mercredi 15 janvier 2020

Phaenomen, tome 3 : En des lieux obscurs - Erik L'Homme


Phaenomen3, Erik L’Homme
En des lieux obscurs

Editeur : Folio SF
Nombre de pages : 742 pour l’intégrale

Résumé : Claire, Violaine, Nicolas et Arthur sont quatre adolescents atteints d’étranges troubles du comportement. C’est pourquoi ils ont été confiés à la Clinique du Lac, spécialisée dans les cas désespérés. Mais dans cet établissement, seul le docteur Barthélémy s’intéresse à eux. Aussi, lorsque celui-ci est enlevé par trois hommes sinistres, les adolescents décident de s’enfuir de la clinique et de partir à sa recherche. Ils vont alors découvrir que leur handicap, à force de courage et de volonté, peut se transformer en pouvoir hors du commun.



- Un petit extrait -

« L'homme sans chaînes n'existe pas, ou alors c'est celui qui repose six pieds sous terre. Est libre au contraire l'homme qui connaît ses chaînes, qui s'efforce de les choisir le moins pesantes possible, et qui enfin en supporte le poids avec courage. »

- Mon avis sur le livre -

Que ce soit « en vrai » ou dans les livres, j’ai toujours du mal avec les fins, les au revoir, les adieux … Terminer un livre, quitter des personnages aux côtés desquels j’ai passé d’extraordinaires moments, c’est toujours un déchirement. Et cela d’autant plus quand la fin du livre sonne également la fin d’une saga : à ce moment-là, on ne peut même plus se dire « c’est pas grave, je les retrouverai dans le tome suivant » … On le sait : une fois la dernière page tournée, notre cheminement aux côtés de ces personnages tant appréciés est bel et bien terminé (à moins de recommencer la saga depuis le début). C’est pourquoi, invariablement, le dernier tome est celui que je mets le plus de temps à lire, celui que je fais trainer inconsciemment en longueur, comme pour tenter de différer autant que possible ce terrible moment où il faudra quitter les personnages. En des lieux obscurs n’a pas échappé à la règle : j’étais tiraillée entre l’envie de savoir la fin – qui s’annonçait grandiose – et celle de ne pas avoir à dire au revoir à nos quatre petits héros pas comme les autres ….

Claire, Arthur, Violaine et Nicolas se sont miraculeusement sorti du traquenard tendu par Agustin : les voici de nouveau en fuite, épuisés et l’esprit embrumé de nouveaux questionnements. Rejoints et guidés par le fugitif Goodfellow, les quatre adolescents sont plus que jamais déterminés à découvrir le fin mot de toute cette histoire, malgré la traque insensée dont ils font l’objet. Lancés sur les traces de mystérieuses archives des Templiers, les voici embarqués pour les Philippine … sans savoir ce qu’ils y découvriront réellement. Pendant ce temps, Clarence s’efforce de comprendre qui en veut à ses « petits renardeaux », et s’apprête à mettre les pieds dans la plus grande, la plus dangereuse et la plus secrète des fourmilières. Tandis que s’égrène un intangible compte à rebours, tandis que tous les chemins convergent vers le même objectif encore flou, les quatre amis en apprennent toujours plus sur eux-mêmes … pour le meilleur comme pour le pire.

Difficile de vous parler de ce troisième et dernier opus sans risquer de trop en dévoiler ! Car c’est vraiment un livre, et plus généralement une trilogie, qui fonctionne par révélations successives, par découverte progressive. Comme un peintre pointilliste utilise de petites touches de couleur juxtaposées pour construire ses paysages, Erik L’Homme use de discrets petits indices pour conduire personnages et lecteurs à découvrir la vérité dans son ensemble le moment venu. Sans jamais trop en dire d’un coup. Et pourtant, quand arrive l’ultime dévoilement, tout était déjà dit. Il suffisait de lire entre les lignes. Alors on ne va pas se mentir, il y a certains points que j’avais deviné bien à l’avance, mais cela n’a en rien gâché mon plaisir de lecture : j’attendais tout simplement de voir comment nos quatre héros allaient l’apprendre, et surtout comment ils allaient réagir. Car rien ne les préparait à cela. Ils sont certes dotés de grands pouvoirs, ils sont certes plus débrouillards et matures que la plupart des jeunes de leur âge, mais ils restent des enfants, fragiles et sensibles. Qui ne savent pas trop qui ils sont et quelle est leur place dans ce monde. Si tant est qu’ils y aient une place …

