Editeur : Calmann Levy
Nombre
de pages : 192
Résumé : Comme d’habitude est la lettre d’amour d’une mère, Cécile
Pivot, à son fils de 22 ans, Antoine. Antoine est autiste. Elle lui raconte sa
petite enfance, quand elle savait que quelque chose n’allait pas mais prêchait
dans le désert, parce que ni le corps médical ni sa famille ne prenaient au
sérieux sa parole de mère. Jusqu’à ce jour, à la fois terrible et libérateur, où
les mots « troubles autistiques » ont été prononcés, enfin, par un médecin. Elle
lui raconte, en pleurant parfois, en souriant souvent, son combat, les erreurs.
Elle lui raconte les petits drames et les grandes joies, les colères et les
fous rires. Elle lui raconte comment elle l’a accompagné de son mieux dans sa
vie d’enfant, d’adolescent puis de jeune homme, sans jamais renoncer à vivre, à
aimer, à travailler.
- Un petit extrait -
« Pour vous comprendre, vous aider, vous aimer, nous sommes bien obligés, lorsque vous nous le permettez, d'emprunter vos chemins de traverse. La route est sinueuse, on n'en voit pas la fin, rien n'est indiqué et on se perd, ça monte, ça descend, c'est épuisant, c'est ingrat, ça ne ressemble à rien de connu, on trébuche, on se blesse, on se relève, on aimerait marcher sur du plat, mais les paysages que nous traversons sont d'un autre monde, étranges et beaux à la fois. »
- Mon avis sur le livre -
En ce jour de la Saint-Valentin, j’ai décidé
de vous parler d’une lettre d’amour - pour rester dans la thématique - un peu
particulière - parce que les romances et moi ne nous entendons pas
particulièrement. En effet, Comme d’habitude, avant d’être un témoignage - rôle qu’il joue cependant à merveille -
est une lettre d’amour d’une maman à son fils autiste. C’est d’ailleurs ceci
qui m’a fait choisir cet ouvrage parmi les dizaines et dizaines d’autres
témoignages de parents qui siégeaient sur les étagères de la bibliothèque. Ajoutez
à cela que le titre et la couverture m’avaient déjà fait de l’œil lors d’une
précédente Masse Critique Babelio (mais je n’avais pas été retenue …), et vous
comprendrez pourquoi je me suis laissée tenter par un énième témoignage de
maman d’enfant autiste (à savoir : ce n’est pas le dernier que vous allez
croiser, toutefois !).
Cécile Pivot s’adresse donc à son fils,
Antoine, âgé de 22 ans à l’heure où elle écrit ces quelques deux-cent pages.
Elle lui raconte ses premiers mois, ces longs et difficiles et éprouvants
premiers mois, lui qui était un bébé pleurant sans cesse, régurgitant sans
cesse, dormant à peine. Elle lui raconte son enfance, les difficultés
croissantes de scolarisation, les nombreux passages aux urgences pour des situations
toujours plus improbables - et qui pourraient être comiques dans un dessin
animé mais pas dans la vraie vie de parents débordés -, l’écart de plus en plus
important qui se creuse entre lui et les autres enfants de son âge … Elle lui
raconte comment il a fini par être diagnostiqué, les conséquences de ce
diagnostic sur la vie familiale … Elle lui raconte ses efforts, permanents,
pour être une « bonne mère » en dépit de la fatigue, du ras-le-bol,
du découragement. Elle lui dit à quel point elle l’aime, à quel point elle s’inquiète
pour lui, à quel point elle veut le voir heureux … Elle lui écrit ce livre,
cette lettre d’amour, qu’il ne lira probablement jamais.
La quatrième de couverture promet « un
livre vibrant d’émotion » : je ne peux que donner raison à cette
invitation de lecture. Cécile Pivot raconte tout, avec sobriété mais surtout
avec honnêteté : elle n’enjolive rien, elle n’omet rien. Elle admet bien volontiers
ses erreurs, cassant ainsi le mythe bien connu de la « super-maman d’enfant
autiste, forte et optimiste face à toutes les situations, qui par son lien
fusionnel avec le petit sauvageon parvient à faire exactement ce qui est bon
pour lui sans jamais se tromper ». Elle fait également part de ses
nombreuses phases de découragement, de doute, de désespoir, d’inquiétude. Elle
porte sa culpabilité comme un étendard, elle demande régulièrement pardon à
Antoine pour ses maladresses, mais aussi sa négligence, pour toutes les fois où
elle l’a consciemment et volontairement poussé à dépasser ses limites en dépit
de l’angoisse que cela faisait naitre chez lui … Ce livre est un concentré d’émotions
brutes, Cécile Pivot déverse sur le papier toutes ces années de silence, de
faux sourires, de crainte … C’est tellement fort qu’on devine presque à quels
moments elle pleurait face à son écran d’ordinateur, à quels moments un petit
sourire attendri accompagnait son travail d’écriture … On ne peut pas rester
insensible face à cet ouvrage.
Ouvrage qui, donc, ne se contente pas de
décrire l’enfance d’Antoine, ne s’arrête pas à la seule évocation des troubles
autistiques. Sont également évoqués les nombreux établissements, scolaires
comme spécialisés, qui ont accueillis Antoine, les différentes nounous, plus ou
moins compétentes, qui se sont succédées chez eux … Mais aussi les conséquences
du handicap d’Antoine dans la dynamique familiale : père qui nie le
diagnostic et finit par s’éloigner lorsque celui-ci s’imposera brutalement à
lui, petite sœur qui contrebalance inconsciemment le retard de son frère en
grandissant trop vite, grand-mère qui décide de ne pas s’arrêter à ce
diagnostic et agir comme si de rien n’était pour laisser Antoine vivre sa vie,
tout simplement … Cécile Pivot parle également des réactions de son entourage,
tantôt attentif, bienveillant et réceptif, tantôt indifférent voire méprisant.
Et surtout, elle se questionne : comment Antoine fera-t-il quand elle ne
sera plus là pour lui ? Comment parviendra-t-il à vivre, seul, dans ce monde
qui n’est pas adapté à lui, si elle n’est plus là pour le guider ? Et
comment feront toutes ces personnes avec autisme, le jour où elles seront
livrées à elles-mêmes ? Elle s’interroge sur notre société et sa capacité
à accueillir et à s’occuper de ces personnes différentes … Questions en suspens
que le lecteur est invité à faire siennes.
En bref, vous l’aurez compris, cet ouvrage m’a
énormément touchée. Bien plus qu’un simple témoignage sur l’autisme, ce livre
se fait le reflet de l’amour qui unit Cécile Pivot et son fils. Cet amour, il
est présent de la toute première à la toute dernière phrase, il est le fil
rouge de ce récit : l’auteur ne raconte pas l’enfance, puis l’adolescence,
puis l’entrée dans l’âge adulte d’Antoine selon un ordre chronologique, mais
multiplie les anecdotes, les rapprochements de situations … Et pourtant, pas
moyen de s’y perdre, on reconstitue très facilement le puzzle formé par ces
dizaines et dizaines de pièces que représentent ces chapitres éparpillés. Ce
livre m’a vraiment bouleversée, par sa simplicité peut-être, par sa sincérité
également. Cécile Pivot ne parle pas de son fils, elle lui parle, et voilà ce
qui fait toute la différence : derrière chaque phrase, un amour immense et
une tendresse incroyable se cachent, et c’est juste terriblement émouvant. Un
très beau livre, vraiment !
Ce livre
a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus
d’explications sur cet article)
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