Les Affamés
Editeur : Actes Sud junior
Nombre
de pages : 364
Résumé : Aux quatre coins d'une planète surpeuplée
et en pleine dévastation, six mystérieuses Portes apparaissent, ouvrant des
brèches vers des mondes inconnus. En quête d'une terre promise, fuyant la
misère et la mort, des flux d'hommes, de femmes et d'enfants désespérés se
pressent aveuglément vers ces Six Mondes, ignorant tout à leur sujet. Ashoka,
Ekian et Tupà ne se connaissent pas, vivent à des milliers de kilomètres de
distance. Pourtant, leurs destins sont liés. De leur union dépendra le sort de
la Sublime Communauté.
Un grand merci aux éditions Actes
Sud pour l’envoi de ce volume ainsi qu’à la plateforme Babelio pour avoir rendu
ce partenariat possible.
- Un petit extrait -
« Longtemps Ekian s'était souvenue du désert. De ce sanctuaire de sable, immensité jadis sous-marine, dont le magnétisme éclipsait encore parfois dans son imaginaire toute autre lumière, toute autre féerie ; de ce grand cirque volcanique, immergé dans les dunes, où chaque soir les montagnes de sable se couchaient sur les montagnes de granit. Par les nuits de pleine lune, leurs deux ombres sacrées s'unissaient en silence pour n'en plus former qu'une - alors le monde était en paix. »
- Mon avis sur le livre -
J’ai toujours été contre cette classification
systématique des romans dans des genres et sous-genres. Pourquoi ? Tout
simplement parce que parfois, il est difficile de définir avec précision le
genre d’un livre, mais la folie de l’étiquetage qui caractérise notre société
conduit tout de même éditeurs et libraires à rattacher chaque livre à un unique
genre. Vous êtes très probablement en train de vous demander où va mener ce
récriminatoire contre la répartition systématique des romans, et surtout ce
qu’il vient faire dans une chronique littéraire. Eh bien, tout simplement,
comme je l’expliquerai plus en détail un peu plus tard, car à mes yeux, ce
roman n’est ni de la science-fiction ni du fantastique, mais bien un savant et
équilibré mélange entre les deux, et il n’a donc au final sa place ni dans l’un
ni dans l’autre. C’est une erreur que de vouloir le faire rentrer dans l’une ou
l’autre case, car c’est justement cette association subtile et innovante qui
donne son charme à cet ouvrage !
Tupà, quinze ans, a été élevé par une tribu
d’Amérique latine soucieuse des traditions ancestrales. Ekian, treize ans, a
quant à elle grandi au cœur de l’Himalaya. Ashoka, sept ans, a toujours vécu au
Palais du Roi des Intouchables en Inde. Tous les trois n’ont jamais connu leurs
parents biologiques, arrachés à leur famille respective à l’âge de huit mois
pour être « transplantés » afin que leur destin soit modifié. Mais
par qui ont-ils été transplantés, et dans quel objectif ? Comment ces
trois jeunes âmes, séparées par des milliers de kilomètres, peuvent-elles être
liées ? Dans un monde en perdition, où règnent la misère et la mort et où
le seul espoir réside dans ces Portes qui apparaissent intempestivement pour
mener vers d’autres Mondes, nos jeunes héros vont partir en quête de réponses
qui risquent de bouleverser à jamais leur existence.
Au premier abord, nous nous trouvons donc en
présence d’un récit apocalyptique : une Terre à l’agonie, des populations
entières d’Affamés souffrant d’un étrange mal … Très rapidement, l’auteur
parvient à plonger le lecteur dans cette ambiance de fin du monde, dans cette
ambiance de catastrophe. Il n’y a qu’à fermer les yeux et laisser son
imagination vagabonder quelques minutes pour ressentir ce désespoir, cette
détresse, pour se laisser envahir par ce sentiment d’urgence et de peur. Alors,
au milieu de ce chaos qu’est la Terre de ce livre, s’ouvrent des Portes. Des
Portes qui apparaissent sans que nul ne sache comment, et qui mèneraient vers
de nouveaux Mondes. Déjà ici, on ne sait pas trop si on se situe plus dans de
la science-fiction ou du fantastique. Certains y voient de la dystopie,
surement du fait des Guetteurs et des Passeurs qui semblent organiser ces
passages à travers les Portes en promettant une vie meilleure, mais en tant que
puriste, je ne suis pas vraiment d’accord. Quant au fantastique, il est
particulièrement présent dans les chapitres consacrés à Ekian, avec les
Etincelants, avec toutes ces légendes qui semblent prendre vie, par exemple.
