mercredi 23 février 2022

Tara Duncan, tome 6 : Dans le piège de Magister - Sophie Audouin-Mamikonian

Tara Duncan6, Sophie Audouin-Mamikonian

Dans le piège de Magister

 Editeur : XO

Nombre de pages : 479

Résumé : Dans le splendide palais d’Omois, la jeune Tara fulmine. Car le démoniaque Magister s’est une fois de plus attaqué à elle. Plus exactement, à sa mère, ce qui est pire. Il a tenté de l’enlever, au nez et à la barbe de tous ses gardes, au beau milieu des jardins du palais impérial. Cette fois, Tara en a assez. Elle ne veut plus vivre comme une proie, dans l’attente de la prochaine manœuvre de son ennemi insaisissable. Elle a quinze ans, elle est l’héritière d’un Empire, sa magie est peut-être la plus puissante jamais détenue par un humain, elle est entourée de fidèles amis… Elle va se battre. Débusquer Magister. Le détruire.

 

- Un petit extrait -

« Silencieux, unis dans la peine, ils entourèrent leur ami.

Cal pleura, sanglota, hurla, et ils restèrent.

Cal se releva et vacilla, puis se mis à vomir, et ils restèrent.

Cal parla de mourir, et ils restèrent.

Cal devint à moitié fou, et ils restèrent.

Cal, épuisé, finit par s'écrouler, et ils restèrent.

(...) Toute sa vie, Cal se souvint de ce que ses amis firent pour lui, cette nuit-là. Les liens entre les adolescents, forgés au feu de la douleur, s'endurcir, devinrent bien plus fort. »

- Mon avis sur le livre -

 Comme beaucoup de lecteurs passionnés par un univers, j’ai cette tendance à vouloir absolument collectionner tout ce qui est possible et inimaginable sur l’univers en question … Le problème, c’est que dans le cas de Tara Duncan, pour l’instant, nous n’avons pas grand-chose à nous mettre sous la dent (ou alors, il aurait fallu pouvoir se rendre à toutes les dédicaces pour chiner l’un ou l’autre petit goodies exclusifs distribués à ces occasions, mais … ça n’était pas possible). Je me contente donc de ma collection de romans, de quelques posters, d’un misérable carnet et de menus petites choses que quelques Taraddicts attentionnés m’ont envoyées pour me consoler d’être cloitrée chez moi tandis qu’ils s’amusaient comme des fous à Montreuil (effrayant probablement tout le monde aux alentours par leurs chants de guerre joie) … Mais une bonne nouvelle me laisse espérer que je vais peut-être enfin pouvoir me procurer quelques produits dérivés : une nouvelle série d’animation est sortie, et il est fort probable que quelques figurines ou autres petits gadgets de cet acabit vont faire leur apparition ! Et clairement, ma chambre et ma vie manquent d’objets Tara Duncan pour m’égayer lorsque le monde extérieur est grisâtre et déprimant. Car même si, comme je vais le dire, la saga prend doucement mais sûrement un tournant un peu plus « sombre », elle n’en reste pas moins hilarante et rafraichissante !

Une journée tranquille. Sans tentative de meurtre ou d’enlèvement. Sans planète qui menace d’exploser éminemment sous peu. Sans catastrophe ni mauvaise nouvelle. Une seule journée tranquille : à l’heure actuelle, après avoir sauvé le monde et sa vie plusieurs dizaines de fois, c’est la seule chose et unique chose dont Tara rêve. Une journée tranquille. Mais la jeune Héritière d’Omois doit se rendre à l’évidence : depuis qu’elle a mis les pieds sur AutreMonde, elle ne peut même plus boire un simple verre d’eau sans se demander ce qui va lui tomber sur la tête dans les deux secondes à venir. Ne supportant plus de subir passivement et inlassablement les plans tordus des uns et des autres, et surtout de mettre sans cesse en danger les êtres qui lui sont le plus cher, Tara décide qu’il est grand temps pour elle de prendre les choses en main. Plus question de fuir : désormais, c’est à elle d’attaquer en premier. Dans l’ombre, sous le couvert de missions officielles – pour une fois que son fichu titre d’Héritière peut lui servir à quelque chose, autant en profiter –, la jeune fille réunit progressivement tout ce dont elle a besoin pour mettre à exécution son plan … Malheureusement, cela ne l’empêche pas de se retrouver une fois de plus impliquée dans des situations aussi improbables que dangereuses : elle a visiblement bien plus d’ennemis qu’elle l’imaginait, et certains semblent plus proches et déterminés qu’elle ne le croyait. Et même si ses fidèles amis n’hésitent jamais une seule seconde à venir lui prêter main forte, Tara n’est clairement pas certaine de s’en sortir, cette fois-ci …

