Editeur : Pocket Jeunesse
Nombre de pages : 346
Résumé : Il a 15 ans et s'appelle Christopher Boone.
Il excelle en mathématiques et adore Sherlock Holmes. Il aime les diagrammes,
les listes, la vérité. Il ne supporte pas qu'on le touche. Pour lui, 4 voitures
rouges à la file sont synonymes de Bonne Journée; 3 voitures rouges : d'une
Assez Bonne Journée ; 5 voitures rouges : d'une Super Bonne Journée. Il est
autiste et porte en lui une part de génie. Quand un jour, Christophe apprend
que Wellington, le caniche de sa voisine, a été assassiné, il décide de mener
l'enquête qui va lui permettre d'arracher au passé l'énigme de sa propre
histoire. Et de nous la raconter...
- Un petit extrait -
« Siobhan dit que quand on ferme la bouche et qu'on expire bruyamment par le nez, ça peut signifier qu'on est détendu, ou qu'on s'ennuie, ou qu'on est fâché. Tout dépend de la quantité d'air qui sort de votre nez et de la rapidité avec laquelle il sort, de la forme qu'a votre bouche à ce moment-là, de la manière dont on est assis et de ce qu'on a dit juste avant et de centaines d'autres choses qui sont bien trop compliquées pour qu'on puisse les déchiffrer en quelques secondes. »
- Mon avis sur le livre -
Cela fait des années que j’entends parler de
ce livre un peu partout (blogs, librairies, bibliothèques …), et même si le
titre ainsi que la couverture m’intriguaient drôlement, il ne m’attirait pas
plus que cela et je n’avais jamais pris la peine de lire le résumé. Puis j’ai
appris que le personnage principal était atteint du syndrome d’Asperger (bien
que celui-ci ne soit jamais explicitement nommé dans le roman), et j’ai soudainement
eu envie de le découvrir : je vous l’avais déjà dit en introduction de ma
chronique de Contrecoups, les maladies psychiques m’intéressent
beaucoup, et l’autisme plus particulièrement. C’est pourquoi lorsque l’on m’a
proposé ce roman en prêt, je n’ai pas hésité une seule seconde et je l’ai
commencé aussi rapidement que possible, car j’avais vraiment hâte de m’y
plonger !
Christopher a quinze ans et il est autiste
Asperger. Il aime Sherlock Holmes, les mathématiques, l’astronomie, la nuit, la
vérité, la pluie et son rat apprivoisé Toby. Il n’aime pas être touché, le
jaune ni le marron, le bruit, la foule, les inconnus et les imprévus. Pourtant,
le jour où un grand imprévu, la mort du chien de la voisine, a lieu, ce n’est
pas la panique qui envahit l’esprit de Christopher, mais bien la volonté de
démasquer le coupable. Il était bien loin de se douter que cette enquête allait
le pousser à dépasser ses limites (Christopher est probablement un des
personnages les plus courageux que j’ai eu l’occasion de rencontrer au cours de
mes pérégrinations littéraires) … mais allait également ébranler toutes ses
certitudes et bouleverser tout son univers bien ordonné.
Lorsque j’ai lu le résumé avant de commencer
ma lecture, j’ai eu un peu peur que l’histoire ne soit au final qu’une simple
enquête pseudo-policière réalisée par un adolescent bourré de clichés sur l’autisme.
C’est toujours le risque, avec les romans basés sur un trouble de ce type :
que l’auteur n’y connaisse rien et se contente d’user et abuser des stéréotypes
véhiculés sur la maladie pour faire sortir son ouvrage du lot. Fort
heureusement, cette double-crainte était infondée : non seulement l’enquête
au sujet de la mort de Wellington (le caniche de la voisine) n’est qu’un
prétexte pour introduire la véritable histoire, celle de Christopher, mais en
plus on sent que l’auteur a travaillé avec des personnes autistes ! Des
tas de petits détails le prouvent : Mark Haddon s’y connait, et ainsi pu
aller plus loin que bien d’autres auteurs (qui se contentent d’illustrer plus
ou moins maladroitement les trois grands pôles de la triade autistique sans d’ailleurs
prendre en compte la spécificité du syndrome d’Asperger).
