Les descendants
Editeur : Gulf Stream
Nombre de pages : 177
Résumé : Melvin vit depuis toujours aux Grands Saules. Il l’aime, son village, avec sa jolie rivière et ses bois comme refuge. Mais depuis quelque temps, cette quiétude laisse place aux difficultés : les récoltes pourrissent et des animaux sont empoisonnés … De plus, le garçon est assailli par d’étranges visions dont il ne saisit pas le sens, alors qu’une puissance ancienne gronde en lui. Et il n’est pas le seul. Trois autres adolescents du village, Jade, Théo et Inaya, s’éveillent à la magie. Ils vont devoir agir, et vite, car l’ombre d’un ennemi invisible s’étend sur les Grands Saules …
Un grand merci aux éditions Gulf Stream pour l’envoi de ce volume.
« — Je voudrais tellement t’aider.
Comme s’il avait compris, le chevreuil se détend, imperceptiblement. De nouveau, Melvin sent monter en lui la puissance de la sève et des arbres. Spontanément, il pose ses paumes contre le corps de l’animal, puis ferme les yeux. Ses paumes le brûlent. L’énergie de la terre le traverse et s’infiltre dans le cervidé, répandant sa chaleur et sa lumière en lui. Sous ses mains, le chevreuil reprend des forces. Sa respiration redevient régulière. Sa peau retrouve de la souplesse et son pelage beige, un éclat brillant. Soudain, il frémit. Une seconde plus tard, il a bondi, vif comme l’éclair, hors de sa vue. »
Les saules et moi, c’est une grande histoire d’amour qui a débuté alors que je n’avais que sept ou huit ans. Je fréquentais à cette époque-là un centre équestre merveilleux qui a su calmer en moi la petite sauvageonne asociale pour me transformer en petite cavalière plutôt bien intégrée dans le petit groupe. Et c’est ainsi que chaque samedi, après notre cours et les corvées d’écurie, nous nous égayions joyeusement dans le domaine « sauvage » du centre, pour rejoindre ce que nous appelions alors avec grandiloquence « notre Ile ». Il ne s’agissait ni plus ni moins que l’autre rive du petit ruisseau, que nous traversions à l’aide de l’échelle du directeur (que nous avions « emprunté » en toute « discrétion », persuadés qu’il n’avait rien remarqué, naïfs que nous étions), mais à nos yeux d’enfants, c’était un lieu magique. Une petite clairière entourée de saules, qui nous rendaient « invisibles » aux adultes et nous protégeaient du soleil et de la pluie : que nous les aimions, ces arbres majestueux qui semblaient veiller sur nous ! Autant vous dire que le seul titre de cette saga, Les enfants des Saules, a fait renaitre de jolis souvenirs en moi …
La vie est douce et tranquille, aux Grands Saules … ou peut-être devrait-on plutôt dire qu’elle était douce et tranquille. Car depuis quelques temps, les parents de Melvin sont inquiets : les factures s’accumulent, les inondations, les sécheresses et les maladies se sont succédé, et les « experts » se succèdent pour les convaincre de se remettre à la production intensive qu’ils ont abandonnée au profit d’une agriculture biologique plus respectueuse des sols et des bêtes. Le vétérinaire et le médecin du village sont inquiets également : de plus en plus d’animaux, sauvages comme domestiques, et d’habitants sont intoxiqués, empoisonnés, sans qu’ils n’en comprennent l’origine. Et comme si tout cela ne suffisait pas, voici que d’étranges phénomènes se produisent lorsque Melvin au contact d’Inaya et Jade, les deux nouvelles élèves de son école alternative, ou encore de Théo, le fils du terrifiant baron … Des visions les assaillent alors, des plongées dans un ailleurs magique et féérique, mais où rodent des ombres assoiffées de mort. Et tandis que les quatre adolescents se découvrent des aptitudes surprenantes, le sentiment qu’un terrible danger menace les Grands Saules se fait plus étouffant …
On nous présente ce roman comme le « premier tome d’une trilogie fantastique qui mêle avec habileté magie, sensibilisation écologique et quête d’identité » : un programme particulièrement alléchant et un pari quelque peu audacieux … Mais de l’audace, Charlotte Bousquet n’en manque pas ! Et c’est ainsi que le petit lecteur d’aujourd’hui, biberonné aux nuggets industriels et ayant reçu leur premier portable avant même de savoir marcher (j’exagère à peine, bébé-voisin n’a pas encore deux ans et c’est un smartphone qu’il a déballé à Noël), se retrouve catapulté en « grande ruralité », aux côtés d’un adolescent sensible inscrit dans une école alternative sans notes ni classement par ses parents partisans d’une agriculture responsable et respectueuse de l’environnement et des animaux … Melvin n’est pas forcément le genre de héros que les enfants s’attendent à rencontrer de nos jours, eux qui ne jurent que par les gros blockbusters de Marvel ! Melvin, lui, n’aime pas ce genre de films, et de toute façon il n’a pas de télévision chez lui : il préfère lire, et surtout jouer avec son chien ou passer du temps dans les bois. Et la ville, qui fait tant rêver la jeunesse, l’oppresse et lui fait peur.