Tara est la première à s’en rendre compte et à s’en attrister : ces quelques années passées sur AutreMonde l’ont transformée. Elle n’est plus cette petite fille insouciante et émerveillée qui croyait naïvement qu’il suffirait de trouver le grand méchant pour ramener la paix et retrouver le bonheur. Désormais, Tara sait que la paix est une illusion, et le bonheur une utopie … Tout ce qu’elle espère, désormais, c’est limiter les dégâts et profiter de chaque petit instant de joie. Tandis que sa tante l’initie aux méandres plus ou moins obscures de l’exercice du pouvoir, l’adolescente perd doucement mais surement les dernières bribes d’innocence qui s’accrochaient encore à son petit cœur comme une huitre à son rocher. Si elle veut survivre, elle doit s’endurcir. Elle doit cesser de se laisser mener par le bout du nez. Elle doit apprendre à s’imposer, et à se faire respecter. Et, aussi difficile que cela soit, apprendre à se débrouiller seule. Sans ses amis à ses côtés. Déjà parce qu’ils ne seront pas toujours là pour elle, parce qu’ils ont leurs propres problèmes à affronter, leur propre vie à mener. Et aussi parce qu’elle ne peut pas s’empêcher de penser qu’elle est un danger pour eux, qu’ils seront bien plus en sécurité si elle ne les entraine pas dans toutes ses combines. Car désormais, ses adversaires ne sont plus les seuls à avoir des plans, des machinations, des complots … Puisqu’il le faut, Tara n’hésite plus, à son tour, à manœuvrer dans l’ombre, à dissimuler ses véritables intentions, à induire volontairement les autres en erreur … à frapper dans le dos, aussi, si elle ne peut pas faire autrement.

Et Tara est loin, très loin d’être la seule à changer. Ses amis, eux aussi, quittent définitivement l’enfance. Voire même l’adolescence, vu comment les épreuves les ont fait murir prématurément. Ce tome, c’est vraiment celui où le groupe commence indiscutablement, non pas à se déliter totalement, mais du moins à se distendre … justement parce qu’ils ne sont plus seulement « le groupe ». Petit à petit, la personnalité de chacun s’affine et s’affirme : ils ne sont plus des enfants qui partagent les mêmes visions et rêves de gosses. Chacun commence à faire face à l’adulte qu’ils sont en passe de devenir. Chacun commence à vivre ses propres expériences, la plupart du temps douloureuses. Ce tome comporte ainsi une des scènes les plus déchirantes de toute la saga, je pense : même au bout de presque treize ans et presque autant de relectures, je pleure à chaque fois toutes les larmes de mon corps, car c’est si triste et si beau à la fois. C’est peut-être d’ailleurs un des premiers tomes à véritablement me faire pleurer : jusqu’à présent, j’étais peut-être émue par moment, mais pas au point de devoir éloigner le livre de crainte de l’arroser copieusement de mes larmes ! Et plus encore, ce tome comporte un revirement pas si surprenant que cela, quand on essaye d’y réfléchir rationnellement, mais tout bonnement insupportable : on aurait tant aimé que ça se passe autrement, que ça se règle autrement, mais la dure vérité, la dure réalité, elle est que c’était malheureusement prévisible, que ça ne pouvait pas se terminer autrement …

De l’émotion, donc, et pas qu’un peu … mais aussi de l’action, et pas qu’un peu ! Ni les héros ni les lecteurs n’ont la possibilité de s’ennuyer, car on va de rebondissement en rebondissement, de péripétie en péripétie, de révélation en révélation. De la forêt des trolls au sinistre pays des Vampyrs, de la fantasque capitale du Lancovit à l’ostentatoire palais impérial d’Omois, des mers agitées d’AutreMonde à ses déserts voraces, en allant jusqu’à la lointaine planète des Dragons en proie à un événement historique, Tara et ses compagnons sont sur tous les fronts … et toujours sous tension ! Et le plus incroyable, c’est qu’aucune sous-intrigue n’est bâclée ou délaissée : à partir du moment où Sophie ouvre une porte, vous pouvez être sûr et certain qu’un jour ou l’autre, quelque chose finira par en sortir. Ci et là, des petites graines sont semées, ne demandant plus qu’à germer au fil des tomes à venir … au lecteur de bien garder à l’esprit les moindres petits détails, les moindres petites informations, car elles ne sont jamais données au hasard. Elles finiront bien par prendre tout leur sens, à un moment ou à un autre, d’une façon plus ou moins inattendue. Et bien sûr, la responsabilité de régler le problème et de refermer une bonne fois pour toutes ces portes reviendra à notre brave et pauvre Tara, toujours si vaillante alors que beaucoup aurait déjà jeté l’éponge, loin, très loin … On se demande quand elle finira par exploser, la pauvre, ou du moins par déclarer un ulcère à l’estomac, avec tous ces tracas incessants !

En bref, vous l’aurez bien compris : ce tome est peut-être l’un de mes préférés ! Peut-être parce qu’il n’est pas seulement palpitant (tous les tomes de la saga le sont, Sophie est vraiment très douée pour maintenir le lecteur en haleine), mais qu’il est aussi poignant : il n’est plus seulement divertissant, il est plutôt saisissant. On ne se contente plus de vivre des aventures follement trépidantes en compagnie d’un petit groupe d’amis qui viennent à bout de tous les dangers … on suit bien plus le cheminement existentiel d’adolescents qui perdent une bonne fois pour toutes leur innocence et leur insouciance d’enfants pour faire véritablement face aux dures leçons de l’existence. Au fil des tomes, nous nous sommes attachés à eux, nous nous sommes même parfois identifiés à eux, suffisamment pour nous sentir pleinement concernés par leur sort, suffisamment pour compatir à leurs souffrances, pour partager leurs peines, leurs doutes,  leurs peurs. Suffisamment pour avoir envie de les aider, sans pouvoir le faire, car ils ne sont constitués que d’encre sur du papier … La saga emprunte définitivement un nouveau tournant, et même si on peut regretter l’ambiance colorée des premiers tomes, il ne faut pas se mentir : c’est nettement plus intéressant désormais, surtout que Sophie n’oublie jamais de glisser par-ci par-là quelques pointes d’humour bien placées, pour dédramatiser tout de même un petit peu, parce que Tara Duncan reste Tara Duncan : c’est une saga qui fait du bien au moral !

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