Editeur : Gulf Stream
Collection : Electrogène - Historique
Nombre
de pages : 392
Résumé : Solange, 17 ans, court les bals parisiens.
Naïve, la tête pleine de rêve, elle se laisse séduire par Robert Maximilien et
accepte de l’épouser. Mais son prince est un tyran jaloux, qui ne la sort que
pour l’exhiber lors de dîners mondains. Coincée entre Robert et tante Emma, Solange
étouffe à petit feu. Heureusement Lili et Clémence sont là pour la soutenir.
Quand la première guerre mondiale éclate, Robert est envoyé sur le front. C’est
l’occasion pour Solange de s’affranchir de la domination de son mari et de
commencer enfin à vivre, dans une ville où les femmes s’organisent peu à peu
sans les hommes…
- Un petit extrait -
« Me taire est devenu une habitude, un mode de vie. Mon passé m’appartient. C’est un sac, un énorme sac fermé par une corde épaisse. Je ne peux pas le jeter, je ne peux pas l’oublier, mais je peux l’enfouir très profondément dans l’obscurité. »
- Mon avis sur le livre -
Depuis l’ouverture de ce blog, il y a de cela
environ un an et demi, j’ai appris une chose : il est tout aussi difficile
de rédiger la chronique d’un livre que l’on a adoré que celle d’un ouvrage qui
ne nous a pas plu. Je me trouve aujourd’hui dans le premier cas de figure :
j’ai tellement apprécié ce roman que j’ai peur de ne pas lui rendre hommage en
rédigeant mon avis. Parce que les mots sont décidément bien difficiles à
trouver et assembler lorsqu’il s’agit d’exprimer quelque chose de profondément
indicible : ce petit quelque chose qui fait battre notre petit cœur plus vite.
Parfois, il ne s’agit pas uniquement de faits littéraire facilement
identifiables, d’une bonne maitrise de la dramaturgie ou de la langue
française. Non, bien souvent, ce petit quelque chose n’est rien de bien définissable,
il est là, quelque part, sans que nous sachions où il se cache, ce qu’il est.
Alors je m’excuse par avance : cette chronique ne reflétera pas fidèlement
l’amour que je porte à ce livre, tout simplement parce que je suis incapable de
déterminer avec précision pourquoi je l’aime tellement.
1912. Solange, dix-sept ans, fuit un père
violent pour rejoindre sa meilleure amie Lili à Paris. Elle y rencontre la
douce Clémence, le mystérieux Aurélien qui lui offre un scarabée d’or pour lui
déclarer son amour, ainsi que le séduisant et charismatique Robert. Robert
Maximilien qui, à force d’invitations et de patience, finit par la convaincre de
devenir sa femme. Mais les rêves d’amour éternel et de sécurité de Solange s’effritent
bien vite : Robert est un homme jaloux, possessif, manipulateur, parfois
violent, qui attend d’elle une totale soumission et ne supporte pas la moindre
initiative de sa part. Lorsque la première guerre mondiale éclate et que Robert
s’en va, Solange réapprend peu à peu à vivre … mais parviendra-t-elle à trouver
le courage nécessaire pour prendre enfin sa vie en main ?
Contrairement à d’autres lecteurs, je n’ai à
aucun moment été agacée par l’attitude de Solange. Alors certes, elle est passive,
docile, presque servile … mais cela ne fait à mes yeux pas du tout d’elle un
personnage « fade » ou « sans personnalité » comme j’ai pu
le lire ici et là. Bien au contraire : c’est justement ce caractère effacé
qui fait de Solange une héroïne à la fois très originale et très réaliste. Là
où beaucoup d’ouvrages pour jeunes adultes proposent des protagonistes à la
personnalité affirmée, ce roman nous présente au contraire une jeune femme
fragile mais pleine d’espoir à laquelle on peut plus facilement s’identifier :
je me sens personnellement bien plus proche d’une Solange que d’une Katniss
Everdeen ! Solange est un personnage bien plus complexe qu’on ne peut le
penser au premier abord : son comportement n’est pas le signe d’une
faiblesse impardonnable mais le résultat d’un passé, d’une enfance, mais aussi
de rêves et d’aspirations qui n’attendent qu’un moment favorable pour devenir
réalité. On peut critiquer ces choix et sa passivité autant qu’on le veut, je
suis certaine qu’à sa place, on n’aurait pas forcément fait mieux. Je me suis
beaucoup attachée à Solange, qui me ressemble un peu, j’ai été touchée par sa
fragilité, mais aussi par son courage qu’on finit par remarquer au fil des
entrées de son journal intime, par sa sensibilité, sa douceur, par son
innocence fêlée mais toujours présente.
