samedi 23 février 2019

Frères d'enchantement - Siana


Frères d’enchantement, Siana

Editeur : RroyzZ
Nombre de pages : 347

Résumé : Je m’appelle Ensio. J’affiche l’air d’un héros, mais une partie de moi se meurt. J’ai tué mon ami d’enfance, et ainsi brisé le lien télépathique qui nous unissait. Maintenant, un vide obscur me dévore petit à petit, insidieusement. Je dois le combler avant de devenir fou.
Je m’appelle Ljuka. Ils m’ont oublié, ils n’auraient pas dû. Ils ne comprennent toujours pas, ou plutôt, ils ne veulent pas comprendre. Alors je vais les y forcer et leur prouver qu’ils ne sont pas parfaits ni tout puissants.


Un grand merci à Siana (que vous pouvez retrouver sur sa page Facebook) pour l’envoi de ce volume (et la petite dédicace) et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

250ème chronique du blog !

- Un petit extrait -

« Les meilleurs souvenirs que je garde de Ljuka sont ceux de son enfance, lorsqu’il était si insouciant, si attentionné. Il jouait et il courait, il grimpait dans les arbres, sans jamais perdre son sourire. Il faut que je lui ramène ce sourire-là. »

- Mon avis sur le livre -

J’ai pour habitude de déclarer que « les livres m’ont sauvée ». Généralement, je laisse une petite pause dramatique, histoire d’attiser la curiosité et l’incrédulité de mon interlocuteur, avant d’expliquer cette affirmation pour le moins surprenante, je le reconnais. Les livres m’ont sauvé car ils m’ont appris toutes ces petites choses qui semblent « évidentes » et « naturelles » aux neurotypiques, mais qui sont loin de l’être pour moi. Ils m’ont appris à comprendre l’autre, à comprendre comment il pensait, pourquoi il agissait d’une telle manière, et m’ont également appris à devenir un caméléon capable de me fondre dans la masse des « gens normaux » … C’est l’une des choses que j’aime tant dans les romans : en plus de nous faire vivre par procuration d’extraordinaires aventures, ils ont toujours quelque chose à nous apprendre sur le monde et sur nous-mêmes … Alors quand j’ai vu que l’autrice de Frères d’enchantement – dont le résumé est incroyablement intrigant – aimait « les trucs bizarres, surtout sombres et psychologiques », je me suis ruée dessus (le livre, pas l’autrice) !

Depuis le jour de leur rencontre, Ensio et Ljuka sont inséparables : les deux enfants passent leurs journées à vagabonder dans la forêt, à grimper aux arbres … et à discuter pendant les cours, déclenchant le courroux des professeurs et le désespoir de leurs parents. Alors, les deux garçons décident de braver les interdits et les dangers et de créer un lien télépathique pour pouvoir converser à loisir, sans que nul ne puisse les entendre … Mais leur entrée à la Grande Académie va mettre en péril cette belle amitié : tandis qu’Ensio semble tout destiné à devenir un Milicien héroïque et admiré par toute la cité, Ljuka est révulsé par la simple idée de manipuler le vivant et attire les moqueries de ses camarades. Au fil des années, l’agacement de l’un et la rancœur de l’autre gagnent en puissance … Jusqu’au terrible jour où Ljuka décide de se venger de cette société élitiste qui l’a humilié, et qu’Ensio se voit contraint de le tuer. Commence alors une véritable descente aux enfers pour le survivant, qui vit désormais avec un trou béant dans l’âme et le cœur …

Ce livre, c’est donc l’histoire d’une amitié si forte qu’elle en est devenue littéralement fusionnelle. Dans le monde d’Ensio et Ljuka, tout, de la pierre à l’être humain, possède une vibration, que les hommes peuvent percevoir grâce à la pierre de rhod. Pierre grâce à laquelle ils peuvent également manipuler les plantes et les animaux … et qui a permis aux deux enfants de connecter leurs esprits, en toute insouciance et innocence, aux mépris de toutes les règles et de tous les dangers. Mais mêmes les amitiés les plus fortes ne sont pas à l’abri d’une rupture : au fil des années, les différences s’accentuent entre les deux garçons, et ils s’éloignent progressivement l’un de l’autre, chacun persuadé d’être dans son bon droit et convaincu que l’autre n’est qu’un idiot. Il est intéressant de constater que ce lien télépathique, créé dans l’objectif de pouvoir discuter à loisir, ne leur a été d’aucun secours pour parler et éviter ce délitement douloureux de leur amitié. Alors même qu’ils avaient tous deux le moyen de percevoir les pensées et émotions de l’autre, ils se sont laissé entrainer dans ce cercle vicieux de la rancune et de la haine. Comment voulez-vous que la paix règne sur terre, si même deux amis liés par l’esprit ne sont pas capables de parler calmement pour régler les conflits ? Ils se sont déchirés parce qu’aucun n’a essayé de comprendre l’autre … C’est tragique, mais malheureusement si courant …

