samedi 30 septembre 2017

Par le vent pleuré - Ron Rash



Par le vent pleuré, Ron Rash

Editeur : Seuil
Nombre de pages : 200
Résumé : Dans une petite ville paisible au cœur des Appalaches, la rivière vient de déposer sur la grève une poignée d'ossements, ayant appartenu à une jeune femme dont personne n'avait plus entendu parler depuis un demi-siècle. 1969 : le Summer of love. Ligeia débarque de Floride avec l'insouciance et la sensualité de sa jeunesse, avide de plaisirs et de liberté. Deux frères, Bill et Eugene, qui vivent sous la coupe d'un grand-père tyrannique et conservateur, vont se laisser séduire par Ligeia la sirène. Le temps d'une saison, la jeune fille bouleversera de fond en comble leur relation, leur vision du monde, et scellera à jamais leur destin – avant de disparaître aussi subitement qu'elle était apparue.

Ce roman a été lu dans le cadre de l’opération « Exploration de la rentrée littéraire 2017 » organisée par lecteurs.com.

- Un petit extrait -

« Dans la vie on fait des choix, et il faut accepter les conséquences de ces choix. Dans notre enfance, Bill et moi avons souvent entendu cette maxime de Grand-père, à propos de tout. »

- Mon avis sur le livre -

Bill et Eugène n’étaient encore que des adolescents le jour où leur chemin croisa pour la première fois celui de Ligeia. L’insaisissable jeune fille apporta avec elle le monde dont ils étaient coupés, autant du fait de la position géographique de leur petite ville des Appalaches que de celui de leur tyrannique et omniscient grand-père. Le temps d’un été, Eugène va progressivement se détacher de l’ombre de son frère ainé, va s’affirmer, émoustillé par le vent de liberté et d’inconnu qui souffle autour de la belle Ligeia. Lorsque sa sirène disparait, brusquement, soudainement, sans crier gare, le mal est fait : la vie d’Eugène est bouleversée à jamais par ces quelques mois passés en sa compagnie. Aussi, lorsque quarante ans plus tard, il apprend que les ossements de la jeune fille ont été trouvés près de la rivière où ils se baignaient cet été, il cherchera à comprendre ce qu’il s’est réellement passé …

Des quatre livres que j’ai reçu cet été dans le cadre de cette opération, c’est indéniablement celui qui me donnait le plus envie. J’ai directement eu un véritable coup de cœur pour ce titre et cette magnifique couverture, et j’étais particulièrement curieuse de découvrir enfin cet auteur dont j’entendais énormément parler. Et le résumé a fini de me convaincre : les Appalaches, l’été 1969, une histoire familiale et amoureuse mêlée à une enquête policière, du rêve en pages !

Et ce roman ne m’a pas déçue ! J’ai été époustouflée par la profondeur des personnages : ici, il n’est pas uniquement question de caractère et de personnalité, mais bel et bien d’une véritable présence. Lorsqu’il était question du grand-père de Bill et Eugène, j’avais le sentiment que cet homme, austère et autoritaire, se trouvait devant moi avec sa prestance et sa fermeté. Lorsqu’au contraire, Eugène nous parle de Ligeia, c’est sa sensualité et son indiscipline qui s’imposait à mon esprit. Il y a quelque chose dans la narration qui donne véritablement vie à ces personnages : ici, Ligeia, Bill et Eugène (pour ne citer qu’eux) ne sont pas uniquement trois personnalités fabriquées sur mesure pour coller au rôle qui est le leur dans l’intrigue, mais j’ai au contraire le sentiment que l’intrigue s’est formée pour coller avec la personnalité et le passé de chaque personnage. Epoustouflant !

Quant à l’intrigue en elle-même, elle est tout simplement stupéfiante. Habile mélange entre le récit d’initiation, le récit familial et le récit policier, ce roman est riche en rebondissements, en révélations et en émotions. Ce roman met en évidence à quel point chaque événement de notre vie, chaque rencontre, chaque décision, peut impacter durablement notre vie toute entière. Mais cela, on ne s’en rend compte que très progressivement, au fur et à mesure que les pièces du puzzle se mettent en place, au fur et à mesure que la vérité fait surface. En effet, puisque c’est Eugène qui nous raconte l’histoire, nous ne savons que ce qu’il sait … et on se rend finalement compte qu’il ne sait pas grand-chose. Pas une seule fois je n’ai réussi à devancer les révélations, pas une seule fois cette hypothèse ne m’avait effleuré l’esprit. Je me suis laissée avoir du début à la fin !

