samedi 18 août 2018

Viralata : Le fils du caïman - Sébastien Acacia


Viralata : Le fils du caïman, Sébastien Acacia

Editeur : Faralonn
Nombre de pages : 260
Résumé : Chimio, hôpitaux, médecins… Un quotidien que Martin ne connait que trop bien. Dans quelques semaines, son passage dans ce monde touchera à sa fin. Comment supporter cette idée d’abandonner son fils, Antonin, atteint d’un autisme sévère ? Comment ne pas regretter de ne jamais lui avoir offert un frère ou une sœur sur qui compter sa vie durant ? Ces questions le torturent, jusqu’au jour où un mystérieux message lui parvient : il aurait eu un autre enfant de son tout premier amour lors d’une précédente vie au Brésil. Martin se lance dans une folle course contre la montre et part à sa recherche en Amazonie, espérant quitter ce monde le cœur en paix.

Un grand merci à Sébastien Acacia pour l’envoi de ce volume.

N.B. : Après quelques années en autoédition, ce livre est réédité en septembre 2020 par les éditions Faralonn !

- Un petit extrait -

« Les vagues cognaient à intervalles réguliers sur les flancs du bateau qui mouillait, immobile, au détour d’un bras de rivière. C’est sur ce rythme que lui offrait généreusement la nature que le jeune indien commença à battre la mesure sur la peau tendue de son instrument à percussion. Djuena ouvrit les yeux et entama un chant traditionnel dans sa langue natale, le Ticuna. Ni les insectes ni même le vent n’osèrent perturber la mystique de cette étrange liturgie. Celle qui venait tout naturellement de s’élever au rang de déesse de la forêt entama une danse subtile faite de petit pas suffisamment appuyés pour en entendre les impulsions sur le plancher et d’un léger balancement du corps de gauche à droite. Les mots qu’elle chantait résonnaient comme autant d’invitations à la transcendance et à la fascination. »

- Mon avis sur le livre -

Lorsque j’ai croisé le chemin du communiqué de presse de cet ouvrage, j’ai aussitôt été très intriguée par celui-ci … tellement intriguée que je n’ai eu aucune hésitation à l’idée de sortir de ma zone de confort, bien au contraire : j’avais terriblement hâte de commencer ma lecture ! J’étais fort curieuse : qu’allait donc me réserver cette « autobiographie fictionnelle » ? Par quelles émotions allait-elle me faire passer ? Jusqu’à quel point allait-elle me faire voyager ? J’étais bien loin de me douter de ce qui m’attendait : ce roman est incroyablement addictif, et je l’ai dévoré en deux soirées à peine, tellement j’avais envie, besoin, de savoir comment cette quête aux allures de road-trip de la dernière chance allait se terminer ! Je ne pensais pas une seule seconde que j’allais être tellement happée par ce tout petit roman si différent de ce que je lis d’ordinaire, je ne pensais pas une seule seconde qu’il allait me secouer à ce point …

Martin le sait : il ne lui reste plus beaucoup de temps à vivre. Il ne craint pas la mort, mais pourtant, il est terrifié. Une question le hante : qui s’occupera d’Antonin, son petit garçon de douze ans atteint d’une forme sévère d’autisme, lorsque sa femme aura elle aussi quitté ce monde ? Les remords le rongent : il regrette plus que jamais de ne pas lui avoir offert un frère ou une sœur qui aurait pu veiller sur lui lorsqu’Anne ne sera plus là à son tour. Alors, quand un mystérieux message lui affirme que Marcia, son premier amour, a eu un enfant de lui, il n’hésite pas une seule seconde : il s’envole pour le Brésil, dans l’espoir de retrouver celle qu’il a tant aimée il y a 18 ans et de rencontrer cet enfant, ce grand frère inespéré dont il ne sait rien. Malgré les douleurs causées par son cancer, malgré la souffrance entrainée par la séparation avec sa femme et son fils, malgré l’imminence de la fin qui le guette, Martin s’enfonce au cœur de la forêt amazonienne, bien décidé à survivre jusqu’à l’aboutissement de cette quête désespérée …

Au cœur de ce roman, il y a l’amour. L’amour infini d’un père pour son fils, pour ce petit garçon si différent des autres mais débordant d’amour, pour ce petit garçon perdu dans ce monde qu’il ne comprend pas et qui ne le comprend pas. Et de cet amour nait la peur, une angoisse sourde et douloureuse : qui s’occupera d’Antonin lorsque sa femme et lui ne seront plus là pour le faire ? C’est cette inquiétude, éprouvée par beaucoup de parents d’enfants porteurs de handicap, que l’auteur a placée au cœur de son intrigue : c’est cette crainte qui pousse Martin à effectuer ce voyage si éprouvant, autant physiquement qu’émotionnellement. Il ne peut se résoudre à laisser son fils, qui est parfaitement incapable de se débrouiller seul et le sera toujours, sans quelqu’un pour veiller sur lui. Alors, poussé par cet infime mais puissant espoir né d’un simple message d’une illustre inconnu, poussé par cet incroyable amour, Martin va tout faire pour retrouver ce fils dont il ne connaissait même pas l’existence. J’ai été bouleversée par cet amour inconditionnel, touchée par l’angoisse de ce père qui fait passer le bien-être futur de son enfant bien avant sa propre santé. C’est un roman incroyablement émouvant de ce point de vue !

