mercredi 18 octobre 2017

Ma vie de Bacha Posh - Nadia Hashimi



Ma vie de Bacha Posh, Nadia Hashimi

Editeur : Castelmore
Nombre de pages : 308

Résumé : La famille d’Obayda aurait bien besoin d’un peu de chance : depuis l’accident de leur père, la vie dans la campagne afghane n’est pas facile pour la fillette de dix ans et ses soeurs. La tante d’Obayda a une idée pour leur porter bonheur : transformer la fillette en bacha posh, c’est-à-dire la faire passer pour un garçon. D’abord désemparée, Obayda – désormais appelée Obayd – devient amie avec Rahim, une autre bacha posh. En sa compagnie, elle va découvrir la liberté…




Un grand merci aux éditions Castelmore pour l’envoi de ce volume  et à la plateforme Livraddict pour avoir rendu ce partenariat possible.

- Un petit extrait -
« Transforme Obayda en garçon. Un fils dans la maison porte bonheur. Ton mari va retrouver le sourire. Ensuite, vous pourrez envisager de faire un autre bébé. Une bacha posh apporte une énergie masculine dans le foyer. Le prochain enfant sera un garçon. Et une fois que tu auras un véritable fils, ce sera le jour et la nuit, tu verras. Ton mari va retrouver le goût de vivre. J’ai vu les bienfaits de cette transformation dans notre entourage. Ce n’est pas de la magie, mais ça marche. Et Obayda pourra alors redevenir une fille. Tout le monde y gagne. »
- Mon avis sur le livre -

Cela n’était absolument pas volontaire de ma part lorsque j’ai établi ma pile à lire mensuelle, mais le hasard a voulu que je lise d’affilée deux romans évoquant la condition féminine. D’abord Là où tombentles anges, qui aborde le quotidien des femmes françaises au début du 20ème siècle, et ensuite Ma vie de Bacha Posh, un contemporain à destination de la jeunesse - mais pas seulement ! - qui parle d’une tradition afghane peu connue mais plus répandue qu’on ne peut le penser : afin d’apporter chance et prospérité à une famille, on « transforme » une petite fille en petit garçon jusqu’à la puberté. Très honnêtement, je n’avais jamais entendu parler de cette coutume auparavant, mais je compte bien, désormais, chercher d’autres ouvrages abordant cette thématique qui m’intéresse grandement (à commencer par La perle et la coquille de la même auteure) !

Obayda a dix ans, trois sœurs ainées, un père unijambiste depuis peu qui ne sort plus de sa chambre depuis l’accident … et une tante un peu trop invasive qui semble considérer que c’est à elle qu’il revient de tout décider dans la maisonnée. Alors, quand cette dernière propose qu’Obayda devienne une bacha posh, c’est-à-dire une fillette qui endossera le rôle d’un garçon afin d’attirer chance et bonheur sur la famille jusqu’à sa puberté ou la naissance d’un garçon, nul ne s’y oppose hormis Obayda elle-même. Elle aime être une fille, danser, porter les robes que ses sœurs ont endossées avant elle … Ce n’est qu’après avoir fait la connaissance de Rahim, une autre bacha posh, qu’Obayd(a) saisira l’opportunité qui s’offre à lui/elle : libérer des interdits qui pèsent sur les filles, Obayd va s’épanouir et dépasser ses limites … jusqu’à désirer ne plus jamais avoir à reprendre son identité première.

Comme je le disais déjà plus haut, à mes yeux, ce roman fait partis de ceux qui peuvent se lire à tout âge : s’adressant autant aux enfants qu’aux adultes, Nadia Hashimi tient avant tout à sensibiliser à l’inégalité entre les hommes et les femmes … en Afghanistan, mais pas uniquement. En effet, si au premier abord elle semble avant tout dénoncer la différence de droits entre une petite fille afghane et un petit garçon afghan - les seconds auront le droit de rester dehors après l’école, d’être exemptés de corvées et de manger les meilleures parts de viande lors des repas -, on remarque très facilement qu’elle ne s’arrête pas là. Elle dénonce également la dévalorisation systématique des filles dans nos sociétés : lorsqu’on dit d’un garçon « qu’il court comme une fille », cela n’a rien de valorisant ni pour le garçon ainsi qualifié ni pour les filles ! 