Ce qui est assez merveilleux, également, c’est qu’en l’espace de deux cents pages, l’auteur arrive à nous plonger dans deux ambiances complètement différentes. Il y a tout d’abord l’atmosphère insouciante de cet été 1969, cet été durant lequel Eugène va vivre son premier amour, va découvrir à travers les récits de sa sirène le monde qui l’entoure mais qu’il ignore. L’euphorie envahit le cœur de cet adolescent qui vit sous la coupe d’un grand père autoritaire et conservateur : Ligeia s’intéresse à lui, et non pas à son frère brillant et sportif que tout le monde admire, et pour attiser cet intérêt, cette attention qu’il imagine être de l’amour, il est prêt à tout, sans penser aux conséquences. Et puis, il y a l’atmosphère lourde, pesante, douloureuse de ce présent dominé par l’alcool et le souvenir de cet accident de voiture qui l’a définitivement séparé de sa femme et de sa fille, ce présent durant lequel ressurgit le passé par l’intermédiaire de cette macabre découverte : les ossements de Ligeia, sur les rives de la rivière où ils avaient l’habitude de se retrouver. Eugène sent que son frère lui a caché quelque chose, lui a menti, il veut absolument savoir la vérité, la terrible vérité à laquelle il s’attend. Il est bien loin de se douter que les apparences sont trompeuses … et que la vérité peut remettre en question toutes ses certitudes !

Ce constant va-et-vient entre ces deux époques, ces deux ambiances, est au départ assez déstabilisant : rien n’annonce ces changements de temporalité, et au début, je dois admettre avoir eu parfois du mal à m’y retrouver, à reconstituer une chronologie compréhensible, à saisir ce qui s’était passé entre ces deux périodes. Mais au final, je pense que c’est l’une des choses qui m’a le plus plu dans ce récit : comment un événement du présent peut faire ressurgir des souvenirs du passé, et comment le passé peut influer sur le présent, c’est vraiment cela que ce roman met en évidence à travers ces nombreux allers et retours. Plus d’une fois, je me suis demandé comment aurait évoluée la vie d’Eugène sans cette rencontre avec Ligeia, où comment aurait été le présent si la vérité n’avait pas été si longtemps cachée. On pourrait imaginer des dizaines d’histoires parallèles !

En bref, un véritable coup de cœur dont j’ai particulièrement du mal à parler : ce livre, il se vit, mais ne se décrit pas, ne se raconte pas. Ce roman, il m’a captivée, il m’a envoûtée, et je pense vraiment que je le relirais dans quelques temps, lorsque je l’aurai un petit peu oublié, juste pour avoir le plaisir de le redécouvrir une seconde fois, de revivre une nouvelle fois cet émerveillement qu’il a fait naitre en moi …

Ce livre a été lu dans le cadre du Challenge de l’été 2017
(plus d’explications sur cet article)

vendredi 29 septembre 2017

Le secret des noix - Jacques-Victor Caramin



Le secret des noix, Jacques-Victor Caramin

Editeur : Persée
Nombre de pages : 326

Résumé : Samuel, fils de paysan, se blesse pendant une journée de labeur aux champs. Il est transporté d’urgence au cabinet du généraliste Céline Marion. C’est là que Samuel fera la connaissance de Rebecca, fille de l’un des plus gros producteurs de spiritueux de la région genevoise. La vie de Samuel a basculé, son amour pour Rebecca est intense et fougueux. Lilian Schmidtz voit d’un œil méprisant cette liaison entre sa fille et ce misérable, comme il aime à le dire. 



Un grand merci à Jacques-Victor Caramin pour l’envoi de ce volume (et la petite dédicace) et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

- Un petit extrait -

« J'ai appris que les adieux feront toujours mal, que les photos ne remplaceront jamais le plaisir qu'on éprouvait le moment où elles ont été prises, que les souvenirs bons ou mauvais feront toujours pleurer et que les moments ne seront jamais aussi forts que les sentiments que l'on éprouve. »

- Mon avis sur le livre -

Il m’est toujours difficile de chroniquer un livre que je n’ai pas apprécié, d’autant plus lorsqu’il est lu dans le cadre d’un partenariat puisque je sais que l’auteur va lire mon article. Je suis sans cesse tiraillée entre deux exigences morales : d’un côté, il est hors de de question à mes yeux de vous mentir pour contenter l’auteur, mais il est également absolument hors de question de vexer celui-ci. J’ai bien conscience que l’écriture d’un roman représente un long travail, et je respecte ce temps passé sur chaque manuscrit. Toutefois, je refuse de m’autocensurer : si je n’ai pas aimé un livre, je le dit. J’espère juste que l’auteur, qui a eu la gentillesse de m’envoyer ce service de presse, ne m’en voudra pas pour cette honnêteté : mon objectif n’est nullement de le descendre, mais uniquement de suivre mes principes et mes valeurs qui sont de ne pas dissimuler la vérité. 

