Editeur : Seuil
Nombre
de pages : 200
Résumé : Dans une petite ville paisible au cœur des
Appalaches, la rivière vient de déposer sur la grève une poignée d'ossements,
ayant appartenu à une jeune femme dont personne n'avait plus entendu parler depuis
un demi-siècle. 1969 : le Summer of love. Ligeia débarque de Floride avec
l'insouciance et la sensualité de sa jeunesse, avide de plaisirs et de liberté.
Deux frères, Bill et Eugene, qui vivent sous la coupe d'un grand-père
tyrannique et conservateur, vont se laisser séduire par Ligeia la sirène. Le
temps d'une saison, la jeune fille bouleversera de fond en comble leur
relation, leur vision du monde, et scellera à jamais leur destin – avant de
disparaître aussi subitement qu'elle était apparue.
Ce roman a été lu dans le
cadre de l’opération « Exploration de la rentrée littéraire 2017 »
organisée par lecteurs.com.
- Un petit extrait -
« Dans la vie on fait des choix, et il faut accepter les conséquences de ces choix. Dans notre enfance, Bill et moi avons souvent entendu cette maxime de Grand-père, à propos de tout. »
- Mon avis sur le livre -
Bill et Eugène n’étaient encore que des
adolescents le jour où leur chemin croisa pour la première fois celui de
Ligeia. L’insaisissable jeune fille apporta avec elle le monde dont ils étaient
coupés, autant du fait de la position géographique de leur petite ville des
Appalaches que de celui de leur tyrannique et omniscient grand-père. Le temps
d’un été, Eugène va progressivement se détacher de l’ombre de son frère ainé,
va s’affirmer, émoustillé par le vent de liberté et d’inconnu qui souffle
autour de la belle Ligeia. Lorsque sa sirène disparait, brusquement,
soudainement, sans crier gare, le mal est fait : la vie d’Eugène est
bouleversée à jamais par ces quelques mois passés en sa compagnie. Aussi,
lorsque quarante ans plus tard, il apprend que les ossements de la jeune fille
ont été trouvés près de la rivière où ils se baignaient cet été, il cherchera à
comprendre ce qu’il s’est réellement passé …
Des quatre livres que j’ai reçu cet été dans
le cadre de cette opération, c’est indéniablement celui qui me donnait le plus
envie. J’ai directement eu un véritable coup de cœur pour ce titre et cette
magnifique couverture, et j’étais particulièrement curieuse de découvrir enfin
cet auteur dont j’entendais énormément parler. Et le résumé a fini de me
convaincre : les Appalaches, l’été 1969, une histoire familiale et amoureuse
mêlée à une enquête policière, du rêve en pages !
Et ce roman ne m’a pas déçue ! J’ai été
époustouflée par la profondeur des personnages : ici, il n’est pas uniquement
question de caractère et de personnalité, mais bel et bien d’une véritable
présence. Lorsqu’il était question du grand-père de Bill et Eugène, j’avais le
sentiment que cet homme, austère et autoritaire, se trouvait devant moi avec sa
prestance et sa fermeté. Lorsqu’au contraire, Eugène nous parle de Ligeia,
c’est sa sensualité et son indiscipline qui s’imposait à mon esprit. Il y a
quelque chose dans la narration qui donne véritablement vie à ces personnages :
ici, Ligeia, Bill et Eugène (pour ne citer qu’eux) ne sont pas uniquement trois
personnalités fabriquées sur mesure pour coller au rôle qui est le leur dans
l’intrigue, mais j’ai au contraire le sentiment que l’intrigue s’est formée
pour coller avec la personnalité et le passé de chaque personnage.
Epoustouflant !
Quant à l’intrigue en elle-même, elle est
tout simplement stupéfiante. Habile mélange entre le récit d’initiation, le
récit familial et le récit policier, ce roman est riche en rebondissements, en
révélations et en émotions. Ce roman met en évidence à quel point chaque
événement de notre vie, chaque rencontre, chaque décision, peut impacter
durablement notre vie toute entière. Mais cela, on ne s’en rend compte que très
progressivement, au fur et à mesure que les pièces du puzzle se mettent en
place, au fur et à mesure que la vérité fait surface. En effet, puisque c’est
Eugène qui nous raconte l’histoire, nous ne savons que ce qu’il sait … et on se
rend finalement compte qu’il ne sait pas grand-chose. Pas une seule fois je
n’ai réussi à devancer les révélations, pas une seule fois cette hypothèse ne
m’avait effleuré l’esprit. Je me suis laissée avoir du début à la fin !
Ce qui est assez merveilleux, également,
c’est qu’en l’espace de deux cents pages, l’auteur arrive à nous plonger dans
deux ambiances complètement différentes. Il y a tout d’abord l’atmosphère
insouciante de cet été 1969, cet été durant lequel Eugène va vivre son premier
amour, va découvrir à travers les récits de sa sirène le monde qui l’entoure
mais qu’il ignore. L’euphorie envahit le cœur de cet adolescent qui vit sous la
coupe d’un grand père autoritaire et conservateur : Ligeia s’intéresse à lui,
et non pas à son frère brillant et sportif que tout le monde admire, et pour
attiser cet intérêt, cette attention qu’il imagine être de l’amour, il est prêt
à tout, sans penser aux conséquences. Et puis, il y a l’atmosphère lourde,
pesante, douloureuse de ce présent dominé par l’alcool et le souvenir de cet
accident de voiture qui l’a définitivement séparé de sa femme et de sa fille,
ce présent durant lequel ressurgit le passé par l’intermédiaire de cette
macabre découverte : les ossements de Ligeia, sur les rives de la rivière où
ils avaient l’habitude de se retrouver. Eugène sent que son frère lui a caché
quelque chose, lui a menti, il veut absolument savoir la vérité, la terrible
vérité à laquelle il s’attend. Il est bien loin de se douter que les apparences
sont trompeuses … et que la vérité peut remettre en question toutes ses
certitudes !
Ce constant va-et-vient entre ces deux
époques, ces deux ambiances, est au départ assez déstabilisant : rien n’annonce
ces changements de temporalité, et au début, je dois admettre avoir eu parfois
du mal à m’y retrouver, à reconstituer une chronologie compréhensible, à saisir
ce qui s’était passé entre ces deux périodes. Mais au final, je pense que c’est
l’une des choses qui m’a le plus plu dans ce récit : comment un événement du
présent peut faire ressurgir des souvenirs du passé, et comment le passé peut
influer sur le présent, c’est vraiment cela que ce roman met en évidence à
travers ces nombreux allers et retours. Plus d’une fois, je me suis demandé
comment aurait évoluée la vie d’Eugène sans cette rencontre avec Ligeia, où
comment aurait été le présent si la vérité n’avait pas été si longtemps cachée.
On pourrait imaginer des dizaines d’histoires parallèles !
En bref, un véritable coup de cœur dont j’ai
particulièrement du mal à parler : ce livre, il se vit, mais ne se décrit pas,
ne se raconte pas. Ce roman, il m’a captivée, il m’a envoûtée, et je pense
vraiment que je le relirais dans quelques temps, lorsque je l’aurai un petit
peu oublié, juste pour avoir le plaisir de le redécouvrir une seconde fois, de
revivre une nouvelle fois cet émerveillement qu’il a fait naitre en moi …
Ce livre
a été lu dans le cadre du Challenge de l’été 2017
(plus
d’explications sur cet article)