samedi 11 août 2018

Des bleus au corps - Clara Richter


Des bleus au corps, Clara Richter

Editeur : Dreamland
Nombre de pages : 415
Résumé : Pas facile pour Estelle, seize ans, de grandir sans sa mère, décédée il y a un an. En plus, son père a décidé de prendre un nouveau départ et de déménager... Elle va devoir s'intégrer dans un nouveau lycée, changer de vie. Heureusement, elle rencontre Enzo, un prodige du roller. Estelle se sent immédiatement proche de ce garçon énigmatique et taciturne. Peut-être parce qu'elle comprend que lui aussi cache une vraie souffrance et un lourd secret. Peu à peu, des liens se nouent, puis une attirance qui se transforme en un amour fragile. Estelle pourra-t-elle apaiser les tourments d'Enzo ? Si elle y arrive, les deux adolescents retrouveront peut-être goût à la vie...

Un grand merci aux éditions Dreamland pour l’envoi de ce volume.

- Un petit extrait -

« Tous me renvoient l’image d’une fille qui m’était inconnue jusqu’à maintenant : une fille sympa, sociable et d’agréable compagnie. Quelqu’un qui mérite qu’on s’intéresse à elle. Quelqu’un qui sait s’amuser. Tous, sauf un. Enzo. Evidemment. Avec lui, tout est plus compliqué. Je n’arrive pas à déterminer s’il me déteste ou s’il me supporte, sans parler de bien m’aimer. Tout ce que je sais, c’est que lorsque je suis avec lui, un phénomène étrange se produit. C’est comme si je sortais de moi, mue par une force extérieure, pour aller lui parler. Tout mon être se tend vers lui. Je ne me reconnais pas. Lorsqu’il est là, ma timidité s’envole, parce que j’ai l’impression qu’Enzo m’a cernée. Je ne peux pas affirmée qu’il a compris, pour mes bras, mais j’en jurerais presque. Je crois que j’ai aussi très envie de pénétrer sa carapace, d’abattre les murs qu’il a dressées entre lui et le reste du monde. »

- Mon avis sur le livre -

S’il y a bien une chose que j’adore lorsque je lis plusieurs ouvrages d’un même auteur, c’est lorsque l’auteur en question créé des liens entre ses différents romans. L’un des exemples les plus flagrants à mes yeux, c’est Sarah Dessen, chez qui l’on retrouve les mêmes personnages secondaires dans plusieurs romans, c’est fort sympathique parce que ça illustre bien à quel point « le monde est petit » ! Ce fut donc une belle surprise que de voir que Clara Richter semble également apprécier de genre de petit clin d’œil : j’ai eu la joie de recroiser, l’espace d’une scène, Alix et Elyas, héros de Ma bonne étoile ! Sachant que c’est mon coup de cœur pour ce premier roman qui m’a donné envie de découvrir Des bleus au corps, ça m’a fait vraiment plaisir de retrouver brièvement ces deux personnages. Ils vivent au-delà de leur propre roman, ils s’immiscent dans le quotidien d’autres héros d’une autre histoire … Histoire toute aussi émouvante que la précédente, d’ailleurs !

Un an après le décès de sa mère, Estelle vient de déménager avec son père. Nouvelle ville, nouvelle vie. Mais surtout, nouveau lycée … Le jour de la rentrée, malgré sa timidité, elle se lie d’amitié avec Eléonore et Etienne qui la présentent à leur petit groupe de riders. Estelle n’a jamais mis les pieds dans des rollers, mais elle se sent rapidement à l’aise. Seul Enzo, petit prodige du groupe, garde ses distances … distance qu’Estelle rêve de combler. Car elle ne peut le nier : elle se sent irrémédiablement attiré par le jeune homme, malgré son sale caractère, malgré ses sautes d’humeur … Peut-être parce qu’elle sent que, tout comme elle, Enzo cache une grande souffrance intérieure. Parviendra-t-elle à briser la carapace, à découvrir le secret d’Enzo ? Et surtout, parviendra-telle à l’aider, à apaiser ses tourments ? 

Je dois l’avouer, au moment d’entamer ma lecture, et malgré toute mon envie de découvrir ce livre, j’avais un petit peu peur : peur de me retrouver face à un « remake » de Ma bonne étoile. Après tout, dans un cas comme dans l’autre, on a une fille et un garçon brisés par la vie, qui se rencontrent, et ça fait des étincelles … Mais fort heureusement pour moi, ce ne fut pas le cas ! Je me suis rapidement attachée à Estelle : c’est une jeune fille adorable, pleine d’empathie et de compassion, qui fait bien souvent passer le bien-être des autres avant le sien, qui aime profondément les animaux … et surtout, qui manque profondément de confiance en elle. Estelle apprend à vivre seule, sans la direction de sa mère, qui avait toujours son mot à dire sur tout et ne cessait de critiquer ses choix, ses actes, ses paroles … Il y a beaucoup de colère chez Estelle, une colère qu’elle n’ose pas exprimer, qu’elle n’ose même pas ressentir, et cela la rend incroyablement fragile. Malgré tout, j’ai eu quelques difficultés à m’identifier à elle : elle est bien trop fêtarde à mon gout ! C’est d’ailleurs le seul reproche que je peux faire à ce livre : présenter les fêtes alcoolisées comme une chose parfaitement normale à l’adolescence, et pour moi qui ait toujours eu horreur de ce genre de choses, cela me semble très cliché : non, tous les ados n’aiment pas se saouler à frôler le coma éthylique tous les samedis soirs !

