Editeur : Librinova
Nombre
de pages : 230
Résumé : Octobre 1976. Jérôme s’apprête à passer un
nouveau week-end de liberté à « l’Étang » accompagné des siens (son frère, sa
belle-sœur, ses amis). Soudain, au détour d’un dernier virage, la foudre frappe
devant leurs yeux ébahis, ouvrant une béance sur l’inconnu. Les jeunes gens
refrénant une appréhension légitime s’enfoncent alors dans la forêt qui ne
tardera pas à se refermer inexorablement sur eux. Reclus d’une nature hostile,
ils doivent faire face à des phénomènes étranges, spectaculaires, allant
crescendo jusqu’à tutoyer l’irrationnel …
Un grand merci à Patrice
Oudot pour l’envoi de ce volume (et la petite dédicace) et à la plateforme SimPlement
pour avoir rendu ce partenariat possible.
- Un petit extrait -
« Le ciel empesé de lourds nuages noirs estompait les contours de la ville en cette fin de journée automnale. De la fenêtre de son bureau, Jérôme Corbet, 20 ans, suivait d’un regard distrait la lueur vacillante d’un réverbère épouser les bourrasques qui balayaient par intermittence cette petite rue parisienne. Quelques rares passants, le nez collé à l’asphalte, marchaient d’un pas rapide pour s’échapper aussitôt de son champ de vision, happés par l’obscurité dévorante. La sonnerie du téléphone vint l’arracher à la douce torpeur qui l’envahissait. »
- Mon avis sur le livre -
Je vais vous faire une confidence : la
première fois que j’ai lu Le Horla, au collège pour les cours de français, j’ai fait des cauchemars
pendant plusieurs semaines et m’étais jurée de ne plus jamais lire de récits fantastiques
(à comprendre ici en tant que registre - et non genre - littéraire : un
récit caractérisé par l’intrusion souvent angoissante, voire terrifiante, du
surnaturel ou de l’étrange dans un cadre banal et réaliste, et où lecteurs
comme personnages ne sont plus en mesure de distinguer ce qui dépend de la
réalité ou non). Ce n’est que quelques années plus tard, lorsque ma professeure
de français m’a offert un recueil de nouvelles fantastiques (qui lui avait d’ailleurs
été offert lorsqu’elle était élève par sa professeure de français), que j’ai
pris mon courage à deux mains et ai valeureusement redonné sa chance à ce
registre. Et c’est passé comme une lettre à la poste : aucune frayeur
nocturne, et surtout, un véritable coup de foudre entre le fantastique « à
la Hoffman/Gautier/Maupassant » et moi. Du coup, vous vous en doutez bien,
quand l’auteur m’a proposé ce roman en service de presse, je n’ai pas pu m’empêcher
d’accepter illico presto !
Lorsque Jérôme, son frère, sa belle-sœur et
ses amis se rendent à l’Etang pour le week-end, ils étaient bien loin d’imaginer
le tournant qu’allait prendre cette escapade traditionnelle. Tout commence par
un orage, soudain et effrayant, tandis qu’ils s’engagent sur le tortueux chemin
qui mène à la cabane branlante qui leur sert d’abri lors de ces excursions … Et
au fur et à mesure que les heures passent, des événements de plus en plus
incroyables et de plus en plus terrifiants s’abattent sur notre petit groupe de
campeurs. L’angoisse s’empare progressivement d’eux lorsque la raison échoue à
expliquer ces phénomènes aussi impressionnants qu’irrationnels … Reclus dans
cette forêt qui s’est inexplicablement refermée sur eux, les empêchant de fuir
ce cabanon isolé, ils vont devoir affronter la folie qui menace à chaque
instant de les engloutir … à moins que la nature ne s’en charge en premier.
Après un début un petit peu laborieux, un
petit peu longuet, auquel j’ai eu du mal à accrocher, l’histoire se met
rapidement en route. Un soudain orage, un impact de foudre qui donne naissance
à une clairière entière au moment même où les véhicules de nos protagonistes s’engagent
sur le chemin … Voilà qui donne le ton de ce roman ! Ajoutez à cela une
vieille bicoque apparemment abandonnée, embusquée au cœur d’une immense forêt
résonnant de hululements et de croassements et un étang survolé par une brume
fantasmagorique … et vous aurez tous les éléments pour mettre en place une
ambiance angoissante, oppressante, inquiétante. Et le moins que l’on puisse
dire, c’est bien que l’auteur est doué dans le délicat exercice qu’est la
description de paysage. On s’y croirait ! On s’y croirait tellement … que
lorsque les premiers éléments véritablement surnaturels, irrationnels, font
irruption dans le récit, on ne peut s’empêcher de vérifier, à maintes reprises,
si on est bien en sécurité au fond de notre lit, dans notre douillette petite
maison, et pas dans une petite masure de chasseur perdue au cœur de cent
cinquante hectares de forêt. C’est vraiment la grande force de ce roman :
plonger le lecteur en véritable immersion dans l’ambiance du récit !
