Editeur : Pocket jeunesse
Nombre de pages : 225
Résumé : Quel avenir peut avoir une petite fille de six ans, aveugle, sourde et muette? Les parents d'Helen sont désespérés jusqu'au jour où Ann Sullivan arrive chez eux pour tenter d'aider Helen à sortir de sa prison sans mots, ni couleurs ni sons. Les premiers échanges sont houleux, mais la persévérance d'Ann, l'intelligence et le désir d'apprendre d'Helen parviennent à vaincre l'impossible.
« La petite fille, qui ne voyait pas, n'entendait pas et ne parlait pas, mais qui avait appris pourtant beaucoup plus de choses que la plupart des enfants de son âge, était maintenant connue dans tous les pays. Les gens ne s'attendrissaient pas, ils n'éprouvaient pas à son égard une pitié larmoyante, mais bien plutôt une admiration totale et entière. Helen était une preuve vivante de la toute-puissance de l'esprit humain. »
Dans les années qui suivirent la naissance de mon petit frère, lorsque j’étais amenée à me présenter aux enfants de mes nouvelles écoles, je répétais inlassablement le même petit laïus : « Je m’appelle Marie, j’ai 7/8/9 ans et j’ai un petit frère handicapé ». Les problèmes, tant physiques que psychiques, de mon petit frère occupaient une place tellement envahissante dans le quotidien de notre famille que je me définissais exclusivement par rapport à eux : je n’étais pas « une grande sœur », j’étais « une grande sœur d’enfant handicapé ». C’est ainsi que j’ai décrété que je ne pourrais pas devenir autre chose qu’une éducatrice spécialisée, et que j’ai demandé à mes parents de m’acheter le plus de livres sur le handicap, sur les handicaps, possibles. J’étais bien décidée, à travers mes lectures, à devenir une spécialiste du handicap, des handicaps, afin d’être fin prête « quand je serai grande ». C’est à ce moment-là que j’ai découvert L’histoire d’Helen Keller, et ce livre a été un tel électrochoc, une telle révélation, qu’il fallait absolument que je le relise maintenant, à l’âge adulte, car il a eu une grande importance dans mon enfance.
A la suite d’une congestion cérébrale survenue alors qu’elle n’avait que deux ans, la petite Helen, six ans, est devenue aveugle, sourde et muette. Désemparés, désespérés, ses parents décident toutefois de s’en remettre aux conseils d’un des nouveaux docteurs rencontrés au fil des années, et font venir chez eux la jeune Ann Sullivan dans l’espoir que cette dernière puisse sortir Helen de ses ténèbres. Jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, en dépit des colères de la fillette à qui ses parents n’avaient jamais imposé la moindre contrainte, malgré les difficultés, la jeune femme parvient à apprendre à sa protégée l’alphabet manuel, lui permettant de communiquer avec son entourage ébahi de sa transformation : où est donc passé la petite sauvageonne qui devenait peu à peu un danger pour les autres et pour elle-même ? Avide de connaissance, l’enfant emmagasine inlassablement tout ce que son institutrice lui apprend : la lecture des lettres à relief, puis du braille, puis l’écriture … et un jour, Helen se l’est promis, elle apprendra aussi à parler !
