Editeur : Zoe
Nombre
de pages : 240
Résumé : Sous nos trottoirs et nos océans, des
millions de mails transitent chaque seconde à travers des câbles qui irriguent
notre monde. Surfant sur ce flux continu, Pénélope, June, Birgit et Lu Pan
mènent leur existence de "millénials" aux quatre coins de la planète.
Fascination ou familiarité, dépendance ou dégoût, leur rapport au web oscille,
dans leur travail comme dans leur vie amoureuse. En découvrant l'univers de
boîtes et de fils qui les relient bien plus concrètement qu'ils n'imaginent,
ils élaborent un plan vertigineux pour atteindre leur but commun : mener une
existence hors de la Toile.
Ce roman a été lu dans le
cadre de l’opération « Exploration de la rentrée littéraire 2017 »
organisée par lecteurs.com.
- Un petit extrait -
« Il est allongé au fond de l’océan. Il est immobile, longiligne et tubulaire, gris ou peut-être noir, dans l’obscurité on ne sait pas très bien. Il ressemble à ce qui se trouve dans nos salons, derrière nos plinthes, entre le mur et la lampe, entre la prise de courant et celle de l’ordinateur : un vulgaire câble. Appelons-le FLIN. »
- Mon avis sur le livre -
Pénélope est programmeuse informatique le
jour et hackeuse la nuit. June est auto-entrepreneuse et fabrique des produits
cosmétiques à partir de produits naturels. Birgit est membre d’une association
cherchant à sensibiliser au coût énergétique d’internet. Kuan est ingénieur
portuaire et se demande comment renouer le lien avec son fils Lu Pan, gameur
mondialement connu grâce à ses vidéos. Quatre existences complétement différentes
mais pourtant identiques sur un point : la présence quotidienne et omniprésente
d’internet. Quatre personnages que tout sépare mais pourtant reliés par des
immenses câbles dont ils ont à peine conscience. Et pourtant, leurs routes vont
se croiser, leurs destins s’entremêler, à travers un projet aussi colossal
qu’incroyable : le désir de libérer leur vie de cette Toile qui dirige et
contrôle tout. Un plan étourdissant à l’impact assourdissant.
Dès le premier chapitre, je me suis laissée
entrainer par une narration atypique, mêlant une certaine neutralité proche de
l’impassibilité et une touche d’ironie discrète mais bien présente. Une
certaine complicité s’installe rapidement entre le lecteur et ce narrateur sans
nom, qui s’exprime parfois à la première personne pour commenter, analyser,
faire des remarques, mais qui reste toutefois en dehors de l’histoire. Les
descriptions sont concises, apportent tout juste ce qu’il faut de détails et de
précisions, sans en dire trop toutefois : il m’a été à la fois facile
d’imaginer les décors et les ambiances et difficile de me représenter
véritablement les personnages. J’en suis finalement venue à me dire que,
peut-être, l’important ici n’était pas les personnages, que ces derniers
pourraient finalement être n’importe qui d’autre sans que cela ne change
fondamentalement l’intrigue.
Une intrigue qui m’a par ailleurs
immédiatement captivée. Le premier chapitre, très mystérieux, conduit le
lecteur à faire la connaissance de FLIN, un immense câble serpentant au fond de
l’Atlantique. J’avais beau m’attendre à un récit ciblé sur l’immense réseau
planétaire qu’est internet, je ne m’attendais pas à une telle entrée en
matière, qui a drôlement attisée ma curiosité ! Et tandis que défilaient les
tranches de vie des personnages, tandis que leurs histoires avançaient
parallèlement les unes les autres, tandis que s’affirmait progressivement
l’omniprésence de la Toile, je me demandais sans cesse quand allait se produire
le point de rupture, quand allaient se rencontrer ces différents protagonistes
aux intérêts divers et aux existences si différentes les unes des autres. Je
sentais que quelque chose de grand allait arriver, mais impossible de deviner
quoi ni quand.
Et j’admets bien volontiers avoir été
particulièrement surprise par ce « quelque chose ». Surprise, car je ne m’étais
pas attendu à un projet aussi colossal, aussi radical. Lorsque le résumé
annonçait que les personnages désiraient « mener une existence hors de la Toile
», je m’attendais à un changement de mode de vie, à un choix de se déconnecter
et de revenir aux valeurs fondamentales. Pas une seule seconde il ne m’était
venu à l’esprit que ce « plan vertigineux » allait avoir de telles
conséquences, de telles répercussions. Rien ne m’avait préparé à cela, et une
fois la surprise passée, je fus très reconnaissante à l’auteur d’avoir fait ce
choix. Pour quelqu’un qui, comme moi, voit parfois d’un mauvais œil
l’importance qu’a pris internet dans notre existence, c’est particulièrement
réjouissant de voir un auteur tenter de répondre à la question que l’on se pose
régulièrement …
Je dois toutefois admettre être restée
légèrement sur ma faim en voyant la fin arriver : c’était peut-être un peu
idéaliste de ma part, mais j’espérais que ce livre mènerait à une prise de
conscience. Je regrette souvent ce qu’est devenue notre société : un monde
dirigé par cette immense toile invisible mais omnisciente, une toile qui était
censée créer des liens mais qui en a détruit tellement d’autres. Combien de
fois ai-je vu des lycéennes s’échanger des sms plutôt que de se parler de
vive-voix, alors qu’elles ne sont éloignées que de deux mètres à peine ?
J’espérais vraiment que ce livre allait dénoncer cela, que les personnages
allaient désirer revenir à une vie plus authentique, plus « humaine », moins «
informatisée ». Mais non. Finalement, à part nous prouver à quel point tout
dans notre monde est entièrement dépendant
du réseau, ce livre ne mène nulle part. Tout au plus nous prouve-t-il la
fragilité de ce système sur lequel repose toute notre existence : l’économie
mondiale, les transports, l’éducation, mais aussi le système de santé et
l’administration civile (j’ai toujours en tête l’histoire de ce pauvre monsieur
qu’un bug informatique avait déclaré comme décédé et qui n’avait donc plus
aucun droit, que ce soit à la propriété ou à la sécurité sociale …). Un livre
alarmant, peut-être, mais pas le livre contestataire que j’attendais.
En bref, Une toile large comme le monde est un roman qui malgré sa petite taille a
su m’intriguer par sa thématique très actuelle mais que l’on rencontre rarement
en littérature, me captiver par sa plume si originale qui confère à l’ensemble
une ambiance très particulière et me surprendre par ce choix si inattendu et si
inimaginable. Cependant, je regrette que l’auteur se soit arrêtée à ce point de
vue si « matérialiste » : finalement, ce livre ne remet nullement en question
la légitimité de la Toile, ne parle à aucun moment de ses conséquences néfastes
sur le lien social - et même familial -, mais se contente d’affirmer avec force
son importance dans notre société. Et finalement, ça, je le savais déjà. En
dépit de ce détail, je dois admettre avoir passé un très agréable moment de
lecture : impossible de lâcher le livre une fois celui-ci commencé !
Ce livre
a été lu dans le cadre du Challenge de l’été 2017
(plus
d’explications sur cet article)
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