L’Appel des Illustres
Editeur : Folio SF
Nombre de pages : 528
Résumé : Le destin des ducs Spadelpietra est assuré. Inexorable. Une ascension
déterminée vers le pouvoir, vers la couronne, vers la place qui leur revient de
droit. Ils sont les pacificateurs, les bâtisseurs, les gouverneurs de Slasie.
Ils sont les Illustres. Mais les nomades Austrois y font à peine attention.
Leur monde n’est fait que de théâtre, de musique, d’art et d’inventions dont
ils gardent jalousement les secrets. Leur vie est une mécanique bien huilée, à
l’image de leurs automates. Et pourtant, un tout petit hasard vient gripper les
rouages de l'histoire. Une toile découverte par les Spadelpietra qui catapulte
son peintre, le jeune Mical, dans une longue fuite...
Un grand
merci aux éditions Folio pour l’envoi de ce volume et à la plateforme Livraddict
pour avoir rendu ce partenariat possible.
- Un petit extrait -
« La plupart des gens passent devant ce tableau, en imaginant vaguement le propos, et regardent le centre de la peinture - là où la lumière de la chandelle éclaire les visages des trois personnages. Vous, mademoiselle, jouissez d'un esprit plus pénétrant, et choisissez de fouiller la pénombre à la recherche de quelque trésor caché, où d'une chausse-trappe, mais c'est encore une tromperie. Un piège dans le piège. Le deuxième appât que le peintre laisse spécialement pour les poissons qui se croient trop malins. »
- Mon avis sur le livre -
Le moins que l’on puisse dire, c’est
que cette année 2017 s’achève sur une excellente lecture ! Cet énorme
pavé, qui m’a accompagnée durant toute une semaine, a été une véritable
révélation : enfin un auteur qui ose s’affranchir des règles ancestrales de
la fantasy tout en piochant allégrement quelques éléments chez les autres
genres littéraires afin de proposer au lecteur quelque chose de nouveau, d’innovant,
de rafraichissant, qui ravira autant les amoureux des grandes épopées épiques
que les passionnés d’intrigues de cours, de steampunk ou de Renaissance !
Quel plaisir de se plonger, jour après jour, dans ce livre magnifiquement bien
écrit qui nous transporte dans un monde à la fois si proche et si différent du
nôtre, qui nous invite à faire la rencontre de personnages atypiques plongés au
cœur d’une intrigue palpitante et captivante !
Tout commence par une mort,
foudroyante, inexpliquée, inexplicable. La jeune Iarma, onze ans, cousine de l’Illustre
duchesse Jana Spadelpietra, meurt dans d’atroces souffrances en contemplant un
tableau, apparemment banal et inoffensif. Commence alors une longue traque afin
de retrouver le peintre et le faire venir à Tandal, ville historique des
Illustres, cette noble famille qui va très prochainement s’unir à la lignée
royale. Pour Mical, jeune prodige de la peinture, c’est le début d’une
éprouvante fuite … La rencontre avec les Austrois, ce peuple nomade épris d’inventions
mystérieuses et de spectacles envoutants, permettra-t-elle à ce jeune homme
élevé dans un monastère de survivre ?
L’auteur a fait un choix,
audacieux mais délicat : celui de plonger directement le lecteur dans cet
univers sans jamais rien lui expliquer de son fonctionnement, en laissant aux
événements et aux personnages la responsabilité d’enseigner discrètement au
lecteur les rouages de ce monde. Et pourtant, pas une seule fois je ne me suis
sentie perdue : Romain Delplancq a réussi l’incroyable exploit de construire
un monde qui s’impose au lecteur, qui fait partie de lui. Cela peut sembler
étrange dit comme cela, mais c’est vraiment l’impression que j’avais : que
l’univers dans lequel prenait place le récit existait depuis toujours au fond
de moi, de telle sorte qu’il était inutile d’en dire plus, je sentais comment
les choses se passaient au sein de ce monde. La hiérarchie politique,
militaire, religieuse, les mythes et les coutumes … tant d’éléments qui s’imposaient
à moi comme coulant de source. Du vrai génie, que de réussir à distiller
tellement d’informations capitales de ci de là sans que le lecteur ne s’en
rende vraiment compte, sans que cela ne l’ennuie, sans que cela ne ralentisse l’intrigue,
sans que cela ne se voie, tout simplement !
Et cette intrigue, mais quelle
intrigue ! Dès les toutes premières pages, le ton est donné : ce
roman sera puissant, sanglant parfois, intriguant souvent, captivant toujours.