Mais ce livre, c’est surtout l’histoire de deux destins opposés, que nous suivons en parallèle. Il y a, d’abord, l’histoire d’Ensio qui vient de tuer celui qui fut son meilleur ami … et qui souffre le martyr à partir de ce moment. Ce n’est qu’en le perdant qu’Ensio se rend compte que ce lien faisait partie intégrante de son être. Tandis que la folie menace de l’envahir, tandis que sa réputation d’héros s’effiloche au fur et à mesure qu’il est submergé par le manque, tandis que sa petite amie elle-même menace de le quitter s’il ne cesse pas immédiatement ses bêtises, Ensio se rend compte qu’il a toujours vécu à travers le regard des autres. Le paraitre, la gloire, la renommée, l’admiration … A partir du moment où il n’est plus ce grand héros adulé de tous, tous ceux qui disaient l’apprécier l’abandonnent à lui-même, de crainte que sa déchéance ne vienne entacher leur propre réputation. Il est facile de se sentir entouré lorsque tout va bien, mais ce n’est que quand tout va mal qu’on voit qui tient réellement à nous … Et c’est dans la douleur qu’Ensio comprend ce que son ami d’enfance a dû ressentir lorsque tout le monde le pointait du doigt, à cause de ses angoisses qui l’empêchaient de manipuler le vivant mais que personne n’a jamais chercher à comprendre …

Ce pan de l’histoire, c’est Ljuka lui-même qui nous le raconte. Au fil des chapitres qui lui sont dédiés, nous le voyons se replier progressivement sur lui-même, seul et incompris, tandis que grandissent en lui le ressentiment et la colère. Petit à petit, celui qui était pourtant un enfant joyeux et bienveillant, devient l’homme aigri et violent que nous présente Ensio dans ses chapitres. Quelle tristesse de se rendre compte qu’un peu de bienveillance et de tolérance auraient suffi à éviter cette plongée dans l’extrémisme ! Le mépris, les persiflages et surtout les jugements des autres sont les seuls responsables de cette envie viscérale de vengeance qui anime désormais Ljuka … Tout au long du livre, j’ai eu beaucoup de peine pour ce jeune garçon : si je désapprouve profondément son choix de sombrer dans le déchainement de violence, je ne peux que compatir à la peine qui l’habite. De la même manière, si j’ai plus d’une fois eu envie de secouer le jeune Ensio arrogant que nous voyons à travers les yeux de Ljuka, j’étais très triste pour le Ensio adulte qui souffre de cette absence soudaine et de cette culpabilité grandissante. Ensio et Ljuka sont plus des anti-héros qu’autre chose … mais ils sont tous deux très attachants, et c’est un déchirement que de les voir si malheureux !

Deux personnages, deux narrateurs, deux fils narratifs qui se déroulent en alternance … Mais on ne voit pas très bien comment ils peuvent se rejoindre, car il semblerait que Ljuka nous achemine progressivement vers l’événement qui constitue le point de départ de l’histoire contée par Ensio. On progresse en se demandant ce que l’autrice a bien pu nous concocter, avec cette petite inquiétude au ventre : et si, finalement, ces deux histoires parallèles ne se rejoignaient pas ? et si tout cela ne menait finalement nulle part ? Dans ce cas, quel intérêt de continuer à lire les chapitres dédiés à Ljuka : on sait déjà comment son histoire va se terminer, Ensio nous l’a raconté dans le premier chapitre !? Et c’est cette petite pointe d’appréhension elle-même qui nous donne l’impulsion pour tourner les pages, toujours plus vite, avec une impatience grandissante : il y a forcément quelque chose en plus ! Et on l’attend, ce quelque chose en plus, on l’espère … Et Siana a dépassé toute mes espérances, elle m’a conduit sur un chemin que je n’entrevoyais même pas, et elle l’a très bien fait. On danse de surprises en surprises, et c’est du vrai génie ! Je ne peux pas vous en dire plus, pour ne pas vous spoiler, mais sachez que cela a fait naitre en moi pleins de questionnements sur la destinée, sur la fatalité … Les choses sont-elles déjà écrites, les choix que nous faisons sont-ils réellement les fruits de notre libre arbitre, ou bien nos pensées elles-mêmes suivraient-elles un chemin déjà tracé devant nous ? 

En bref, vous l’aurez bien compris, j’ai vraiment énormément apprécié ce roman ! Siana nous fait voyager dans un monde à la croisée des genres, où se mêlent et s’entremêlent la fantasy et la science-fiction, où l’aventure côtoie le récit initiatique … Deux personnages que tout oppose mais qu’une amitié profonde réunit, jusqu’à ce que leurs différences ne les séparent à nouveau. Deux histoires qui se répondent jusqu’à n’en former plus qu’une, de la plus étonnante des façons, alors même que le lecteur n’y croyait plus. Deux points de vue qui s’entrechoquent, rappelant à qui veut bien le lire entre les lignes qu’il n’y a pas qu’une seule vérité, mais que chacun vit les choses à sa manière, et que ce n’est qu’en essayant de voir par les yeux de l’autre que l’on peut éviter les issues dramatiques. « Perdre un ennemi, c’est aussi parfois perdre un ami », nous dit l’autrice, dont la plume est par ailleurs vraiment époustouflante ! C’est vraiment un excellent roman, aussi atypique que captivant, qui régalerai sans aucun doute tous ceux et toutes celles qui l’auront entre les mains … Alors n’hésitez plus, venez rencontrer Ensio et Ljuka !



Ce livre a été lu dans le cadre du Tournoi des 3 Sorciers
(plus d’explications sur cet article)

3 commentaires:

  1. Bah ça c'est une chronique ! (comme les autres) on lit et voit que tu y met du coeur. continue comme ça. des bisouilles d'une amie Elfe ;)

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  2. Superbe chronique! J'ai eu peur quand tu as dit qu'il se faisait tuer, mais j'ai bien compris selon ta chronique que ça nous était révélée dès le départ. Et t'as du rythme aussi dans tes phrases pour captiver notre attention. Tu écris des fictions?

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    1. Han merci <3
      C'est révélé dans le résumé de la quatrième, donc je ne spoile rien x)
      Je suis effectivement en train d'écrire un roman :)

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