morin pour l’envoi de ce volume.

 

- Un petit extrait -

« En pleine nuit, mon père entra dans ma chambre pour me réveiller. Mais à vrai dire, je ne dormais pas. J’étais à la fois triste et excité. Triste, car ce nouveau départ qui se profilait m’éloignait à nouveau de mes parents. Et excité, car en compagnie d’Emy et de Jany, j’allais naviguer en mer pour la première fois et, qui plus est, à bord du Maelstrom ! Ce bateau pirate qui terrifiait tant de marins … »

- Mon avis sur le livre -

 Après avoir exploré en secret de mystérieux souterrains, découvrant ainsi les secrets des alchimistes, et avoir crapahuté au cœur de grandioses montagnes pour récupérer les légendaires armures d’or de ces derniers, l’heure est venue pour Jonathan, Emy, Jany et leurs dragons respectifs de voguer à bord d’un majestueux navire pirate. Direction : Alméria, l’île des fées et des alchimistes blancs ! Les trois enfants sont à la fois surexcités par cette nouvelle aventure, tristes d’être une nouvelle fois séparés de leurs parents et effrayés par la guerre alchimique qui se profile : ils ont tout autant envie de découvrir les merveilles de ce petit bout de terre perdu au milieu de l’océan que de retrouver leur petite maison et les attentions délicates de leur maman … Mais ils n’ont pas le choix : ils doivent à tout prix mettre en sécurité les armures d’or si laborieusement retrouvées, et poursuivre leur difficile apprentissage de l’alchimie, afin d’être prêts à lutter contre Odon Lémoras et ses cruels partisans. Les trois enfants parviendront-ils à maitriser leurs nouveaux pouvoirs avant qu’il ne soit trop tard ?

Avec ce troisième opus, on pourrait presque dire « on prend les mêmes et on recommence », tant nous sommes dans la continuité des deux premiers : nous retrouvons cette ambiance en clair-obscur, où l’insouciance enfantine de nos trois petits héros côtoie l’approche inexorable d’un conflit qui promet d’être sans pitié. Il y a, d’un côté, l’enthousiasme et l’émerveillement de ces trois enfants fins prêts à vivre une toute nouvelle aventure, et de l’autre, leur peine et leur peur à l’idée d’être une nouvelle fois séparés de leurs parents pour se jeter la tête la première dans ce monde sur le point de connaitre une nouvelle guerre alchimique. Malgré leur jeune âge, Jonathan, Jany et Emy ont bien conscience qu’ils ne sont pas en voyage d’agrément, ils savent très bien que le danger est bel et bien présent, et ils savent également qu’un jour ou l’autre, ils seront amenés à prendre part au conflit. Et même s’ils ont grandis entourés de chevaliers-dragons et qu’ils ont toujours eu envie d’en devenir à leur tour, ils se rendent compte que ce n’est pas si facile, d’être un héros … J’ai beaucoup aimé cette dualité en eux : il y a à la fois ce désir profond de devenir de valeureux chevaliers-dragons et de brillants alchimistes blancs, et cette envie de redevenir de simples enfants qui ne font que jouer à être de valeureux chevaliers-dragons et de brillants alchimistes blancs au lieu de l’être pour de vrai

À vrai dire, je crois que c’est ce que j’aime le plus dans cette saga : le fait que nos héros soient de jeunes enfants. Cela apporte vraiment une touche de légèreté et de lumière : bien plus que les adultes, les enfants ont un cœur profondément généreux, un désir authentique de faire le bien et de bien faire, une volonté farouche de voir le bien, le bon et le beau vaincre … et une certaine forme de candeur et de naïveté, car ils croient encore, justement, que le mal ne peut jamais gagner, car ils ont encore cette foi en la gentillesse et en la grandeur de l’être humain. Cette insouciante espérance est profondément touchante, et d’une certaine manière quelque peu désarmante. En tant qu’adulte, on a tout à la fois envie de préserver coute que coute cette innocence, et envie de les avertir que les choses sont rarement aussi simples et aussi belles pour leur éviter une cuisante désillusion. On est à la fois jaloux de leur candide bonheur, de joyeuse inconscience, et honteusement fier de savoir quelque chose qu’ils ignorent encore, comme si c’était une victoire que d’avoir réussi à « surmonter » (si cela est possible) cet effroyable apprentissage de la terrible réalité. Les enfants sont bien moins compliqués, bien moins hypocrites, et ils font donc des héros bien plus « authentiques », bien plus inspirants également ... On a encore plus envie de les voir réussir, de les voir gagner, on tremble encore plus pour eux quand tout semble perdu, on exulte encore plus avec eux quand tout s’arrange.

