samedi 16 janvier 2021

La folle rencontre de Flora et Max - Martin Page et Coline Pierré


La folle rencontre de Flora et Max, Martin Page et Coline Pierré

Editeur : l’école des loisirs
Nombre de pages : 200
Résumé : Lorsqu’elle découvre l’étonnante lettre de Max, Flora est à la fois heureuse et troublée, elle reçoit peu de courrier depuis qu’elle est en prison… Que peut bien lui vouloir ce garçon excentrique qui semble persuadé qu’ils ont des points communs ? Que peut-il partager avec une lycéenne condamnée à six mois ferme pour avoir violemment frappé une fille qui la harcelait ? Max ne tarde pas à révéler qu’il vit lui aussi enfermé. Il a quitté le lycée après une grave crise d’angoisse, depuis, il ne peut plus mettre un pied dehors et vit retranché chez lui, avec ses livres, son ordinateur, son chat gourmet et son ukulélé …

- Un petit extrait -
« Il y a beaucoup de choses qui m'échappent chez les humains (le fait qu'ils soient si peu humains principalement). [...] Je te disais que je ne supportais pas la violence physique. Mais je ne supporte pas davantage la violence psychologique des rapports humains habituels. La réalité est trop dure pour moi. J'ai l'impression que la vie quotidienne passe son temps à me tabasser.  »
- Mon avis sur le livre -

Il y a bien des années de cela, alors que je n’étais encore qu’une petite collégienne bien trop timide, qui passait plus de temps le nez plongé dans des romans qu’à échanger avec les autres élèves, j’ai tenté d’écrire en duo avec une amie rencontrée sur un forum de lecture. Autant vous dire que l’expérience n’a pas été très concluante : nos très nombreuses tentatives sont rapidement tombées à l’eau, et même si nous nous étions bien amusées à s’échanger des centaines de bouts de chapitres que nous collions les uns aux autres, force est de reconnaitre que nous n’étions pas prêtes pour cet exercice fort délicat. A partir de ce moment-là, mon respect pour les duos d’auteurs s’est transformé en profonde admiration : après avoir touché du doigt la difficulté qui se cache derrière l’écriture à quatre mains, je ne peux que m’incliner face à ceux qui réussissent là où nous avons lamentablement échoué … Alors, avant même de commenter plus en profondeur cet ouvrage : toutes mes félicitations à Martin Page et Coline Pierré !

Pour avoir violemment frappée l’élève qui la harcelait et la persécutait depuis le début de l’année scolaire, Flora est condamnée à six mois d’emprisonnement dans un établissement pénitentiaire pour mineurs. Depuis plusieurs mois maintenant, Max est tout simplement incapable de poser un pied dehors : agoraphobe, le jeune homme angoisse à la seule idée de sortir de chez lui. Jour après jour, semaine après semaine, ces deux adolescents vont s’échanger des lettres. Mot après mot, phrase après phrase, ils apprennent à se connaitre : ils confient à l’autre leurs rêves, leurs doutes, leurs peines, leurs peurs. Les petits et gros tracas du quotidien, les grandes questions sur le monde et sur la vie. Ils se réconfortent mutuellement, solidaires dans leur enfermement respectif. Parce qu’à deux, on est toujours plus forts pour faire face aux problèmes, pour trouver des solutions, pour croire que, peut-être, les choses s’arrangeront un jour …

Je dois bien le reconnaitre : j’étais plutôt hésitante à l’idée de commencer ce roman épistolaire. C’est un genre que je lis assez rarement, pour la simple et bonne raison que jusqu’à présent, aucun ne m’avait vraiment convaincue … J’ai l’immense honneur de vous annoncer que La folle rencontre de Flora et Max m’a quelque peu réconciliée avec l’épistolaire ! Car autant le dire tout de suite : j’ai tout simplement adoré ce livre ! J’ai bien sûr quelques petites choses à lui reprocher, en particulier le fait qu’il présente l’enfermement de Max comme un « choix volontaire » alors qu’on subit l’agoraphobie ou la phobie sociale – cela nous fait presque passer pour des fainéants qui se la coulent douce chez eux, alors que nous aimerions bien être capable de sortir sans faire de crise de panique, c’est très loin d’être une situation confortable ou enviable et je trouve ça un peu dommage que ça ne soit pas plus visible –, mais cela ne m’a nullement empêchée de savourer et d’apprécier toutes les pages de ce roman aussi bref que puissant.