Samuel, fils d’un paysan peu fortuné et seul garçon de la famille, est confié à ses grands parents afin d’apprendre la viticulture tout en s’échappant de la misère. Il n’a que huit ans lorsqu’il rencontre Rebecca, cinq ans, fille de la médecin du village qui l’a soigné d’une vilaine blessure. Entre les deux enfants nait aussitôt un amour qui va s’affirmer et s’intensifier au fil des années. Mais le père de Rebecca, riche producteur de spiritueux, refuse catégoriquement de laisser sa seule héritière fricoter avec un gueux de cette espèce. Et pour les séparer, il sera prêt absolument  à toutes les extrémités …

L’idée de départ, telle qu’elle était annoncée sur la quatrième de couverture, avait tout pour me séduire : une idylle fusionnelle entre deux jeunes gens de classes sociales différentes, un amour contrarié par l’orgueil d’un père habitué à tout contrôler … Clairement, j’espérais beaucoup de ce résumé prometteur ! La déception n’en a donc été que plus forte … En premier lieu, je regrette fortement les trop nombreuses scènes de sexe : non seulement elles n’apportent absolument rien à l’intrigue, mais elles peuvent de plus rebuter ceux qui, comme moi, ont choisi ce livre justement car rien dans le résumé ne laissait présumer un érotisme aussi exacerbé et cru. Si ce roman est censé être une romance érotique, il faut le préciser, cela évitera au lecteur n’aimant pas ce genre de se faire ainsi avoir ! 

De plus, j’ai trouvé l’intrigue plutôt mal menée : des incohérences à outrances, des stéréotypes à gogo, des dénouements bien trop prévisibles … Mais surtout, ce que je reproche à cette intrigue, c’est qu’elle n’est absolument pas crédible. Enfin, je veux dire, désolée mais non, un jeune officier ne se verra pas débloquer tous les moyens des services secrets de l’armée pour retrouver sa petite copine disparue. Toute la seconde moitié du roman, où Samuel cherche à retrouver Rebecca, n’a à mes yeux ni queue ni tête : c’est trop facile pour être plausible. Vouloir une happy end, c’est très bien, ça fait plaisir au lecteur, mais uniquement si elle est bien amenée. Sinon, ça donne tout simplement l’impression que l’on ne savait pas comment dénouer l’intrigue pour parvenir à cette fin … et cela laisse le lecteur sur sa faim. J’ai également trouvé très irrespectueux de présenter les religieuses catholiques comme des meurtrières corruptibles, sans cœur et fanatiques au point de tuer une jeune novice. Une fois encore, c’est exagéré, d’autant plus que l’histoire se passe entre 1970 et 2012. Pas au Moyen-Age !

A cela s’ajoute une narration que j’ai trouvé, elle aussi, assez imprécise. Des phrases sans verbes, des propositions subordonnées solitaires, sans aucune principale pour leur donner de sens, des propositions incises mal introduites, une ponctuation dont je n’ai pas réussi à saisir la logique … ce fut une lecture vraiment laborieuse sur le plan grammatical également ! Je ne comprenais pas toujours ce que je lisais, surtout que j’avais régulièrement l’impression qu’un mot n’avait pas sa place ici, comme s’il était utilisé à contre-sens car il ne collait pas avec ce que signifiait le reste de la phrase … Je pense que, plus encore que le fond, la forme fut vraiment rédhibitoire pour moi : lorsque je dois relire dix fois une seule phrase pour essayer de deviner ce que l’auteur voulait transmettre, je me lasse vite. 

