Editeur : Auzou
Nombre
de pages : 457
Résumé : En 2105, il n’existe plus que deux classes
sociales: les Lastings – des privilégiés qui à l’adolescence reçoivent un sérum
leur permettant de vivre 400 ans – et les Vulnérables, les citoyens ordinaires.
Une fois par an, un grand concours est organisé pour permettre à des jeunes
Vulnérables de recevoir le précieux sérum. Contre l’avis de sa mère, la jeune
Sophìa décide de participer, mais elle est bientôt assaillie par des visions
troublantes qui semblent surgir d’une époque taboue pour le gouvernement
mondial : les années 2000.
Un grand merci aux éditions Auzou
pour l’envoi de ce volume.
- Un petit extrait -
« Je la regarde, éperdue. Elle me fait un cadeau incroyable. Une pièce du puzzle, un petit morceau de mon passé. Mais ce qu’elle m’offre ouvre un autre gouffre, plus grand encore. Car maintenant, j’ai envie d’en savoir plus. C’est le principe de la connaissance, m’a expliqué un jour ma mère. Plus tu en sais, et plus tu comprends l’étendue du mystère. C’est vertigineux. »
- Mon avis sur le livre -
Il y a quelques temps, j’ai remarqué que
malgré leur diversité, chacun de mes projets de romans tourne finalement autour
de la même grande thématique : la question de l’identité, entremêlée à
celle de la mémoire. Et plus spécifiquement, comment la seconde façonne la
première : en trafiquant la mémoire d’un individu, ne change-t-on pas
finalement jusqu’à son identité la plus profonde, ou bien existe-t-il un « moi »
profond qui adviendra quoi qu’il arrive ? Autant vous dire que lorsque j’ai
croisé le résumé de 2105, Mémoire interdite, je n’ai pas hésité une seule micro-seconde à le demander : ce
livre semblait avoir été écrit pour terminer entre mes mains. Une histoire de
réminiscences sur fond de dystopie, il n’y a pas à tortiller, ce roman avait
déjà pour lui absolument tous les éléments pour me plaire, et je me suis plongée
dedans avec un enthousiasme rarement inégalé … La question est maintenant de
savoir si mes grandes attentes ont été comblées par ma lecture !
Dans le monde de Sophia, l’humanité est divisée
entre les Lastings, dont l’espérance de vie est de 400 ans grâce à un sérum
injecté à l’adolescence, et les Vulnérables, qui n’ont quant à eux que 90 ans devant
eux. Sophia est une jeune Vulnérable, qui a cependant grandie entourée de Lasting,
sa mère étant chercheuse. Elle le sait, prochainement, sa meilleure amie Briss
et elle seront séparées pour toujours … Sauf si elle participe et gagne au
concours annuel permettant à deux Vulnérables de recevoir le précieux sésame vers
la vie presque éternelle. C’est donc contre l’avis de sa mère que Sophia se
rend aux épreuves éliminatoires, qu’elle passe haut la main malgré l’apparition
d’inquiétants symptômes – inquiétants car depuis l’invention du Vaccin, les
maladies n’existent plus. Sauf une. La plus terrifiante de toutes. Le syndrome
de Turgot, qui vole progressivement la mémoire de l’individu jusqu’à ce que
celui-ci ne se souvienne plus de rien ni de personne. Sophia le sait : si
par malheur elle a bien Turgot, alors elle peut dire adieu au sérum. Adieu à
Briss. Mais comme un malheur n’arrive jamais seul, voilà que de mystérieuses
visions l’assaillent de plus en plus régulièrement, tels des souvenirs qui ne
lui appartiennent pas …
Comme c’est généralement le cas avec les
récits à la première personne, j’ai eu un peu de mal à rentrer dans l’histoire,
d’autant plus que l’intrigue met un peu de temps à se mettre en place. Assez
rapidement, on comprend la séparation de la société en deux classes, deux
castes : les privilégiés qui jouissent d’une longue espérance de vie et
les autres. Et bien sûr, tout se joue à la naissance : soit tu as la
chance de naitre dans une riche famille Lasting et tu recevras le sérum à tes
seize ans, soit tu nais Vulnérable et le restera toute ta courte vie. Sauf si
tu gagnes le Slamb de l’Etoile, concours annuel qui permet à deux Vulnérables
de recevoir le sérum, mais il ne faut pas trop compter dessus. Et pourtant,
notre jeune Sophia y croit. On la rencontre alors qu’elle se présente aux
éliminatoires, sans avoir demandé l’autorisation à sa mère – car elle sait pertinemment
bien que cette dernière ne lui accorderait pas. Sophia, c’est une jeune fille
que j’ai rapidement trouvé fort sympathique, bien qu’elle n’ait clairement pas
la stature d’une héroïne. Sophia, finalement, c’est une adolescente tout ce qu’il
y a de plus banal, une jeune fille prête à tout pour ne pas perdre la seule
amie qu’elle ait jamais eu. Une jeune fille au grand cœur qui n’était
clairement pas faite et pas prête pour faire face aux épreuves qui l’attendent.