Clairement, Melvin et ses nouveaux amis (Jade, empotée et hypersensible, Inaya, qui se cache derrière ses grands airs pour cacher sa fragilité, et Théo, terrorisé par la brute qui lui sert de frère ainé) n’ont rien des super-héros modernes … mais ils ont tout du super-héros dont nous avons réellement besoin aujourd’hui. Car ils sont suffisamment lucides pour voir où se cache la plus grande menace qui pèse aujourd’hui sur notre pauvre monde : au cœur même de l’être humain … Car « à la place de son cœur, il n’y a plus que vide et noirceur, une noirceur qui se nourrit de douleur » : la menace, elle se tapit dans toutes nos usines qui déversent leur poison dans l’atmosphère ou les nappes phréatiques, elle se love dans les machines qui abattent des centaines d’arbre chaque jour pour faire place à des monocultures dévastatrices destinées non pas à nourrir l’humanité mais à nourrir les automobiles (alors qu’à côté des enfants crèvent de faim ou de soif), elle se glisse dans l’appât du gain, du rendement, du « toujours plus », de l’argent. Et c’est parce que les quatre ados sont « différents », parce qu’ils ne sont pas entrainés dans cette folie humaine, qu’ils sont capables de la discerner … et tenter de l’arrêter.
Pour le lecteur adulte, déjà contaminé par le défaitisme et le pessimisme, le combat de ces quatre amis semble voué à l’échec … Mais voilà toute la magie de ce récit : faire renaitre en nous l’enfant que nous étions, car les enfants ont cette formidable aptitude à rêver et espérer : aucune cause ne leur semble jamais perdue. « On n’est jamais trop petit pour faire une différence », nous dit Greta Thunberg, et c’est bien ce que raconte cette histoire : tandis que les ténèbres menacent d’engloutir les Grands Saules, tandis que les adultes paniquent et se lamentent, Melvin, Inaya, Théo et Jade s’en vont sans hésiter affronter le danger. Il y a quelque chose de follement palpitant à les voir découvrir leurs pouvoirs, à les voir se rapprocher doucement, s’apprivoiser en quelque sorte tout en apprivoisant cette magie venue de la terre, de l’air, de l’eau et du feu. Il y a quelque chose d’incroyablement émouvant à les voir si déterminés à protéger leur forêt et ses habitants, à les voir risquer leur vie pour sauver celle de deux petits chats innocents, en véritables petits justiciers armés de douceur et d’amitié. Vous n’imaginez même pas à quel point mon cœur s’est emballé par moment, tant ce récit est haletant ! On se laisse vraiment prendre « au jeu » et on vit cette aventure comme si c’était la nôtre …
En bref, vous l’aurez bien compris, je suis vraiment tombée sous le charme de ce début de trilogie ! C’est vraiment une formidable histoire d’amitié qui fait sourire, rêver et trembler : quel plaisir et quel honneur de rencontrer ces quatre adolescents qui cherchent qui ils sont, qui ils veulent devenir, ce qu’ils veulent défendre, ce qu’ils veulent combattre. J'ai aimé leur simplicité, leur fragilité, leur sensibilité : ils sont de véritables petits héros justement parce qu'ils ne sont pas faits pour l'être, parce qu’ils n’ont jamais souhaité l’être. Ils font juste ce qui leur semble juste, bon, bien, vital, essentiel. Ils nous rappellent que les enfants peuvent et doivent faire entendre leur voix, qu’ils sont les héritiers de notre Terre et qu’ils ont droit d’avoir une jolie maison pour l’avenir … Quel monde allons-nous laisser à nos enfants : un monde où il fait bon vivre, ou bien un monde que nous aurons gangréner à force de se fermer aux appels au secours de notre bonne vieille Gaïa qui souffre par notre faute ? Serons-nous aveugles, ou bien suivrons-nous Melvin et ses compagnons dans leur quête pour préserver ce qui peut encore l’être ? Lier magie et écologie était un pari risqué, mais c’est gagné : c’est un roman qui émerveille et qui interpelle …
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