En bref, entre Le secret des noix et moi, le courant n’est absolument pas passé. Ma lecture était tellement laborieuse que je n’ai résisté à la tentation de l’abandon pur et simple que pour tenir mon engagement envers l’auteur. En effet, j’ai beau ne pas avoir apprécié ce livre, je respecte le travail de l’écrivain : je me doute qu’il y a des années d’écriture derrière ce roman. Il a de plus été très gentil d’accepter de m’envoyer ce service de presse et d’y joindre une petite dédicace, il me semblait donc normal d’aller au bout de ma lecture pour pouvoir écrire cet article en toute connaissance de cause. De la même façon, même si ma lecture fut une profonde déception, il me paraissait naturel de rédiger une chronique aussi longue et argumentée que d’ordinaire : je n’ai pas aimé, mais je prends le temps d’expliquer pourquoi. Ainsi, je laisse la porte ouverte aux lecteurs ayant un autre profil que moi : ce qui m’a dérangée peut très bien être au contraire ce que recherchent d’autres lecteurs !

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
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jeudi 28 septembre 2017

La Bibliothèque, tome 1 : Grandir - Pauline Deysson



La Bibliothèque1, Pauline Deysson
Grandir

Editeur : Autoédition
Nombre de pages : 498

Résumé : Imaginez un monde où ni la pauvreté, ni la guerre, ni les livres n’existeraient plus. Le technomonde. Imaginez un lieu hors du temps, qui abriterait tous les rêves de l’humanité. La Bibliothèque. Imaginez que ces deux univers se rencontrent. A 10 ans, Emilie est choisie pour devenir la nouvelle Bibliothécaire. Elle a le pouvoir d’entrer dans les rêves, et de les vivre comme s’ils étaient réels. Son premier livre la conduira sur une voie semée d’embûches, de magie et de doutes. L’accompagnerez-vous ? 



Un grand merci à Pauline Deysson pour l’envoi de ce volume (et la petite dédicace) et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

- Un petit extrait -

« Je ne comprends pas pourquoi les hommes sont malheureux. Ils rêvent toutes les nuits de ce qu’ils veulent, et sur Terre ils ont tout ce qu’ils réclament. Que leur manque-t-il ?
- C’est une question délicate. Avant, les hommes étaient malheureux pour beaucoup de choses : la laideur, la maladie, la solitude, la mort… Aujourd’hui, je dirais plutôt qu’ils manquent de liberté.
- Mais si vous les soignez toutes les nuits ?
- Tu oublies qu’ils ne rêvent pas comme nous. Et le meilleur Bibliothécaire de tous les temps reste impuissant si l’âme ne veut pas être soignée.
- Cela peut arriver ?
- Oui. Certaines âmes sont si tristes qu’elles refusent d’ouvrir les livres que je leur donne. Les plus difficiles à soigner sont celles qui ne savent pas qu’elles sont malheureuses. Elles interprètent tous les rêves de la même manière, et sautent les passages qui les dérangent. Si j’essaye de rêver avec elles, elles m’ignorent ou me contredisent. »

- Mon avis sur le livre -

Pendant des années, je dois bien avouer que j’étais particulièrement réfractaire à la lecture d’autoédités. J’entendais parler de romans bourrés de fautes, sans queue ni tête, aux incohérences plus grosses les unes que les autres … Rien de très rassurant ! Et voilà que La Bibliothèque arrive dans ma vie, et que tous ces aprioris négatifs sur l’autoédition s’effacent : ce premier tome est la preuve en pages et en encres qu’autoédité peut parfaitement rimer avec qualité. En effet, je ne vais même pas attendre le cœur de la chronique pour l’annoncer : ce roman a été plus qu’un coup de cœur. Il a été une révélation, un voyage, une rencontre. Une très belle rencontre, un merveilleux voyage et une extraordinaire découverte.

Comme tous les enfants du technomonde, à l’âge de 10 ans, Emilie va passer le Test d’Aptitude pour ainsi recevoir son Revery, une machine qui lui sera personnellement accordée et qui veillera à son bien-être quotidien en la guidant et la conseillant. Mais Emilie s’interroge de plus en plus sur le monde qui l’entoure et refuse de prendre le Revery qui lui est attribué. Placée dans un Centre d’Apprentissage de l’Aptitude pour palier à cette résistance, Emilie va longuement hésiter sur la conduite à tenir … jusqu’à ce qu’une fleur de lys rentre dans sa chambre et la transporte dans la Bibliothèque. Un lieu où les livres sont des rêves, des songes à faire lire aux âmes endormies qui viennent chaque nuit s’échapper d’un quotidien peut-être pas aussi joyeux qu’on ne veut le leur faire croire. Devenue Apprentie Bibliothécaire, Emilie va ouvrir un premier livre …