Quelques petits exemples en vrac :
Christopher, notre narrateur, se perd régulièrement dans des digressions plus
ou moins longues, plus ou moins cohérentes avec ce qui précède, car ses pensées
« vont trop vite », une idée peut en entrainer des centaines d’autres
et il lui est parfois très difficile de se fixer sur une seule en éclipsant les
autres ; Christopher n’aime pas la foule mais il ne supporte pas non plus
la solitude ; Christopher trouve cela stupide de la part des humains de
croire que les extraterrestres seront forcément des êtres de chair alors qu’ils
pourraient parfaitement être complétement différents de l’idée que l’on se fait
d’un être vivant. Vous allez me dire que ce dernier point n’a rien à voir avec
l’autisme, mais il illustre en fait une autre caractéristique des autistes Asperger :
une vision finalement assez critique du monde dans lequel ils vivent. Ainsi Christopher,
qui est incapable de soutenir une conversation, se demande souvent quel est l’intérêt
du bavardage : à quoi cela sert-il de parler pour ne rien dire, s’il n’y a
aucune information à transmettre, à quoi cela sert-il de discuter ?
Comme je l’ai déjà dit un peu plus haut, c’est
Christopher lui-même qui nous raconte cette histoire, son histoire. Mais
attention, il ne s’agit pas de son journal intime : le jeune homme veut
écrire un roman, il se fait d’ailleurs aider par Siobhan, enseignante
spécialisée, dans ce projet. Car cela n’est pas facile pour lui :
Christopher ne sait pas, ne peut pas mentir, et comme certains Asperger, il n’arrive
pas à faire preuve d’imagination. Aussi, pour écrire cette histoire, il ne peut
s’appuyer que sur son vécu, qui est la réalité et la vérité : vous ne
trouverez pas ici de coups de théâtre rocambolesque ou d’histoire d’amour pour
pimenter l’intrigue, car Christopher ne raconte que ce qu’il s’est réellement
passé. Autre particularité de ce roman raconté par un jeune Asperger : la
narration. Elle est simple, très simple : épurée, sobre, efficace, elle va
à l’essentiel, sans s’encombrer de fioriture inutile. Il s’est passé ceci, j’ai
pensé cela, Untel a dit ceci, Untel a fait cela.
Je sais que bien des lecteurs ont été
perturbés, dérangés, déconcertés par cette écriture si inhabituelle, si
particulière. Bien que cela ne m’ait personnellement pas gênée - bien au
contraire, j’ai finalement eu le sentiment d’être en présence de la narration
la plus pure, la plus expressive, que j’ai jamais rencontrée -, je peux
parfaitement comprendre leur consternation : cela peut être déroutant.
Mais vraiment, ne vous laissez pas rebuter par cela : bien qu’étrange,
cette narration a le mérite de proposer une immersion dans le mode de
fonctionnement de pensée d’un adolescent dit « neuro-atypique », et
je vous assure que c’est très instructif, très enrichissant, dans notre monde
qui n’autorise finalement aucune déviance (en dépit de la « liberté d’expression »
valorisée dans notre pays, celui qui a le malheur de dire un avis contraire à
celui de la masse est automatiquement considéré comme hérétique … qu’on m’expliquer
cette « logique » !). De la même façon, bien des blogueurs
indiquent qu’ils n’ont pas réussi à s’attacher à Christopher. Aucune difficulté
pour ma part : Christopher est à la fois tellement innocent et tellement
intéressant (je suis probablement l’une des rares à avoir pris grand plaisir à
lire ses raisonnements mathématiques complexes) que j’avais très envie qu’il
sorte du papier pour qu’on puisse discuter astronomie ou biologie ensemble
(même si au début, nous serions sans aucun doute aussi effrayés l’un que l’autre :
je n’aime pas plus les inconnus que lui !).