A côté de cela … et bien je suis mitigée. D’un
côté, on a cet aspect purement fantastique qui m’a vraiment conquise, avec une
tension dramatique qui s’installe progressivement pour ensuite grimper en
flèche, avec une véritable ambivalence entre le rationnel et la folie … Et de l’autre,
on a ce côté un peu plus ésotérique, qui est arrivé comme un cheveu sur la
soupe et qui, surtout - et c’est ce que je lui reproche finalement -, est venu
supprimer ce côté « inexpliqué et inexplicable » des événements
survenus à l’Etang. L’idée développée est très intéressante (pour reprendre la
quatrième de couverture : « aucun être humain ne peut se
dédouaner du passé »), mais elle n’avait, à mes yeux, pas sa place dans un
tel récit … J’aurai préféré ne pas « comprendre la genèse de ce week-end d’octobre
1976 », j’aurai préféré rester dans le flou total comme c’est généralement
le cas dans les récits fantastiques … et du coup, ces révélations, ces
explications, bien que surprenantes, m’ont dérangées. C’est d’ailleurs pour
cela que je ne recommande pas ce roman aux adeptes du fantastique pur et dur :
le dernier tiers de l’ouvrage fait basculer celui-ci dans un tout autre registre
qui n’intéressera pas forcément les passionnés de mystères non résolus …
De la même façon, je reste un peu partagée
quant à la narration. C’est beau, c’est très littéraire, rien à redire
là-dessus. Mais justement … c’est peut-être un petit peu trop littéraire, trop
soutenu, trop emphatique. Beaucoup d’adjectifs très recherchés, beaucoup de
subordonnées, de juxtapositions, quelques maladresses du point de vue de la
ponctuation … Cela alourdit un peu le texte et casse un peu le rythme de l’intrigue,
car le lecteur doit faire un véritable effort pour saisir toutes les subtilités
du texte. J’aime les narrations un peu lyriques et alambiquées, mais là, c’était
presque trop pour moi : je n’ai pas trouvé ici cette fluidité que je
recherche, qui fait que les mots coulent de source, que les phrases s’enchainent
sans difficulté, que les pages se tournent sans que l’on ne s’en rendre
vraiment compte. Nous avons ici une très belle plume presque trop travaillée :
à vouloir trouver le mot juste - ou plutôt les mots justes - pour exprimer l’image
recherchée, le style a perdu en spontanéité, en simplicité. Je suis donc
partagée entre mon amour des belles lettres et mon amour de la clarté. Je pense
qu’ici, tout dépend de la sensibilité du lecteur : certains adoreront, d’autres
grinceront des dents !
En bref, une lecture en clair-obscur. Si j’ai
énormément apprécié cette ambiance inquiétante et ces manifestations
surnaturelles qui viennent abroger la frontière entre réalité et chimérique, j’ai
été un peu déçue qu’une explication, certes ésotérique mais tout de même
rationnelle une fois exposée, vienne briser cet aspect fantastique. Mais cet
avis n’engage que moi : pour ceux qui sont moins « puristes »,
cela ne posera clairement aucun problème, d’autant plus que cet aspect
ésotérique est bien amené et s’appuie sur une question très intéressante
(peut-on réellement considérer nos erreurs et nos fautes du passé comme
révolues ou doit-on porter ce fardeau jusqu’à ce que nous les ayons réparées d’une
façon ou d’une autre ?). De la même façon, le style assez soutenu pourra
plaire aux uns et déplaire aux autres. Je conseille donc ce livre à tous ceux
qui aiment les huis clos angoissants mettant en scène des manifestations
surnaturelles et qui apprécient les récits ésotériques.
Ce livre
a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus
d’explications sur cet article)
Merci Marie pour cette chronique détaillée et très bien structurée. J'aurais aimé que mon virage ésotérique vous emporte, mais c'est ainsi. En tout cas, vous possédez un talent de chroniqueuse incontestable. Alors respect, merci et bravo.
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