Ce livre fera le régal de tous ceux qui, comme moi, aiment les récits qui ne se cantonnent pas à un genre mais qui au contraire empruntent allégrement à plusieurs genres. Le lecteur se retrouve tout d’abord plongé dans un univers dystopique merveilleusement bien construit : au sein du technomonde, sous couvert de permettre aux technocitoyens d’être heureux en réalisant le moindre de leur désir, le système enferme ces derniers dans une vie monotone de loisirs incessants où le libre-arbitre n’a pas sa place. Abrutis par les jeux vidéo qui constituent leur quotidien, les technocitoyens suivent aveuglément la masse sans même se rendre compte de ce formatage. Arrive ensuite une bonne dose de fantasy, avec l’histoire épique de la naissance de la Bibliothèque, ce lieu où sont créés et distribués les rêves en fonction des besoins de chaque âme. Et puis, dans l’aventure que vit Emilie lorsqu’elle ouvre son premier livre, de bonnes doses de fantastiques font leur apparition : les sirènes, les fées, les nymphes et autres créatures légendaires lui viennent en aide. Et ce fabuleux mélange fait de ce livre un roman unique en son genre, une histoire d’une richesse incroyable.

D’autant plus que cet ouvrage possède également de nombreux éléments le rapprochant du conte philosophique ou du récit initiatique. L’histoire que nous compte ce joli pavé de presque 500 pages, finalement, ce n’est pas uniquement l’histoire que déroule le premier livre des rêves ouvert par notre jeune Apprentie Bibliothécaire. Il est bien plus question de l’épanouissement intérieur d’Emilie, de l’évolution de sa psyché. Au début du récit, Emilie n’est encore qu’une petite fille : rebelle et curieuse, insouciante et à la pensée très manichéenne - les choses sont soit parfaitement bonnes, soit irrémédiablement mauvaises - et optimiste - le Bien, la bonté, la gentillesse, la joie, triompheront forcément. A la fin du récit, Emilie est une adolescente qui a non seulement saisi la complexité du monde et de la nature humaine, mais qui a également pris conscience de la contingence de la vie tout en ayant ouvert les yeux sur la question du bien, de la liberté, de l’éthique … De nombreuses pistes de réflexion s’ouvrent alors au lecteur. Suis-je libre lorsque je réalise mes propres désirs égoïstes ? Dois-je sacrifier le bonheur des autres pour augmenter le mien ? Quel est le sens de mon existence ? J’en passe et des meilleures.

J’avoue être particulièrement impressionnée par l’auteur. En premier lieu, elle a d’excellentes idées : qu’il s’agisse qu’il s’agisse de ce monde futuriste dominé par la satisfaction éphémère de désirs passagers jamais réellement assouvis, de cet univers hors du temps et de l’espace qu’est la Bibliothèque des rêves, ou encore des demeures féériques des Sirènes, des Fées et des habitants d’Avalon, tout est vraiment très original. Mais plus spectaculaire encore, elle a réussi à combiner toutes ces idées apparemment disparates pour former un tout cohérent et harmonieux : le risque, lorsqu’on a autant d’éléments en tête et qu’on souhaite les réunir en un seul récit, c’est de ne pas parvenir à les unifier correctement, et que cela deviennent inintelligible pour le lecteur. Pauline Deysson a su éviter ce piège : pas une seule fois je ne me suis sentie perdue ou submergée par les informations distillées progressivement. Il y a des histoires dans les histoires, des intrigues dans les sous-intrigues, et pourtant, tout s’accorde parfaitement. C’est vraiment époustouflant !

En bref, l’auteur nous propose avec ce premier tome un ouvrage merveilleusement bien construit et admirablement bien écrit (quelle plume ! c’est un vrai plaisir que de lire une narration aussi belle, aussi fluide, aussi riche !) qui happe le lecteur sans le laisser reprendre son souffle. De l’action, de l’émotion, de la réflexion, il y a vraiment de tout dans ce roman qui peut s’avérer un peu compliqué au premier abord mais dont l’intrigue coule finalement de source. C’est un vrai déchirement que de quitter tous les personnages rencontrés durant ce premier Livre, mais la fin est une véritable promesse qui permet au lecteur de surmonter cette douleur. Depuis que la dernière page s’est tournée, je n’ai plus qu’une seule hâte : avoir le second tome entre les mains pour marcher aux côtés d’Emilie dans une nouvelle aventure. Vivement …

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus d’explications sur cet article)