Mais ce livre, c’est également un voyage … pour le personnage comme pour le lecteur. Un voyage au Brésil, au cœur de la forêt amazonienne. A travers ce roman, on ressent vraiment l’amour que l’auteur porte à ce pays : pour tout avouer, alors même que je déteste voyager, ce livre me donne presque l’envie de m’envoler pour l’Amazonie ! Mais le voyage que ce roman nous propose est loin d’être un voyage touristique : au fur et à mesure que Martin s’enfonce dans cette forêt tropicale, au fur et à mesure qu’il progresse dans sa quête, les souvenirs refont surface, et avec eux les questionnements, les doutes, les incompréhensions. Pour Martin, ce voyage sera le dernier : en revenant dans ce pays qui fut le sien durant des années, dans ce pays où il rencontra son premier grand amour, dans ce pays où naquirent ses deux fils, notre protagoniste renoue avec son passé, ferme la boucle. C’est également un voyage intérieur : toutes ses certitudes, basées sur un rationalisme exclusif, se voient balayées comme un château de cartes, au fil des rencontres, au fil des hasards … Philosophie, anthropologie et théologie sont très présentes dans cet ouvrage. On peut être d’accord avec les croyances et idées de Martin comme on peut ne pas l’être, ce n’est pas ce qui est important ici : l’important, c’est que les questions soient posées, que le lecteur soit invité, à son tour à réfléchir. J’ai pour ma part été très marquée par cette interrogation : n’est-ce pas de l’égoïsme que de vouloir donner naissance à un enfant dans ce monde où il ne pourra être heureux, où il ne fera que souffrir d’une façon ou d’une autre ? Je pense que c’est une question qui n’a pas fini de tourner dans ma tête …

Mais pourtant, ce livre, c’est vraiment une invitation à l’espoir. Cet espoir qui pousse Martin à avancer, qui brule au fond de lui et étouffe les assauts de découragement. En dépit de toutes les embuches qui se dressent sur son chemin, de toutes les complications qui semblent menacer sa quête, Martin ne désespère pas. Il ne désespère pas car il est soutenu par une ribambelle d’individus, dont la bonté, la bienveillance, l’altruisme, l’abnégation, redonnent foi en l’humanité. Le voyage de Martin est parsemé de belles rencontres : chaque sourire échangé est une force, et il ne fait aucun doute que notre héros ne serait jamais arrivé au bout de sa quête sans l’aide de Weena, de Djuena et des autres. Martin a accordé sa confiance à cette parfaite inconnue qui lui a annoncé par message qu’il avait un fils au bout du monde, il a accordé sa confiance à toutes les personnes qu’il a croisées au cours de son périple, parce que seul il n’est rien. Ce roman, c’est vraiment une invitation à l’ouverture aux autres, nous qui vivons dans une société où nous sommes profondément centrés sur nous-mêmes. Il suffit parfois d’un mot, d’un geste, d’un regard, pour illuminer la journée de quelqu’un … Il suffit de bien vouloir lever la tête et entrer en contact avec autrui …

En bref, vous l’aurez compris, ce livre m’a énormément émue. Peut-être est-ce parce que je suis grande sœur d’un plus-si-petit garçon autiste, et que je sais donc à quel point son futur préoccupe mes parents, que je sais qu’un jour viendra où se sera à moi de veiller sur lui. Peut-être est-ce parce que j’ai toujours été passionnée par les croyances et coutumes des tribus amazoniennes … Toujours est-il que ce roman, si différent de mes lectures habituelles, m’a vraiment captivée. Il y a ce sentiment d’urgence qui nous pousse à tourner page après page, de la même manière que Martin se rapproche pas après pas de cet enfant inconnu. Il y a ces émotions, si puissantes, qui semblent décuplées par l’environnement mystique dans lequel Martin évolue. Il y a cette poésie des mots, qui transporte le lecteur au cœur de cette forêt : il suffit de fermer les yeux pour voir, entendre, sentir, percevoir. Quel beau livre, quel beau livre !


Ce livre a été lu dans le cadre du Challenge de l’été 2018
(plus d’explications sur cet article)

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