Editeur : Scrineo
Nombre de pages : 317
Résumé : Depuis que ses parents sont morts et que Kay, son meilleur ami, a été enlevé par les Glacés, Sanna se réfugie dans ses souvenirs pour se protéger du désespoir. Quand tout allait bien, quand Kay était encore là, quand le soleil brillait et que ses rayons réchauffaient le cœur. Lorsque Rahil, la grand-mère de Kay, meurt à son tour, Sanna se retrouve seule. Elle décide alors de partir à la recherche de son ami disparu. Après tout, qu’a-t-elle à perdre ? Il ne lui reste plus rien. Pour la jeune fille, c’est le début d’un long voyage semé d’embûches et de rencontres, parfois improbables, parfois inquiétantes… Qu’y a-t-il au-delà des montagnes et du bouclier climatique érigé par les Glacés ? Kay se trouve-t-il là-bas ?
Un grand merci aux éditions Scrineo pour l’envoi de ce volume et à Christine Féret-Fleury d’avoir pensé à moi.
« Simplement, mon cerveau refusait la réalité. Et je ne crois pas que c’était à cause de mon âge : beaucoup d’adultes réagissaient de la même manière. Cela faisait des années qu’ils savaient. Des années qu’ils parlaient de préserver la planète sans rien changer à leurs habitudes, des années que les plus grosses entreprises préféraient payer des amendes plutôt que de cesser de polluer les fleuves et les océans, des années qu’au mot « écologie » on opposait automatiquement les mots « préservation de l’emploi », « croissance » et « compétitivité ». Des années passées, pour certains, à se remplir les poches, vite, vite, il fallait faire un maximum de fric avant la catastrophe. Et nous y étions. En plein cœur de la catastrophe. »
Cela peut sembler surprenant de la part d’une blogueuse littéraire qui écrit pour conseiller (ou déconseiller, parfois) des livres aux potentiels lecteurs, mais je ne lis jamais d’avis de lecteurs avant de commencer un livre … Je veux pouvoir profiter de ma lecture sans aucun a priori, sans aucune attente ni réticente, sans aucune influence extérieure. Mais il y a bien une chose que je ne peux m’empêcher de voir, parce que je n’ai aucun moyen de le masquer : les notes sur les divers sites littéraires que je fréquente. C’est d’autant plus difficile d’en faire abstraction sur Livraddict que la note moyenne est accompagnée d’un code couleur : même en tentent de détourner le regard, impossible d’empêcher ce petit carré coloré de s’imprimer sur votre rétine et de vous indiquer le ressenti des autres lecteurs … Autant vous dire qu’au vu de la note que la plupart des lecteurs donnait à ce livre, j’étais tout de même un tantinet inquiète au moment de le débuter, mais ce livre confirme encore une fois que je ne suis jamais comme les autres, car j’ai globalement bien apprécié, hormis quelques petits détails dont je vous parlerai plus bas …
Ce qui devait advenir arriva : après des années durant lesquelles la sécheresse s’installait toujours plus, après des années durant lesquelles les épidémies se multipliaient, après des années durant lesquelles les animaux s’éteignaient, la terre n’est plus qu’un cimetière à ciel ouvert. Parqués dans des « cités d’habitation » surveillées par des drones, les survivants se tuent à la tâche dans les mines pour gagner quelques rations alimentaires, pour garder un toit au-dessus de la tête. Trop épuisés pour réfléchir, trop épuisés pour se révolter, trop épuisés pour rêver, trop épuisés pour espérer. Depuis la disparition de Kay, son meilleur ami d’enfance, Sanna se raccroche à ses souvenirs pour ne pas sombrer entièrement dans le désespoir, elle se raccroche à cette certitude inébranlable malgré les années : Kay est vivant, quelque part, dans cette cité entourée d’une barrière climatique où vivent les Glacés. A la mort de Rahil, la grand-mère du jeune homme, Sanna n’a plus rien à perdre : malgré les interdictions, malgré les dangers, elle s’en va tenir la promesse qu’elle a faite à la vieille dame. Elle s’en va chercher Kay, retrouver Kay.
Dans l’imaginaire collectif, l’effondrement se confond avec l’apocalypse : nous imaginons une terre ensevelie sous la lave déchainée, nous imaginons une terre ravagée par les ouragans enragés. La fin du monde est perçue comme un retour au chaos des origines : ne parlons-nous pas du « Big-Bang » pour évoquer les premiers instants de l’univers ? Dans le monde post-apocalyptique de Christine Féret-Fleury, point de tout cela : c’est le silence qui s’est abattu sur la Terre, la désolation dans tout son dépouillement. Plus un bruit : les oiseaux ne chantent plus, ils sont tous morts, le vent ne soufflent plus dans les feuilles des arbres, ils sont tous morts, les hommes ne grouillent plus de partout, ils sont tous morts. Ou pas loin de l’être. Le cœur des hommes est aussi aride que cette Terre qu’ils creusent avec leurs ongles pour en extraire quelques misérables éclats de métaux rares, pour mériter cette insipide bouillie qu’on leur distribue comme on donnait du grain au bétail. Ils sont morts de l’intérieur, ces hommes, ces femmes et ces enfants qui triment du matin au soir pour ensuite s’enfoncer dans un sommeil si profond qu’aucun rêve ne peut plus s’y glisser. Les rêves … nul ne sait plus ce que cela veut dire.