J’ai été d’autant plus émue par ce livre que je me suis sentie très proche des deux personnages, et tout particulièrement de Max. Il faut dire que lui et moi avons bien des points en commun … Depuis maintenant cinq ans, ma phobie sociale s’est considérablement aggravée, et je ne sors plus de chez moi qu’en de très rares occasions : pour sortir me promener en forêt – en arpentant inlassablement les chemins les moins fréquentés pour être sûre de ne croiser personne – et pour voir divers thérapeutes jusqu’à présents incapables d’extirper de mon être les centaines de peurs qui m’empêchent d’avancer. Autant vous dire que l’histoire de ce jeune homme m’a beaucoup touchée, et que j’ai plus d’une fois hocher la tête pour approuver ses propos : je me reconnaissais vraiment dans ses mots, et c’est étrangement réconfortant de se sentir sur la même longueur d’onde qu’un personnage de fiction. Mais j’ai également des points en commun avec Flora : comme elle, j’ai été harcelée, et j’ai donc eu beaucoup de peine pour elle, qui n’a jamais été reconnue comme victime à cause de son explosion de violence qui a conduit sa tortionnaire à l’hôpital.

Vous l’aurez deviné en lisant ces quelques lignes : ce roman aborde des sujets très difficiles. Les troubles psychiatriques, le harcèlement scolaire, le milieu carcéral … C’est la vie dans tout ce qu’elle a de plus sombre, de plus impitoyable. Il y a l’injustice et l’hypocrisie, l’intolérance et l’indifférence. Et surtout, il y a la souffrance et la désespérance. Certains passages sont assez déchirants, car on s’attache tellement à deux nos jeunes héros qu’on a mal pour eux, qu’on est triste pour eux, qu’on a envie de hurler pour eux. Mais malgré tout, c’est un livre incroyablement lumineux, dont on ressort étrangement apaisé et joyeux. Flora et Max se réconfortent mutuellement, et réconfortent le lecteur par la même occasion. C’est parfois drôle, souvent émouvant, et toujours d’une douceur et d’une bienveillance inespérée. Leur amitié est si belle que j’en ai eu le souffle coupé : sans jamais s’être rencontré, ces deux jeunes à la fois si différents et si semblables semblent se comprendre comme s’ils se connaissaient depuis toujours. C’est un livre qui fait du bien, un livre qui redonne foi au lendemain …

En bref, vous l’aurez bien compris, en dépit d’un petit détail qui m’a quelque peu chagrinée, j’ai tout simplement adoré ce roman, qui se lit si vite qu’on se demande où sont passés les deux-cent pages. C’est un récit d’une simplicité inouïe, mais surtout d’une justesse fabuleuse : on a vraiment le sentiment que Max et Flora existent, quelque part, et que ce sont réellement eux qui se sont échangés ces lettres durant quelques mois. Cette impression d’authenticité est sans doute due au fait que les deux auteurs ont joué le jeu jusqu’au bout et ont véritablement entretenu cette correspondance épistolaire ! C’est un roman très profond, qui pose de grandes questions sur notre mode de vie, sur les rapports que nous entretenons avec nos semblables, sur le sens de l’existence … Flora et Max ont beaucoup de choses à nous dire, et beaucoup de choses à nous apprendre, et c’est un vrai délice que d’être le témoin privilégié de cette amitié naissante, de ces échanges qui rendent la vie un peu plus douce même dans les moments les plus durs. Un petit livre que je conseille donc bien volontiers, à découvrir quand on a besoin d’un peu de lumière pour affronter la sombre réalité …

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