Que dire sur ce roman pour donner envie de le
lire - parce que croyez-moi, il vaut le détour ! - sans en dévoiler trop (ce
qui équivaudrait à gâcher la surprise) ? Je peux vous affirmer que ce
livre, il va vous faire voyager aux quatre coins du monde sans que nous n’ayez
à bouger de chez vous. Les descriptions des paysages sont à couper le souffle :
même sans avoir jamais visité ni le Sahara, ni l’Inde ni les forêts
sud-américaines, j’avais le sentiment de pouvoir toucher du doigt la beauté
profonde de ces pays. Pour tout vous avouer, cela m’a presque donné envie de
partir dans le Sahara algérien à la recherche de la famille de mon grand-père
paternel, comme si la plume d’Emmanuelle Han résonnait avec mes gènes ! Ce
livre, il va également attiser votre curiosité, des dizaines de questions, d’hypothèses
et de suppositions vont tour à tour s’imposer à votre esprit … Des questions
dont les réponses arrivent au compte-goutte, ce qui peut être frustrant pour
les amoureux de l’action, mais captivant pour ceux qui, au contraire, comme
moi, aiment les intrigues et contextes qui se mettent progressivement en place.
Car je vais être parfaitement honnête avec
vous : ce tome d’introduction a surtout vocation à nous présenter ces
trois personnages et à poser les bases de ce monde en pleine déchéance ainsi
que celles de ces passages vers d’autres Mondes. Même s’il y a une bonne dose d’action,
de rebondissements et de révélations, l’auteur a tout misé sur la lenteur :
sans précipitation, elle mêle habilement informations sur leur enfance,
rappelant régulièrement leur statut d’orphelin détonnant dans le milieu dans
lequel ils grandissent - tel Ashoka, enfant blanc au cœur des Intouchables -
et surtout, distillant ici et là des indices sur les Portes, les Passeurs, les
Guetteurs, et surtout, sur le statut si particulier de ces enfants
Transplantés, sur leur rôle dans toute cette affaire. Même si ce tome
introductif apporte plus de questions que de réponses, il est à mes yeux une
véritable petite merveille à lui tout seul : l’auteur fait vivre les
légendes, fait vibrer notre cœur et notre âme à l’unisson avec ces trois
enfants livrés à eux-mêmes dans un monde hostile dans lequel ils ne savent où
est leur place.
En bref, avec ce premier tome, Emmanuelle Han
nous offre un roman particulièrement prometteur qui m’a littéralement enchantée !
Des personnages attachants mais surtout absolument réalistes qui semblent être
prêts à sortir du livre pour vivre devant nos yeux ébahis, une plume magnifique
qui fait voyager et vibrer, une intrigue captivante qui mêle habilement le
récit apocalyptique, les légendes et la science-fiction … Personnellement,
je ne pouvais qu’être conquise par ce gros roman qui se dévore d’une traite !
Pour la première fois depuis des années, j’ai sorti la lampe de poche pour lire
en pleine nuit, cachée sous la couette, prête à me recoucher en catastrophe si
quelqu’un bougeait dans la maison. Je ne pouvais pas m’arrêter ! Alors je
n’ai qu’une seule chose à dire : foncez dans votre librairie de proximité
dès le 4 octobre pour vous procurer cette merveille !
Ce livre
a été lu dans le cadre du Challenge de l’été 2017
(plus
d’explications sur cet article)
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