Car contrairement aux dystopies « ordinaires », celles qui abreuvaient le marché de la littérature young-adult ces dernières années, nulle révolte ne gronde dans le cœur ou l’esprit des hommes. Ni même dans celui de notre jeune héroïne, Sanna. C’est quelque chose qui semble lui être reproché par nombre de lecteurs, sa passivité … C’est si facile, de reprocher à un personnage fictif nos propres vices. Si facile, de lui cracher dessus parce qu’elle ne fait rien pour que ça change, alors que nous sommes exactement comme elle. Pire qu’elle, même, car contrairement à elle qui ne fait que subir, nous avons encore le pouvoir d’agir. Nous pouvons encore éviter un tel sort à Sanna, cette pauvre innocente qui représente tous les gosses innocents à venir, tous ceux que nous condamnons à survivre dans une telle désolation. Mais nous ne le faisons pas. Parce que nous aimons notre petit confort, notre petite vie de loisir, notre oisiveté : bien sûr, nous voulons bien penser à éteindre la lumière en sortant d’une pièce, mais arrêter de prendre l’avion pour aller tremper les pieds dans une mer lointaine (alors que nous pourrions nous contenter du magnifique lac à 2 kilomètres de chez nous), hors de question ! Sanna est la victime de notre inaction, de notre passivité, de notre égoïste. Une victime innocente et fragile qui paie par sa douleur et sa solitude notre culte du loisir et de l’argent, notre mépris de la terre et de ses habitants futurs …
Et voici que Sanna, elle, est prête à risquer tout ce qui lui reste, c’est-à-dire cette vie, certes misérable mais précieuse, comme toute vie, pour honorer une promesse. Et cette promesse est désormais sa seule et unique raison de vivre. On peut y voir une sorte de fuite, de déni de la réalité, je préfère y voir un acte d’amour, d’amitié et de courage. De dévouement. De loyauté. Sanna laisse derrière elle tout ce qu’elle connait pour s’enfoncer dans l’inconnu le plus total, mais surtout dans l’incertitude la plus profonde : elle ne sait pas ce qu’elle va trouver derrière l’horizon, elle ne sait pas s’il reste quelque chose à trouver. Kay est-il encore en vie ? Se souvient-il d’elle ? Tandis que Sanna affronte mille et un dangers pour son ami d’enfance, le lecteur ne peut s’empêcher de redouter le pire : on le sent, celui que Sanna cherche n’est plus. On ne sait forcément comment ni pourquoi, mais on sait au plus profond de nous-mêmes que la pauvre enfant court après un mirage, et que lorsqu’elle le rattrapera, une terrible réalité s’imposera à elle et la brisera de l’intérieur. Chaque mésaventure qu’elle traverse, chaque nouvelle déception, chaque nouveau péril qu’elle affronte, nous rappellent que les contes de fées sont bien plus cruels que nous ne voulons bien nous l’admettre …
Voici d’ailleurs le premier point « négatif » que je reproche à ce livre que je trouve par ailleurs touchant et poignant : la monotonie du schéma narratif. C’est toujours la même trame : Sanna quitte un endroit, est recueillie par quelqu’un, s’y sent en sécurité, se découvre en danger, quitte ce nouvel endroit, pour être à nouveau recueillie par quelqu’un, et ainsi de suite. C’est un peu dommage que ça soit si répétitif, car cela efface tout effet de surprise : au bout de deux péripéties de cette sorte, nous savons parfaitement à quoi nous attendre par la suite … Mais d’un autre côté, nous ressentons ainsi la même lassitude que Sanna, nous nous rapprochons un peu plus d’elle par cet « ennui » qui s’installe progressivement. Et c’est aussi parce que nous avons le sentiment de tourner en rond que nous n’avons que plus encore envie de découvrir le fin mot de l’histoire, de savoir ce qui se cache réellement dans la cité des Glacés, de savoir qui est réellement cette Reine des neiges dont Sanna aimait tant le conte quand elle était petite fille. Et je dois avouer que c’est là que cela pêche à mes yeux : cette fin me laisse sur ma faim. Elle est à la fois trop convenue, prévisible, et trop décousue, expéditive. Elle aurait méritée d’être plus approfondie pour être plus captivante, plus marquante …
En bref, vous l’aurez bien compris, contrairement à la plupart des lecteurs, j’ai plutôt bien apprécié ce récit en dépit de cette fin un peu trop précipitée. L’autrice nous plonge dans un futur pas si lointain, un futur qui pourrait bien être le nôtre ou celui de nos enfants si nous ne faisons rien. Elle nous présente une jeune héroïne tout ce qu’il y a de plus humain : c’est juste une adolescente livrée à elle-même, qui puise dans une amitié passée la force de continuer à vivre. C’est un roman qui mise sur la simplicité plus que sur l’originalité, sur la sobriété plus que sur la singularité : on se sent d’autant plus proche de Sanna qu’il ne lui arrive rien de bien extraordinaire, seulement des situations que nous n’avons aucun mal à nous représenter. Elle ne s’apprête pas à mener une révolution, elle veut juste retrouver son ami : en cela, elle m’a vraiment énormément touchée et impressionnée, car même lorsqu’elle trouve un refuge sûr, elle préfère replonger au cœur du danger pour mener à bien cette quête. Mais j’ai beau avoir personnellement aimé ce roman, je peux non seulement comprendre ce qui a tant dérangé les autres lecteurs, mais aussi prédire qu’il ne plaira pas à tous les lecteurs : il faut aimer les récits plutôt contemplatifs pour se laisser entrainer par la route de Sanna …
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