A force de faire croire aux petites filles, par de petites remarques qui passent inaperçues, qu’elles n’ont pas les capacités suffisantes pour égaler voire dépasser les petits garçons, elles finissent par y croire et, n’osant pas se lancer, ne pourront ainsi jamais prouver le contraire ! Et voici le serpent qui se mord la queue continuellement, jusqu’à ce que s’installe durablement dans l’imaginaire collectif cette différenciation. La transformation en bacha posh, qui ne consiste finalement qu’à un changement de prénom, de coupe de cheveux et de vêtements - rien d’officiel donc -, permet à la petite fille devenu aux yeux de la société petit garçon de prendre de l’assurance … et de faire éclater au grand jour les capacités qu’elle possédait déjà sans pouvoir les montrer en tant que petite fille ! Si on faisait pareil en France, aucun doute que la même chose se passerait, puisqu’un enfant se construit en grande partie sous le regard des adultes qui lui servent autant de modèles que de juges, et si le regard de ces adultes changeait brusquement grâce à cette transformation factice (finalement), et bien cet enfant se construirait différemment, porté par ce regard.

Bien évidemment, pour le jeune lecteur, l’objectif n’est pas de voir aussi loin ! Ce roman lui permettra de saisir le fossé qui existe entre notre culture et la culture afghane, où les légendes prennent corps dans le quotidien sous forme de coutumes et de traditions qui peuvent nous sembler étranges au premier abord, mais aussi de toucher du doigt l’inégalité entre les hommes et les femmes dans ce pays lointain … ce qui est déjà une première étape vers la mise en évidence d’une inégalité entre les hommes et les femmes dans le monde d’aujourd’hui. Mais pour un jeune lecteur d’une dizaine d’années, ce roman est également une belle histoire d’amitié : Obayd et Rahim, liés par leur condition commune, par leur secret commun, par leur rêve partagé, forment un duo que l’on prend plaisir à suivre. Ces deux personnages sont déjà très attachants individuellement, et ensembles, ils sont tout simplement irrésistibles : une amitié pareille, cela fait rêver. Cette histoire, c’est également celle d’une famille brisée par un accident, chamboulée par ce bouleversement qui ébranle jusqu’aux relations entre les quatre sœurs, mais liée par un amour si fort que rien ne pourra abattre. C’est pour sa famille qu’Obayda accepte la transformation en garçon … mais pour sa famille également qu’Obayd finira par se résoudre à redevenir une fille. Il faut montrer aux enfants d’aujourd’hui la puissance de l’amour familial !

En bref, ce roman est une vraie petite perle : des personnages fascinants et attachants, une histoire riche et touchante, et surtout une plume particulièrement émouvante et élégante … Tout cela contribue à faire de ce livre un récit à la prose accessible aux plus jeunes sans être ennuyante pour les plus grands, un récit dynamique qui se lit facilement et rapidement tout en restant captivant. Un juste milieu a été trouvé pour que cet ouvrage puisse plaire à tous les âges, aux filles comme aux garçons, aux grands dévoreurs de romans comme aux petits grignoteurs occasionnels … C’est un livre qui peut parler à tout le monde, à ceux qui souhaitent découvrir une autre culture comme à ceux qui s’intéressent à la condition féminine dans le monde, à ceux qui désirent s’évader dans une lecture douce et sans prise de tête comme à ceux qui aiment prolonger leur lecture par une réflexion … En clair, vous l’aurez compris : offrez-vous ce livre et offrez-le autour de vous sans hésitation !

Ce livre a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus d’explications sur cet article)

3 commentaires:

  1. En jeunesse, j'ai lu il y a plus de 15 ans "Parvana, une enfance en Afghanistan" qui traite aussi des Bacha Posh que j'ai appris à découvrir à cette occasion. Je ne connais pas ce livre qui a l'air effectivement de ressembler beaucoup à La perle et la coquille de la même auteure, que je te recommande.

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    1. Un grand merci pour la référence, je me note "Parvana, une enfance en Adghanistan" quelque part !
      Pour "La perle et la coquille", si j'ai bien compris, on retrouve le personnage de Rahim(a), donc ceci explique surement la ressemblance entre ces deux ouvrages !

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    2. Oui c'est ça, Rahima est la narratrice de la Perle et la coquille ! Bonne lecture !

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