Editeur : Odile Jacob
Nombre
de pages : 243
Résumé : À mi-chemin entre l'essai et le récit
autobiographique, Penser en images est une étude sur l'identité autistique, sur ses manques, ses
faiblesses et ses forces. Il nous éclaire sur les formes d'intelligence propres
aux autistes, sur les émotions qu'ils éprouvent, sur leurs aptitudes visuelle,
mnésique, langagière ou sociale, mais aussi sur le diagnostic de l'autisme, les
derniers traitements médicaux en cours ou encore les méthodes éducatives les
plus avancées. Ce livre trace une sorte de pont entre deux mondes qui,
d'ordinaire, ne communiquent pas et nous permet de voir fonctionner, de
l'intérieur, un esprit très différent du nôtre.
- Un petit extrait -
« Les mots sont comme une seconde langue pour moi. Je traduis tous les mots, dits ou écrits, en films colorés et sonorisés ; ils défilent dans ma tête comme des cassettes vidéo. Lorsque quelqu'un me parle, ses paroles se transforment immédiatement en images. Ceux dont la pensée est structurée en langage ont souvent du mal à comprendre ce phénomène mais, dans mon métier - je conçois des équipements pour les animaux d'élevage -, penser en images est un formidable atout. »
- Mon avis sur le livre -
Trop souvent encore, lorsque le mot « autisme »
est prononcé, deux images s’imposent à l’esprit de l’imaginaire collectif :
soit le petit gamin qui bave en se tapant la tête contre les murs, soit le
génie qui effectue en quelques secondes de gigantesques calculs mentaux sans
jamais se tromper. On ignore bien souvent que l’autisme ne se limite pas à ces
deux extrêmes, qu’il se décline en de très multiples formes bien moins
spectaculaires mais tout aussi handicapantes. Temple Grandin fait justement
partis de ces personnes qui mettent sans cesse l’accent sur cette diversité,
sur cette pluralité de l’autisme. Elle milite également contre la « classification »
extrême dont est aujourd’hui victime l’autisme lorsqu’il s’agit du diagnostic :
selon elle, l’âge auquel l’enfant autiste a commencé à parler ne devrait pas être
l’unique critère quand il s’agit de « répartir » l’enfant dans l’une
ou l’autre « case » dont notre société est friande. Il y a autant d’autismes
que d’autistes, voilà ce qu’elle essaye de faire comprendre à son lectorat, et
il est donc parfaitement absurde à ses yeux de sans cesse vouloir mettre des
étiquettes précises …
Tandis que dans L’interprète des animaux, Temple Grandin
parlait essentiellement du comportement animal en le mettant en parallèle avec
le mode de fonctionnement induit par l’autisme, elle aborde dans cet ouvrage
plusieurs thématiques. Elle évoque ainsi tout autant la question épineuse du
diagnostic de l’autisme (quels sont les symptômes généralement retenus pour
poser ce diagnostic ? quels sont les troubles souvent confondus avec l’autisme ?
quelles sont les différentes formes d’autisme ?) que son rapport à la
religion, en passant par le traitement médicamenteux de l’autisme et les
difficultés rencontrées par les autistes dans les rapports humains (quelles
sont les règles des relations interpersonnelles ? comment adapter son
comportement dans les différentes situations ? quand faut-il s’obliger à
ne pas dire « les vérités qui fâchent » ?). Chapitre après
chapitre, Temple Grandin nous invite à parcourir brièvement - mais efficacement
- ces différents sujets. J’ai pour ma part énormément apprécié cette diversité !
De la même façon, j’ai beaucoup aimé le choix
de Temple Grandin de ne pas s’arrêter à la seule évocation de sa propre
expérience, mais de mettre celle-ci en parallèle, en perspective, avec les
différentes recherches scientifiques sur l’autisme, avec les témoignages d’autres
personnes autistes ou de parents de personnes autistes … Cet ouvrage est un
délicat mélange entre l’autobiographie pure et l’essai. Tantôt Temple Grandin
nous parle de son enfance, de son adolescence, de son entrée dans l’âge adulte,
elle nous raconte ses difficultés, les stratégies qu’elle a mis en place pour
les surmonter, ses doutes, ses échecs … et tantôt elle évoque les méthodes
éducatives les plus efficaces, les dernières avancées de la recherche en
neurologie … Elle passe d’un versant à l’autre en l’espace de quelques phrases,
confrontant sans cesse sa propre expérience de l’autisme avec d’autres données.
Elle met ainsi en évidence les ressemblances comme les différences, rappelant
très régulièrement - tel un leitmotiv - que « ce qui s’applique à une
personne autiste ne s’applique pas nécessairement à toutes les personnes
autistes ». Son objectif n’est ainsi pas d’écrire un traité exhaustif et
fermé sur l’autisme, mais bien d’ouvrir à une conception plus large, plus ouverte,
moins restrictive, de l’autisme dans sa diversité.
En bref, Temple Grandin nous offre ici un
ouvrage particulièrement intéressant et très enrichissant. A travers
différentes thématiques, elle cherche à mettre en évidence le « mode de
fonctionnement » de la pensée autiste, tout en répétant sans cesse qu’il
ne faut surtout pas tomber dans l’écueil de la généralisation, car chaque
autiste est différent, chacun à ses propres particularité, sa propre
sensibilité, sa propre façon de penser. Elle cherche à briser l’image faussée
et stéréotypée que l’imaginaire collectif a désormais de l’autisme, mais
également à montrer les difficultés que les autistes - même ceux atteints des
formes moins sévères - peuvent rencontrer au quotidien, sans jamais tomber dans
le pathos. Elle-même ne considère pas son autisme comme une faiblesse, mais
comme une partie inhérente de son être, et elle va jusqu’à préciser que si elle
pouvait « en un claquement de doigt » se débarrasser de son autisme …
elle ne le ferait pas, car elle ne serait pas elle-même sans cela. Un livre
vraiment riche en enseignements !
Ce livre
a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus
d’explications sur cet article)
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