Ce roman n’est finalement pas une enquête
policière, mais bien plus un parcours initiatique. En cherchant des indices
concernant le meurtre de ce pauvre chien (transpercé par une fourche, quelle
mort horrible pour un petit caniche !), Christopher va faire d’étranges
découvertes … Etranges car elles n’ont rien à voir avec cette mort mais tout à
voir avec lui-même, son passé, son présent, sa famille. Il va devoir faire face
à une masse d’informations qui s’avèrent être complétement contradictoires avec
ce qu’il croyait être la vérité, la réalité. Mais cette fois-ci, pour la
première fois, Christopher ne se laisse pas dépasser par la panique : il
va être plus fort que ses nombreuses peurs et va sortir volontairement de ce
quotidien rassurant pour en savoir plus. Cela va lui demander beaucoup d’efforts,
va entrainer une grande fatigue émotionnelle, va être source de bien des crises
d’angoisse, mais Christopher va réussir à faire quelque chose qui lui semblait
jusqu’alors complétement irréalisable. L’auteur a fait tout son possible pour
exprimer à quel point cela était difficile pour Christopher de faire ce qu’il
était en train de faire. Pour faire comprendre à ses lecteurs, finalement, que
ce qui est « banal » et « naturel » pour eux ne l’est pas
pour tout le monde. Ce roman est un double-parcours initiatique : il y a
celui de Christopher, qui apprend progressivement à évoluer dans le monde « normal »,
et celui du lecteur réceptif, qui apprend à mieux appréhender la différence
dans toute sa splendeur pour ainsi, je l’espère, mieux l’accepter.
En bref, vous l’aurez compris, c’est un
nouveau coup de cœur au compteur ! Ce livre, tout aussi atypique que son
narrateur-personnage principal, est tout simplement captivant, émouvant,
impressionnant. L’auteur a fait le choix de ne jamais nommé la maladie dont
souffre Christopher, de l’évoquer à peine (c’est finalement au lecteur de
rassembler les morceaux du puzzle et de les assembler pour saisir toutes les
particularités de Christopher), afin, finalement, de ne pas réduire Christopher
à cette maladie. Il est Lui avant d’être Asperger. Mais en même temps, l’auteur
veut sensibiliser son lectorat à la différence, à sa richesse, à sa nécessité ;
c’est rafraichissant, ce genre de roman didactique qui ne se contente pas de
raconter une histoire mais qui fait réfléchir le lecteur sur la société, le
monde, la vie. Je n’ai qu’une seule recommandation à faire : avant de lire
Le bizarre incident du chien pendant la nuit, lisez Le chien de
Baskerville !
Christopher spoile entièrement le dénouement de cette enquête de Sherlock
Holmes, il m’est donc désormais impossible de la lire puisque je sais qui est
le coupable, quels sont les faux indices, quels sont les vrais indices … Ne
vous faites pas avoir et prenez vos précautions !
Ce livre
a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus
d’explications sur cet article)
Ohhh je ne savais pas du tout que le personnage était Asperger ! Si j'avais été au courant, je pense que ça ferait bien longtemps que j'aurais plongé le nez dans ce récit ! **
RépondreSupprimerBref, tu m'as convaincue dès les premières lignes de lire ce bouquin : merveilleux. Je n'ai plus qu'à le trouver pour m'y mettre ♥
Tout comme toi, ce n'est qu'en apprenant que le personnage était Asperger que je me suis dit "Mais pourquoi ne l'ai-je pas lu plus tôt ?!"
SupprimerDu coup, bonne lecture !
Quel bon souvenir tu me remémores ! J'ai lu ce livre il y a des années, et je me souviens que j'avais bien apprécié ce roman, très original à l'époque car traitant d'un sujet peu utilisé en littérature. J'avais trouvé le personnage de Christopher attachant et la narration atypique.
RépondreSupprimerRavie d'avoir fait resurgir d'aussi bons souvenirs, du coup !
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