Et c’est là que le bât blesse un peu :
tout ceci manque cruellement d’enjeux pendant une bonne partie du récit.
Pendant presque la moitié du roman, je me suis posé la fameuse question « et
alors ? ». Je ne voyais pas du tout où tout cela nous menait, et j’étais
incapable de déterminer ce que Sophia fuyait ou au contraire ce qu’elle
cherchait. Bref, j’étais plongée dans une sorte de flou artistique et ne
comprenais pas l’intérêt de toutes ces pérégrinations. Je dois bien l’avouer,
je me suis un petit peu ennuyée pendant cette première partie d’exposition qui
s’éternisait : à quand le véritable élément déclencheur, celui qui lance
véritablement la quête du héros, celui qui détermine les véritables enjeux
du récit ? Qu’est-ce qui se cache réellement derrière les migraines et les
étranges rêves de Sophia ? Car tous les habitués de dystopies s’en
douteront : il y a quelque chose de plus que ce déjà si exceptionnel
syndrome de Turgot – dont on découvre par ailleurs l’existence beaucoup trop
tardivement dans le récit. On le sent progressivement, l’important, ce sont ces
mystérieuses visions, qui semblent faire écho à la fascination de Sophia pour l’année
2015, époque dont il est strictement interdit de parler et dont les
contemporains de la jeune fille ne connaissent pour ainsi dire rien.
Et quand, enfin, nos soupçons se confirment,
quand enfin il apparait clairement que les visions de Sophia cachent quelque
chose de crucial, et bien enfin l’intrigue devient palpitante. Course contre la
montre, contre l’oubli, mais aussi quête de vérité, l’histoire s’anime enfin
pour le plus grand plaisir du lecteur. Bien sûr, Sophia reste assez passive
dans cette histoire, ce n’est pas une rebelle ou une révolutionnaire dans l’âme,
et sa préoccupation première est finalement de rester en vie, de se sortir de
ce guêpier infernal, de trouver un moyen de conserver ses souvenirs, tout ce
qui fait qu’elle est elle. Il y a bien sûr, en arrière fond, une lutte contre
le pouvoir en place, contre ce gouvernement qui a visiblement des choses à
cacher en effaçant ainsi toute une période de l’histoire de l’humanité. Il y a
également cette dénonciation de l’injustice sociale sur laquelle s’appuie ce
nouvel ordre mondial. Mais tout cela, finalement, reste assez secondaire, sauf
dans les tous derniers chapitres où cela prend enfin le dessus sur l’histoire
personnelle de notre petite Sophia. Car cette histoire, c’est finalement la
sienne, celle d’une jeune fille qui découvre qui elle est en découvrant qui
était ses ancêtres, car nous sommes également le fruit de notre histoire
familiale et pas uniquement de nos propres expériences. Et, sachant désormais
qui elle est, Sophia sait ce qu’elle doit faire : apprendre à ses
contemporains qui ils sont en leur racontant d’où ils viennent.
En bref, vous l’aurez bien compris, malgré un
début en demi-teinte, j’ai tout simplement adoré ce livre. Sophia est une jeune
héroïne particulièrement attachante que j’ai pris grand plaisir à suivre, car
elle est d’une douceur et d’une candeur admirables, parce que quand elle aime,
elle aime de tout son cœur. Une fois la première partie, un peu trop longuette
à mon gout, passée, l’histoire est tout simplement captivante : on tourne
chaque page avec une excitation mêlée d’appréhension, car on a à la fois
terriblement envie et terriblement peur de découvrir la suite, car au fur et à
mesure qu’on découvre le contenu des visions de Sophia, on se rend compte que
tout ceci ne lui arrive pas par hasard et que quelqu’un, quelque part, veut s’accaparer
ses connaissances, même si on ne comprends pas encore pourquoi. Après un début
un peu lent, c’est donc un page-turner trépidant que nous offre l’autrice, où
notre présent se mêle à un futur possible, où l’on prend conscience que le
passé ne doit être oublié, car il nous a façonné, et qu’on ne serait pas qui on
est sans lui. Un excellent roman, donc, que je conseille à tous les passionnés
de dystopies … et de jolies histoires d’amour !