Hors-série : L’épreuve d’Etoile de Ronce
Editeur : Pocket Jeunesse (PKJ)
Nombre de pages : 536
Résumé : Au lendemain de la grande bataille, les tensions entre les différents Clans n'ont jamais été aussi fortes. Alors que les alliances se défont, Etoile de Ronce s'apprête à succéder à Étoile de Feu à la tête du Clan du Tonnerre. Mais il va devoir préparer son Clan, plus affaibli que jamais, à faire face à la nouvelle menace qui se profile à l'horizon...
« Chats de tous les clans. Nous ne devons pas être ingrats envers les défunts, et cela implique de sécuriser l'avenir commun des quatre clans. En temps de paix, nous nous débrouillons seuls, nous chassons seuls, nous nous battons les uns contre les autres pour des questions de frontière. Et, plus que cela, le Clan des Étoiles nous a montré qu'il doit toujours y avoir quatre clans près du lac et qu'en temps de troubles les frontières ne veulent plus rien dire. Je souhaite ajouter une nouvelle règle au code du guerrier : que chaque clan ait le droit d'être fier et indépendant mais que, en temps de guerre, tous doivent oublier leurs frontières et se battre côte à côte pour protéger l'intégrité des quatre. Chaque clan doit aider les autres, de manière à ce qu'aucun d'eux ne disparaisse jamais. »
J’ai toujours détesté les changements, les bouleversements … et c’est d’ailleurs ce que je trouvais si « rassurant » dans La guerre des clans : les intrigues avaient beau se succéder, les personnages principaux avaient beau varier au fil des générations, il y avait tout de même cette sorte de permanence, de persistance. D’immuabilité, d’une certaine façon. Et cela tenait à la seule présence de tous ces chats rencontrés au cours du premier cycle : Etoile de Feu, bien évidemment, mais aussi Plume Grise, Tempête de Sable, Pelage de Poussière … Que des noms familiers, des présences « stabilisantes », en quelque sorte. Mais toutes les meilleures choses ont une fin, et arrive un moment où il faut dire adieu à tous ces chats qui accompagnent le lecteur depuis le tout premier tome de la saga. Même si c’est un pur crève-cœur et qu’on aimerait tant que la fin du quatrième cycle ne soit pas ce qu’elle est, qu’on aimerait tant pouvoir tout effacer pour tout réécrire autrement. Mais ce n’est pas possible, et il faut donc aller de l’avant … Et pour cela, les autrices nous propose cet hors-série, en guise de transition, pour nous aider à accepter la fin d’une ère et le début de la suivante.
Au lendemain de la Grande Bataille contre les cruels guerriers de la Forêt Sombre, les quatre Clans pleurent et honorent leurs morts et leurs ancêtres, ruminent et ressassent leurs peines et leurs rancœurs. L’heure n’est plus à l’unité mais au repli sur soi : jamais les tensions n’ont été aussi fortes, aussi tenaces … Mais Etoile de Ronce, le nouveau chef du Clan du Tonnerre, a bien d’autres préoccupations : les siens sont affaiblis, meurtris par les derniers événements. Tandis qu’il se demande comment être à la hauteur de son prédécesseur, comment être digne de cette responsabilité qui est désormais la sienne, Etoile de Feu lui apparait justement en songe et lui transmet une prophétie obscure. Et voici que les nuages se déchainent et déversent un déluge tel que les chats n’en ont jamais vu, voici que l’eau du lac monte tant et si bien que tous les Clans sont obligés d’évacuer en catastrophe leur camp. Dans cette désolation, Etoile de Ronce trouvera-t-il en lui-même la force de devenir le meneur dont les siens ont désespérément besoin ?
Transition, disais-je donc … Et plus particulièrement, transmission. Etoile de Feu n’est plus, et c’est désormais au tour d’Etoile de Ronce de veiller sur le Clan du Tonnerre, de le guider et le protéger. Mais il est difficile de passer après un chef aussi inoubliable que le rouquin : notre pauvre Etoile de Ronce ne se sent pas à la hauteur de cette tâche. Il ne cesse de se demander ce qu’Etoile de Feu aurait fait à sa place, dans cette situation, il ne cesse de se comparer à celui qui fut son mentor, son modèle. Lui qui a toujours semblé si sûr de lui ne cesse désormais de douter de lui-même et de ses décisions. J’ai vraiment eu beaucoup de peine pour lui, car nous partageons finalement la même douleur, la même perte, le même vide au fond du cœur. C’est aussi difficile pour nous de le voir à la tête du Clan du Tonnerre à la place d’Etoile de Feu que pour lui d’assumer cette lourde responsabilité de mener et protéger ce Clan fortement éprouvé après cette Grande Bataille … Car les dégâts et les blessures ne sont pas que physiques : les traces du conflit disparaitront progressivement de la forêt, et les cicatrices se refermeront à force de soin, mais les maux du cœur et de l’âme mettront bien plus de temps avant de s’estomper.