Mais cet ouvrage n’est pas uniquement l’histoire
de Solange. Ce roman prend place dans un contexte particulier : la première
guerre mondiale. Mais ce conflit est ici présenté sous un autre point de vue :
pas celui d’un poilu sur le front, mais celui d’une jeune femme à l’arrière, à
Paris. C’est l’époque des munitionnettes, ces femmes qui trament nuit et jour
dans des conditions de travail plus que dangereuses, pour un salaire plus que
dérisoire, afin de payer le loyer, nourrir les enfants, et aussi, en arrière-plan,
participer à l’effort de guerre. Elles vivent dans la peur permanente d’apprendre
la mort de leur père, leur mari, leur fils. J’ai énormément aimé la
correspondance entre Clémence et Pierre qui illustre à merveille cette inquiétude
constante, et surtout cette attente douloureuse : quand diable ce
meurtrier conflit prendra-t-il fin ? Mais c’est aussi l’époque où les
femmes commencent à s’élever contre le schéma patriarcal de la société :
elles ne veulent plus n’être considérées que comme de seules génitrices
destinées à enfanter puis élever des enfants, elles veulent montrer qu’elles
sont capables de bien plus et qu’elles aspirent à autre chose que d’être de
bonnes épouses et de bonnes mères. Nous sommes, finalement, en présence d’une
fiction presque documentaire : l’intrigue tournant autour de Solange et
ses amies s’inscrit dans un contexte historique précis, dans lequel le lecteur
est parfaitement immergé. J’ai particulièrement apprécié l’idée de l’auteur d’intégrer
des extraits de la presse de l’époque en débuts de chapitres, ainsi que celle
de faire intervenir des personnalités que nous connaissons aujourd’hui encore
(Marcel Proust, pour ne citer que lui) : cela ancre vraiment l’histoire
dans ce contexte et rend le récit bien plus réaliste qu’il ne l’était déjà !
En bref, vous l’aurez compris : les mots
me manquent pour exprimer à la fois la puissance de ce coup de cœur et ses
raisons. Il y a, sans hésitation, la plume de Charlotte Bousquet, toujours
aussi belle, toujours aussi fluide, elle touche le cœur et l’âme, elle fait
vivre des myriades d’émotions, elle transmet vraiment quelque chose. Il y a,
également, les personnages, leur diversité, leur complexité, leurs relations …
ils sont bien différents de ceux que l’on s’attend à trouver dans un ouvrage
destiné aux jeunes adultes, mais ils sont tellement « vrais »,
tellement humains, que c’est un crève-cœur que de les quitter à la fin du livre
(sauf Robert, lui, c’est un soulagement de ne plus en entendre parler) ! Il
y a cette histoire, celle d’une jeune femme en quête d’elle-même, intégrée dans
l’Histoire, que l’on découvre avec un regard presque neuf grâce au choix de l’auteur
de montrer « l’autre côté ». Et il y a, aussi, ce petit quelque chose
que je ne sais identifier mais qui a résonné en moi pour faire battre mon petit
cœur d’amour pour ce si joli roman à la tranche bleue, couleur liée au rêve, à
la sagesse et à la sérénité, écho de la vie, symbole de vérité et de loyauté …
Alors lisez ce livre, laissez-vous toucher par ce petit quelque chose caché au cœur
de ce roman !
Ce livre
a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus
d’explications sur cet article)
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