Et dans ce tome, on tremble autant qu’on exulte. Il y a vraiment des moments effroyables où on a le sentiment que tout est perdu, que l’ennemi est décidément et définitivement plus fort, que plus rien ne pourra faire pencher la balance en faveur du « camp des bons » … Il faut dire qu’on a fini par baisser la garde : cette île semblait si tranquille, si sûre, on ne pouvait pas imaginer que même là, la rancœur et la jalousie allaient grignoter les cœurs, et on ne pouvait pas concevoir que l’ennemi allait venir jusque-là. Un peu comme nos petits héros, on avait finalement l’espoir qu’ils aient trouvés sur cette île un véritable havre de paix, un lieu où chacun et tous avaient appris à vivre dans le respect, l’harmonie et l’équilibre. Parce qu’on aimerait croire que c’est possible, que la paix est possible … on a besoin d’y croire, je pense. Mais malheureusement, inévitablement, il y a toujours un grain de poussière qui vient gripper le mécanisme bien rodé, il y a toujours quelqu’un pour éprouver une insatisfaction, une frustration, et pour transformer cette dernière en colère et en violence. Et même si, tout comme Jonathan, on ne peut que comprendre le désarroi de certains, je trouve cela assez triste et déplorable que les moyens d’actions choisis soient toujours la brutalité et la cruauté. Triste, déplorable, mais pourtant si humains. Tristement et déplorablement humain …

Heureusement pour le lecteur, qui a déjà suffisamment de raisons de déprimer en écoutant quelques secondes les informations au journal télévisé, il y a dans cette saga un côté intensément plus lumineux, plus réjouissant. Il y a, en premier lieu je pense, l’amitié et l’amour familial. Plus cela avance, plus je suis émue par le lien qui unit Jonathan et sa petite sœur Emy. À chaque fois que Jonathan, en dépit de toute sa pudeur et sa maladresse affective typiquement masculines, se préoccupe de sa petite sœur, s’efforce de la protéger et de la réconforter, je sens mon petit cœur fondre : c’est si beau, si tendre. J’ai également été très touchée par les scènes où nos petits héros sont avec leurs parents : bien souvent, les romans insistent sur les conflits entre les pré-ados et leurs parents, alors que là, il n’y a que la joie de se retrouver, le désir farouche de se protéger, la tendresse et la complicité. Cela fait du bien, de voir une famille unie ! Et je n’oublie pas l’Amitié, qui mérite ici je pense une majuscule : pour Jonathan, l’Amitié, c’est sacré. Pour un ami, Jonathan est prêt à mourir … ou à tuer (même si, et j’en suis très heureuse et soulagée, cet acte n’est jamais banalisé et encore moins valorisé). Et Jonathan ne laissera jamais tomber un ami, qu’il soit de longue date ou à peine rencontré. Aux yeux de certains, tout ceci ne sera peut-être qu’un « ramassis de bons sentiments », mais pour ma part, c’est vraiment que chose que j’aime tout particulièrement dans cette saga, et ce tome est plein de belles scènes d’amitié !

En bref, vous l’aurez bien compris je pense : à l’instar des deux premiers opus, celui-ci m’a pleinement convaincue et énormément plu. Alors bien sûr, je l’admets bien volontiers, on reste dans de la fantasy jeunesse plutôt « classique », il n’y a rien de particulièrement extravagant, audacieux ni même original, mais cela n’empêche clairement pas l’intrigue d’être passionnante. On a beau y retrouver des schémas bien connus, des retournements de situations parfois prévisibles, rien de tout cela n’entache le plaisir de lecture : on se laisse entrainer, tout simplement, on se laisse émerveiller, on se laisse surprendre, on se laisse effrayer … L’espace de quelques centaines de pages, on retrouve quelque peu notre âme d’enfant, on vit par procuration une fabuleuse aventure, une incroyable épopée pleine de magie et de mystère. Et même si j’ai trouvé la fin quelque peu précipitée, clairement moins aboutie que tout ce qui précédait, cela ne m’empêche nullement d’avoir terriblement envie que la suite sorte au plus vite, car j’ai vraiment hâte de savoir comment tout ceci va évoluer ! On en redemande, clairement ! Et impatiemment !