En effet, Etoile de Feu est loin d’être le seul à peiner dans ce hors-série. Nous retrouvons également les Trois, qui ont perdu tous leurs pouvoirs suite à la Grande Bataille : Aile de Colombe a le sentiment d’être sourde et aveugle, et donc parfaitement inutile, Pelage de Lion a encore du mal à assimiler le fait qu’il n’est désormais plus invulnérable et ne doit donc pas prendre de risques inconsidérés s’il ne veut pas être blessé, et Œil de Geai doit s’habituer à ne plus ressentir les douleurs et les émotions de ses camarades qui ont besoin de ses talents de guérisseur. Difficile de redevenir « des chats normaux » après avoir été « exceptionnels » aussi longtemps : ils doivent apprendre à servir les leurs d’une façon plus « banale », reprendre confiance en eux autrement. Et plus globalement, c’est le Clan du Tonnerre tout entier, et même les quatre Clans finalement, qui doivent faire leur deuil. Car chacun a perdu quelqu’un lors de la Grande Bataille … C’est donc vraiment un hors-série centré avant tout sur la difficulté à aller de l'avant sans jamais oublier, à prendre des décisions difficiles et discutées, à faire face à ses responsabilités nouvelles, à avoir le courage de faire ce qui nous semble être juste quoi que peuvent en dire les autres.
Ce qui n’empêche pas à l’action d’y tenir une place de choix ! Car un danger terrible menace les Clans déjà bien affaiblis : le lac, qui était complétement asséché il y a quelques lunes à peine (au début du quatrième cycle), déborde ! Et voici qu’il inonde complétement la forêt, obligeant chaque Clan à évacuer précipitamment son camp, à trouver un nouvel abri pour permettre aux plus faibles d’être au chaud et au sec, en sécurité. Un danger bien plus « palpable » que celui qui planait subtilement dans le quatrième cycle … et du coup, c’est la panique assurée. Exténués, effrayés, les chats sont sur les nerfs, et on sent qu’il suffirait d’un petit rien pour déclencher une nouvelle échauffourée. Comme si la situation n’était pas assez difficile comme cela – il pleut tant et si bien que trouver de la mousse sèche pour garnir les tanières relève de l’impossible, et le gibier est soit noyé soit réfugié bien loin du lac et du territoire du Clan, le froid et l’humidité menace de rendre les plus fragiles malades –, voilà que les Clans se réfugient derrière leur fierté et refusent catégoriquement la patte tendue, allant même jusqu’à proférer des menaces à l’encontre de ceux qui veulent les aider ! C’est un récit vraiment riche en tension, on est toujours sur le qui-vive, on a le cœur qui bat à cent à l’heure …
En bref, vous l’aurez bien compris, c’est encore une fois un très bon hors-série. Je dois bien avouer qu’au début, pourtant, je n’étais pas particulièrement convaincue : je me demandais vraiment à quoi il allait bien pouvoir servir au sein de l’intrigue globale de la saga, ce qu’il allait apporter à l’histoire des Clans, car si une inondation est un événement tragique, catastrophique, ça n’en reste pas moins anecdotique comparé au reste de la saga. Mais je pense qu’il faut vraiment voir cet hors-série comme une transition : une ère vient de s’achever, brutalement, et une autre va s’ouvrir. Il faut aider le lecteur à panser ses plaies, l’aider à accepter l’inacceptable pour lui permettre de continuer plus sereinement la saga après ce cataclysme émotionnel auquel rien ne pouvait le préparer. Délicatement, cet hors-série referme donc tout une époque et ouvre doucement la voie à la suite, une suite dont on ne devine absolument rien mais qu’on est désormais bien plus « disposés » à accueillir. C’est aussi une lueur d’espoir, la preuve que les Clans peuvent toujours se redresser même après les plus terribles épreuves, la preuve que la vie est toujours plus forte que la mort et la peine. C’est puissant, émouvant, palpitant, bref, c’est excellent !