Mais ce tome a cela de particulier qu’il ne s’intéresse plus uniquement aux enfants : d’autres personnages prennent de plus en plus d’importance, et les scènes qui leur sont consacrées sont toutes aussi cruciales pour le déroulement de l’intrigue que les passages centrés sur Claire, Violaine, Arthur et Nicolas. On le sent, toutes ces histoires parallèles vont finir par converger, lors du Grand Final qu’on attend d’autant plus impatiemment qu’un mystérieux compte à rebours (« 9 jours 9 heures 9 minutes avant contact ») nous pousse à continuer, toujours plus avidement. Sans se douter une seule seconde de ce qui va arriver à nos quatre jeunes héros au moment M. Autant vous dire que je ne m’en suis toujours pas remise. Je m’attendais à tout sauf à cela. « Il y a un Avant et un Après », dit un personnage dans l’épilogue, et je ne peux que lui donner raison. C’est un livre assez banal au premier abord – quatre adolescents aux grands pouvoirs qui se mettent en quête d’un secret farouchement gardé par d’occultes organisations surpuissantes – mais véritablement unique. On en ressort avec un petit quelque chose au cœur et à l’âme, une torpeur aussi douce que triste.

Seul petit bémol à apporter : l’amoncellement de révélations finales. On s’attend à quelque chose d’explosif,  à quelque chose d’incroyable, et c’est certes ce qui arrive … Mais ces révélations sont à la fois trop nombreuses et trop rapprochées, on n’a même pas le temps de véritablement les assimiler et d’en saisir les implications. C’est comme si l’auteur, voyant son quota de caractères arriver, s’était dépêché de tout dévoilé en vrac. Et c’est comme un soufflet au fromage qui s’effondre : il y en a tellement d’un coup que le lecteur est noyé, et l’euphorie retombe soudainement. Tout ça pour ça. D’autant plus avec cette fin ouverte, cette fin qui laisse le lecteur dans l’incertitude : c’est tout ? Ils ont risqué leur vie pour apprendre tout cela, on a tremblé pour et avec eux, et tout ceci n’a servi à rien ? Je dois l’avouer, c’est assez frustrant, même si je reconnais que cette fin est à la fois audacieuse et cohérente. Et l’épilogue nous laisse encore plus sur notre faim : on sent que l’Après ne sombre pas dans le néant, mais on sait aussi qu’on n’aura pas l’honneur de connaitre cet Après. On ne peut que l’imaginer … Et c’est à la fois un cadeau et un fardeau que nous cède l’auteur en nous laissant libre de comprendre cette fin à notre manière. 

En bref, vous l’aurez bien compris, à mes yeux, ce troisième et dernier opus est à la fois le meilleur et le moins bon. Meilleur car il nous conduit jusqu’au Grand Final vers lequel tout convergeait depuis le premier mot du premier tome. Et moins bon car la gestion du rythme et des révélations est bien plus bancal que dans les premiers volumes : tout est dévoilé dans les dix dernières pages et on est un peu à la ramasse. Dans tous les cas, c’est indiscutablement le tome le plus palpitant, celui qui remet en question tout ce qu’on savait jusqu’alors. Nos jeunes héros ne sont plus les petits malades fugueurs qu’ils étaient au début. Ils s’endurcissent, mais se fissurent en même temps. Ils se perdent, pour mieux se retrouver. Ils changent, pas toujours pour le mieux. Mais ils sont ensembles, et du moment qu’ils restent solidaires, rien ne peut leur arriver. J’aime comment ils prennent soin les uns des autres. C’est la lueur d’espoir dans cette intrigue qui ne cesse de s’assombrir au fur et à mesure que de nouveaux antagonistes entrent dans la danse. Une trilogie magistrale, donc, que je conseille sans hésitation !

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