Très rapidement, l’ambiance devient pesante, l’urgence se fait sentir, on a le
souffle court et le cœur qui s’emballe. On tremble pour Mical, ce pauvre gamin
qui n’a rien demandé, on serre les poings face aux manigances des Illustres, on
exulte d’insouciance ou de vengeance aux côtés des Austrois. Les Austrois,
probablement LE peuple le plus intriguant de toutes mes pérégrinations
littéraires. Ces nomades, ces musiciens saltimbanques, ces savants gardant
jalousement leurs secrets technologiques indispensables, ces familles soudées
et solidaires qui ne laisseront jamais la mort d’un d’eux impunie mais sont
capables de programmer une vendetta qui prendra des dizaines d’années avant de
se réaliser, ont su conquérir mon petit cœur. Ils sont, à leur manière, bien
plus intrigants encore que les Spadelpietra, cette Illustre famille qui a su se
hisser tout en haut sans que l’on ne sache tout à fait comment … bien que j’aime
énormément les intrigues de cour !
L’intrigue est menée d’une main de
maitre. J’ai rarement croisé le chemin d’un rythme si bien géré, si bien
maitrisé. Ce roman est un livre en clair-obscur : tantôt le lecteur se
retrouve plongé au cœur du palais Spadelpietra, où tout se trame dans l’ombre
et les faux-semblants, tantôt il se voit propulsé au milieu des plaines et des
déserts traversés par les Austrois, où les batailles et les courses-poursuites
s’enchainent. Le calme avant la tempête, l’ouragan avant le silence. Et tout
est parfaitement dosé : pas moyen de s’ennuyer, mais pas moyen non plus de
se retrouvé submergé face à un trop-plein d’action. Le juste milieu a été
trouvé. L’auteur n’a pas hésité à avoir recours à des ellipses plus ou moins
longues, il n’a pas hésité non plus à occulter volontairement tout un pan de l’histoire
pour ne pas casser ce rythme ; certains regrettent ainsi de ne pas avoir
vu naitre la romance entre deux personnages, pour ma part je suis ravie de voir
que l’auteur a eu ce courage de ne pas en dire plus : j’aurai trouvé cela
profondément ennuyant et inutile sur le plan de l’intrigue.
Mais, plus que tout, je suis
admirative face à la plume de Romain Delplancq. Quelle plume ! Certains
trouveront peut-être qu’il utilise des phrases trop longues, trop
emberlificotées … mais puisque j’ai tendance à faire la même chose dans mes
propres écrits, je ne peux pas le lui reprocher. Bien au contraire. J’aime ces
belles phrases riches en figures de style, ces tournures parfois alambiquées
mais tellement riches de sens, ces jeux de sonorités qui font naitre des images,
des sons, des sensations dans mon imagination ... Si la magie existe en ce
monde, elle se cache au cœur des mots, qui, lorsqu’ils sont savamment agencés
comme c’est le cas ici, parviennent à nous faire voyager sans efforts, sans
autre support qu’un simple livre. En ouvrant ce livre, ce n’est pas uniquement
une belle aventure que vous allez suivre de loin, mais c’est bel et bien un
grand voyage que vous allez effectuer en compagnie de Mical et ses compagnons,
aux côtés de Jana et des autres nobles. Ouvrez ce livre, lisez quelques pages,
puis fermez les yeux et laissez-vous happer par cette fantastique histoire …
Vous l’aurez compris, je pourrais
parler de ce roman pendant des heures. Je n’ai pas dit ici le quart de ce que j’aurai
envie de vous dire au sujet de cet incroyable récit qui ne ressemble à rien de
ce que j’ai pu lire jusqu’à présent. Des tas de portes s’ouvrent au fur et à
mesure que l’histoire avance, des tas de sous-intrigues naissent, les alliances
se font et se défont, les manigances se mélangent aux destinées mystiquement
tracées … Il est tout simplement impossible de lâcher ce livre avant de l’avoir
terminé, et une fois la dernière page tournée, on se languit de la suite. Il n’y
a pas uniquement l’envie de savoir comment tout cela va se terminer, comment
les choses vont évoluer et se dénouer, il y a surtout le besoin de retrouver
cet univers riche et mystérieux, ces personnages atypiques et intrigants … et
cette belle plume qui fait rêver et voyager. Que j’ai hâte de lire la suite,
que j’ai hâte !
Ce livre
a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus
d’explications sur cet article)