Editeur : Fin mars début avril
Nombre
de pages : 327
Résumé : Inséparables, Ariane, Tristan et Matthias
ont passé leur enfance à jouer avec leurs peurs. Au milieu des étangs de la
Dombes ou dans les pièces vides d’un château oublié, ils cherchaient l’émotion,
l’interdit, le danger. Trente ans plus tard, les frayeurs d’Ariane n’ont plus
cette saveur plaisante de l’imaginaire : c’est un homme bien réel – un homme
qu’elle a aimé – qu’elle fuit maintenant. Car si les enfants font de la peur un
jeu, les adultes, eux, savent en faire une arme.
Un grand merci à Sébastien
Fritsch pour l’envoi de ce volume (et la petite dédicace) et à la plateforme SimPlement
pour avoir rendu ce partenariat possible.
- Un petit extrait -
« C'était exactement ce genre de peur que je recherchais ce soir, cette peur saine et douce dont seuls sont capables les enfants. Une peur démesurée, que l'on croit sans limite quand on la rencontre, mais qui s'avère finalement n'être qu'un feu de paille fugace. Un rire peut la souffler. Ou un rayon de soleil qui pique l'œil, un parfum de gâteau qui ravive la joie, ou le chant d'un oiseau, l'effleurement de la main d'un garçon. »
- Mon avis sur le livre -
Une fois encore, Sébastien Fritsch a su me
faire sortir de ma zone de confort : après la belle découverte que fut Albédo, j’ai pris mon courage d’hypersensible
chronique à deux mains et j’ai osé postuler pour recevoir cet ouvrage à la si
jolie couverture mais à la thématique si difficile : la violence
conjugale. Et clairement, je ne le regrette pas : contrairement à ce que
je craignais un peu - parce que oui, ce n’est pas parce que j’ai osé franchir
le cap que mes appréhensions s’étaient miraculeusement envolées -, cette
thématique, bien que présente du début à la fin, est plus suggérée qu’autre
chose. Les allusions sont là, suffisamment présentes pour qu’on ne les oublie
pas, mais suffisamment évasives pour ne pas troubler les lecteurs les plus
émotifs. C’est du grand art, que de réussir à faire comprendre au lecteur ce
qui s’est passé sans le décrire vraiment !
Revenue sur les lieux de son enfance, Ariane
se demande si elle a fait le bon choix : Marthe et Noël se
souviendront-ils d’elle ? et surtout, pourront-ils et voudront-ils l’aider ?
est-ce une bonne idée que de compter sur les fantômes de son passé pour l’aider
à résoudre ses problèmes présents ? Ariane, la trentaine bien entamée,
mère d’un petit garçon de sept ans taciturne et d’une petite fille de quelques
mois à peine, fuit les coups d’un conjoint violent et ne sait vers qui se
tourner pour trouver de l’aide. Au fil de cette quête, de cette fuite, Ariane
va revivre son enfance et son adolescence, au gré des souvenirs et des
réminiscences. « Si tu ne sais plus où tu vas, regarde d’où tu viens »,
nous dit un proverbe africain. Et c’est, finalement, ce que fait Ariane au
cours de ce récit, dans lequel se mêlent et s’entremêlent passé et présent et
dans lequel la peur constitue le point commun entre ses deux époques, celle des
jeux effrayants mais exaltants et celle des angoisses sournoises et
douloureuses.
Avec cet ouvrage, l’auteur nous propose un
récit plus introspectif qu’autre chose, une sorte de parenthèse dans notre
univers littéraire où l’action prend souvent le pas sur la psychologique
profonde des personnages. Il y a bien quelques scènes durant lesquelles notre cœur
bat à tout rompre, tandis que l’angoisse nous submerge, tandis que la tension
monte brutalement d’un cran, mais en ouvrant ce roman, il ne faut pas s’attendre
à une avalanche d’actions. Ce livre est surtout riche en émotions : ce
récit, il vous prend aux tripes, il est d’une puissance incroyable. Car Ariane,
qui est également la narratrice, nous livre sans la moindre retenue toutes ses
angoisses, toutes ses peurs. Car la peur a toujours fait partie de sa vie :
la peur de l’obscurité, la frayeur enfantine des jeux interdits, la crainte du
rejet et de l’échec, et surtout, l’épouvante qui accompagne la simple pensée
rattachée à son mari. J’en suis venue à me demander, bien avant que cela ne
soit évoqué dans le roman, si Ariane ne cherchait pas inconsciemment à se
plonger dans des situations anxiogènes pour entretenir cette peur : n’ayant
connu que cela, n’aurait-elle pas peur d’une existence sans la moindre peur ?
Comme cela fut le cas pour Albédo, je pense qu’il y a deux éléments qui ont
contribués à faire de cette lecture un coup de cœur. Tout d’abord, la plume de
l’auteur. Je ne le répéterais sans doute jamais assez, mais Sébastien Fritsch a
véritablement une plume d’or : à la fois très descriptive, suggestive, et
très poétique, vivante. Il sait capter l’attention du lecteur malgré l’apparente
lenteur et monotonie du récit, et on en vient ici au deuxième point. Le secret
de Sébastien Fritsch pour retenir l’attention du lecteur du début à la fin, c’est
tout simplement de ne pas tout dévoiler dès le début. Comparons donc la vie d’Ariane
- et donc l’histoire que nous propose de découvrir ce livre - à un collier
cassé que le lecteur doit réparer. A chaque flashback, le lecteur reçoit une
perle. Mais il lui est tout bonnement impossible de déterminer avec précision
où placer cette perle dans le collier avant d’avoir en sa possession toutes les
perles, avant d’avoir visionné l’intégralité des souvenirs d’Ariane : ce n’est
qu’à la toute fin qu’il sera capable de reconstituer le collier à la
perfection. C’est brillant : malgré toutes mes suppositions, toutes mes
hypothèses, il y a certains éléments de ce passé mouvementé que je n’aurai même
pas pu imaginer ! Tout ne tombe pas tout cuit dans le bec du lecteur :
il va lui falloir cogiter un peu pour remettre les morceaux en place et
comprendre comment et pourquoi Ariane en est arrivé là aujourd’hui.
En bref, Se retenir aux brindilles (ai-je précisé que je trouvais ce titre
magnifique ?) est un récit d’une grande richesse et d’une grande
profondeur mené d’une main de maitre par une narration qui ne laisse pas le
lecteur inactif. Outre son indispensable réflexion pour reconstituer le
déroulement de l’existence d’Ariane, le lecteur est également invité à
réfléchir sur lui-même : quelles sont les brindilles qui constitueront un
jour le terreau des souvenirs sur lesquels il pourra s’appuyer pour affronter
un présent trop difficile à supporter ? Nous avons souvent tendance à
chercher les racines de notre existence, mais à quoi pourrons-nous nous
raccrocher si par malheur un ouragan venait les déraciner ? Une brindille,
une fois serrée dans le poing, ne pourra pas s’envoler loin de nous … Alors,
quelles sont vos brindilles ?
Ce livre
a été lu dans le cadre du Challenge de l’été 2017
(plus
d’explications sur cet article)
Ce livre
a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus
d’explications sur cet article)
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