Imaginez à quoi pouvait bien ressembler la vie d’une petite fille aveugle, sourde et muette dans l’Amérique des années 1880 … Imaginez aussi le désarroi de ses parents, incapables de communiquer avec leur enfant, persuadés qu’Helen n’a aucun avenir et qu’il vaut mieux l’envoyer dans une institution spécialisée avant qu’elle ne devienne un danger mortel pour sa petite sœur. Car Helen ne comprend pas pourquoi son ancien berceau, dans lequel elle installait sa poupée, est désormais occupé par une petite chose gesticulante qui accapare toute l’attention de sa maman à sa place. Prisonnière de son propre corps, l’enfant est régulièrement prise de terribles accès de colère, seuls moyens pour elle d’exprimer son mal-être, son incompréhension, son ras-le-bol : dans son esprit qui ne connait pas les mots, Helen ressent un manque profond. On éprouve beaucoup de peine pour la Helen des premiers chapitres, pour cette enfant isolée à l’intérieur d’elle-même, mais aussi pour ses parents, qui l’aiment profondément mais sont convaincus qu’ils ne pourront jamais aider leur fille ainée. Dans leur découragement, on retrouve celui qui hante tous les parents d’enfants plus ou moins lourdement handicapés, qui ne savent plus que faire pour aider leurs enfants …
Mais, ainsi que le demande Ann Sullivan, cette véritable héroïne de l’ombre, aux parents d’Helen, le lecteur est rapidement invité à ne plus jamais penser à Helen comme une « pauvre petite ». Car Helen a en elle des facultés insoupçonnées jusqu’alors, une intelligence hors-norme et une volonté hors du commun : guidée par celle qu’elle appellera toujours « Maitresse », la petite fille enfermée dans les ténèbres et le silence va apprendre l’alphabet manuel. Pendant toute sa vie, la main d’Helen sera rivée à celle d’Ann, qui peut ainsi lui décrire, lui traduire, tout ce qu’elle voit et entend. Il y a dans ce livre un passage absolument extraordinaire, à ce moment bien précis où le miracle opère, où Helen comprend que telle combinaison de tapotements dans la paume correspond à une chose (en l’occurrence, de l’eau). J’ai eu les larmes aux yeux au moment où Helen prend conscience que tout a un nom, tout a un sens, où elle comprend que l’Etrangère ne lui veut pas de mal mais au contraire tout le bien du monde. A partir de là, Helen vouera une admiration sans faille à son institutrice et amie, tandis qu’une soif infinie d’apprendre se glisse en elle. Ce n’est pas le seul moment émouvant, mais c’est clairement celui qui me bouleverse le plus à chaque fois !
Cette histoire, cette biographie, c’est donc l’histoire incroyable d’une petite fille, d’une jeune fille, d’une femme qui ne s’est jamais apitoyée sur elle-même, qui n’a jamais baissé les bras devant une difficulté, même aussi grosse qu’un handicap si important que le sien. C’est une histoire de courage, mais aussi de confiance : les parents ont fait confiance à Ann Sullivan, qui a son tour a fait confiance à la petite Helen. Et Helen a mis toute sa confiance en Ann : elle la suivait littéralement au bout du monde, grimpait aux arbres à ses côtés sans rien y voir, se glissait dans un train avec elle sans rien entendre du brouhaha des machines. Et Ann n’a jamais abandonnée sa petite protégée, allant même jusqu’à s’abimer les yeux déjà bien fragiles en lisant inlassablement les manuels de cours d’Helen quand celle-ci se préparait à entrer à l’université. Entrer à l’université, sans rien y voir ni y entendre ! Entrer à l’université, en ayant appris à parler sans rien voir et rien entendre ! Après avoir plaint Helen, on l’admire. On l’admire comme tant d’autres l’ont admiré avant nous : Helen a été la femme la plus célèbre du monde pendant bien longtemps, à la fois pour son courage incroyable et pour sa générosité inouïe. Tout comme Ann qui a tout donné pour elle, Helen a tout donné pour aider les autres enfants dans sa situation. Quelle grande dame, mais quelle grande dame !
En bref, vous l’aurez bien compris, c’est vraiment un ouvrage puissant : malgré sa brièveté, puisqu’il est avant tout destiné au jeune public, il nous relate avec sobriété et clarté l’extraordinaire vie d’Helen Keller. Il y a les moments difficiles, bien sûr, ceux qui nous serrent la gorge et nous donnent envie de pleurer de dépit avec Helen ou avec Ann, mais il y a aussi et surtout les petites et grandes victoires. C’est un livre particulièrement lumineux, porteur d’espoir et de bonheur : Ann a « entrainé une petite fille hors des ténèbres et lui a donné le monde », sans jamais la décourager, sans jamais lui affirmer qu’elle ne « pouvait pas » faire ceci ou cela à cause de son handicap. Et alors, Helen a croqué la vie à pleines dents, elle a mis toute sa force et son être, tout son cœur et toute son âme, au service de ceux qui n’avaient pas eu, comme elle, la chance de trouver sur son chemin une Ann Sullivan. Car ce livre, c’est aussi l’histoire de cette éducatrice dévouée, que tout le monde oublie alors qu’Helen affirme que sans elle, elle ne serait assurément jamais devenue cette dame que tous admirent. Clairement, en relisant ce livre, j’ai compris pourquoi il m’avait tant plu dans mon enfance : il est magnifique !
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