Ce roman, c’est donc une histoire d’amour compliquée. Compliquée parce qu’Enzo n’est pas prêt à laisser quelqu’un découvrir ses secrets, ses faiblesses, ses souffrances. Compliquée parce qu’Estelle a ressenti cette douleur chez lui et tient absolument à l’aider, parce qu’elle l’aime, de toutes ses forces, de tout son cœur, de toute son âme. Elle l’aime tellement qu’elle est prête à le perdre, si cela peut le sauver … Voici l’une des grandes questions cachées derrière ce livre : que doit-on faire, lorsqu’on est tiraillé entre sa raison et ses émotions ? que doit-on faire lorsqu’on sait que suivre la voix de sa conscience, c’est prendre le risque de trahir un secret, de trahir la confiance que quelqu’un nous a accordé ? Pour Estelle, qui jusqu’à présent n’avait jamais eu l’occasion de prendre des décisions, puisque sa mère choisissait tout pour tout le monde, c’est un déchirement : elle va devoir faire un choix. Et on se sent tiraillée avec elle, et alors on souffre avec elle. Ce livre, c’est comme une cocotte-minute d’émotions : ça commence doucement, et puis progressivement, sans qu’on ne s’en rende vraiment compte, la tension augmente, enfle, s’accumule, et ça finit par exploser. Et alors arrive le final, ce final qui n’a rien d’une happy end à la Disney, ce final qui m’a littéralement fait éclater en sanglots, parce que c’est atrocement déchirant, comme final. On a tellement envie de la réécrire, cette fin !

Mais cette fin, elle se comprend. Parce que ce livre n’est pas seulement une jolie romance pour adolescentes. Ce roman, il aborde des thématiques sensibles, très dures : le deuil, la maltraitance, l’automutilation … Bien plus qu’un roman sur le premier amour, c’est vraiment un roman sur la souffrance que nous propose l’auteur. La souffrance qu’on s’inflige, que l’on nous inflige, que l’on inflige aussi, parfois … Cette souffrance que l’on peut soit tenter d’oublier, soit au contraire dont on veut se souvenir car elle fait partie de nous, de notre histoire, parce qu’elle a fait de nous celui ou celle que nous sommes … C’est vraiment un roman difficile, par moments, parce que cette souffrance est présente un peu partout, même lorsque les personnages tentent de la masquer. J’ai deviné beaucoup de choses bien avant qu’elles se soient « dévoilées », parce que les indices étaient nombreux … Et on est d’autant plus triste pour Enzo et Estelle que l’on sent que tout cela ne pourra pas finir bien, ce serait trop beau pour être vrai … On a envie d’y croire, jusqu’à la fin, on a envie que l’amour règle tous les problèmes, mais ce livre n’est pas une romance à l’eau de rose, alors forcément tout ne s’arrange pas comme sur des roulettes ! Pour ma part, j’espère bien recroiser le chemin d’Estelle et Enzo dans un futur roman de Clara Richter, afin d’avoir de leurs nouvelles, en espérant qu’elles soient bonnes, parce que je les aime bien, ces deux zigotos !

En bref, vous l’aurez compris, ce livre est un nouveau coup de cœur. C’est triste, oui, mais c’est beau. C’est dur, oui, mais c’est beau. C’est un très beau roman, très bien écrit. C’est un roman qui fait pleurer, mais qui fait sourire aussi. C’est une ode à l’amour et à l’espoir, à l’amitié et au pardon. C’est un véritable condensé d’émotions, qui aborde avec beaucoup de finesse, de douceur, de justesse, des thématiques graves, des sujets terribles … C’est un livre dont on ne ressort pas indemne, c’est un livre qu’on ne peut pas oublier facilement, parce que c’est un livre qui ne laisse pas indifférent. On ne peut pas s’empêcher de s’attacher à Enzo et Estelle, si fragiles mais si forts à la fois, si complexes, si humains … C’est un livre qui fait réfléchir sans que l’on ne s’en rende compte, un livre qui pose des tas de questions, un livre qui invite chacun à trouver sa propre réponse … C’est donc un livre que je conseille sans hésitation, sans restriction, parce que c’est un très beau livre, une très belle histoire portée par une très belle plume !



Ce livre a été lu dans le cadre du Challenge de l’été 2018
(plus d’explications sur cet article)

2 commentaires:

  1. Un roman qui me fait très envie (alors que de premier abord, le trouve la couverture vraiment pas terrible et je ne me serais probablement pas arrêtée dessus. Merci pour la découverte !

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    1. C'est tout le problème des couvertures : elles ne reflètent pas forcément l'intérieur du bouquin, et des fois ça nous joue des tours !
      Ravie d'avoir pu te faire changer d'avis, du coup :)

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