Editeur : Scrineo
Nombre
de pages : 364
Résumé : Mers et océans ont disparu. Tous les animaux marins sont morts. Des marées fantômes déferlent sur
le monde et charrient des spectres avides de vengeance. Seuls les exorcistes,
protecteurs de l'humanité, peuvent les détruire. Oural est l'un d'eux. Il est
vénéré par les habitants de son bastion qu'il protège depuis la catastrophe.
Jusqu'au jour où Bengale, un capitaine pirate, le capture à bord de
son vaisseau fantôme. Commence alors un voyage forcé à travers les mers
mortes... De marée en marée, Oural apprend malgré lui à connaître son geôlier
et l'objectif de ce dangereux périple. Et si Bengale était finalement la clé de
leur salut à tous ?
Un grand merci aux éditions Scrineo
pour l’envoi de ce volume et à la plateforme Babelio pour avoir rendu ce
partenariat possible.
- Un petit extrait -
« Oural était si proche qu'il voyait la splendeur de la mer et ses millions d'âmes qui flottaient dans la luminescence bleutée. Même dépourvue de voix, il percevait très bien sa fureur, sa douleur, sa haine et sa démence. Sauvagement assassinés, les mers et les océans charriaient au creux de leurs vagues monstrueuses le souvenir de leur supplice, et à chaque dégorgement d'écume dans le monde des humains, ils paraissaient hurler « vengeance ! ». »
- Mon avis sur le livre -
Ce n’est plus un secret pour personne :
je suis une grande adepte de la relecture. Régulièrement, l’envie me prend de
me replonger dans une histoire qui m’a fait vibrer il y a quelques mois ou
années de cela, de partir en quête de détails qui m’auraient échappé jusque-là,
ou tout simplement de retrouver des personnages-chouchous comme on retrouve de
vieux amis … Mais jamais jusqu‘à présent je n’avais ressenti le besoin viscéral
et impérieux de recommencer un livre aussitôt après avoir tourné la dernière
page, de relire plusieurs fois d’affilée certains passages éblouissants … C’est
la toute première fois que j’éprouve tant de difficultés à m’extirper d’une
histoire, la toute première fois que quitter des personnages est aussi
douloureux …
Souillés par les rejets d’hydrocarbures et
autres résidus chimiques, envahis par les sacs plastiques et autres déchets d’une
humanité toujours plus meurtrière, asséchés par le réchauffement climatique,
les mers et les océans ont rendu leur dernier souffle. Décimés par la surpêche
et par la pollution de leur milieu de vie, victimes de la folie destructrice de
l’humanité, les animaux marins se sont éteint un par un. Désormais, ce sont les
hommes qui tremblent, tandis que se lèvent régulièrement les marées fantômes,
habitées par les esprits vengeurs de ses milliards de poissons, requins,
méduses, dauphins, baleines, pieuvres et autres créatures qui n’attendent qu’une
chose : arracher les âmes des survivants, décider l’humanité en sursit.
Oural, exorciste, veille farouchement sur les habitants de son bastion,
affrontant marée après marée ces terribles mers mortes … Jusqu’au jour où il
est kidnappé par Bengale, pirate de son état, qui se considère comme le dernier
espoir de cette planète à bout de souffle …
Quiconque a déjà lu un roman d’Aurélie
Wellenstein sait à quoi s’en tenir : âmes sensibles, abstenez-vous. C’est
d’autant plus vrai qu’ici, elle nous plonge non pas dans un monde
post-apocalyptique imaginaire, mais bien sur notre bonne vieille planète Terre,
à l’agonie à cause de l’avidité et de la négligence de l’homme. Elle nous
dépeint un futur cauchemardesque, un futur où les océans se sont taris, où la
pluie ne tombe plus, où l’eau vint à manquer. Un futur où l’humanité paye à
prix fort nos propres erreurs : nous avons « jeté nos pesticides à
l'eau, nos fumées dans l'air, conduit trois voitures, vidé les mines, mangé des
fraises du bout du monde, voyagé en tous sens, éclairé les nuits, chaussé des
tennis qui clignotent quand on marche, mouillé le désert, acidifié la pluie »,
pour reprendre les mots de Fred Vargas, sans jamais réfléchir aux conséquences
de nos actes, sans jamais avoir fait le moindre effort pour réduire notre
impact écologique. Parce que c’est tellement plus simple de fermer les yeux ou
de se hausser les épaules en se disant que « c’est trop tard, de toute
façon, je peux rien faire », et de continuer à surconsommer allégrement,
plutôt que de se priver d’un peu de notre confort.
Dans Mers mortes comme dans ses autres romans, Aurélie
Wellenstein n’épargne ni ses personnages ni ses lecteurs : nuit après
nuit, dans son sommeil, Oural revit l’agonie d’une tortue ayant avalé un sac
plastique en pensant attraper un petit crustacé, d’un requin à qui on a coupé
aileron et nageoires avant de le relâcher dans l’océan, d’un dauphin
sauvagement poignardé par des hommes ivres de rire, d’un phoque cerné par une
marée noire qui l’asphyxie … Et le lecteur cauchemarde avec lui. Ces passages
sont d’une horreur sans nom, la monstruosité de l’homme qui se prétend civilisé
et qui massacre tout sur son passage. De l’homme qui tue des baleines pour fabriquer
des cosmétiques. De l’homme qui ne respecte rien, qui se croit tout permis et
tout puissant. Au début, à l’instar d’Oural, nous voyons dans ces spectres
marins des monstres qui dévastent tout sur leur passage, indifférents à la
souffrance qu’ils engendrent … Mais rapidement, nous comprenons que les
véritables monstres, dans l’histoire, ce sont les hommes. Qui dévastent tout
sur leur passage, indifférents à la souffrance qu’ils engendrent. C’est un
thème récurrent chez Aurélie Wellenstein : où commence la bestialité, où s’arrête
l’humanité ?
Un roman sombre, dur, glaçant, qui ne « donne
pas une image très reluisante de l’humanité », songe Oural … Au contact
des pirates, notre jeune exorciste, jusqu’alors relativement préservé du fait
de son statut, prend enfin pleinement conscience de la situation désespérée
dans laquelle se trouve le monde. Lui qui se plaignait de sa morne existence,
du fardeau de la responsabilité qui pesait sur ses épaules, voit toutes ses
certitudes s’effondrer une à une. Oural n’a rien d’un héros : il a vécu
dans un cocon, il a été habitué aux révérences et à la dévotion de ses sujets,
il se morfond sans cesse. Il est plein de bonnes intentions, il est intimement
convaincu d’agir au mieux, mais il va progressivement se rendre compte que les
choses sont rarement toutes noires ou toutes blanches, que tout est au
contraire un interminable camaïeu de gris. C’est un protagoniste incroyablement
attachant, parce que profondément humain : il nous ressemble, il est proche
de nous, il fait des erreurs, il agit contre ses principes par pur instinct de
survie, et même si ça coute de l’admettre, on se doute qu’on en ferait autant à
sa place.
Un autre personnage, secondaire du point de
vue de la narration (celle-ci étant centrée sur Oural), mais indéniablement
principal du point de vue de l’intrigue, est à mes yeux le personnage le plus
intéressant de tout le roman. Bengale non plus n’a rien du héros sans tâche
auxquels les épopées de fantasy nous ont habitués, mais je le considère
toutefois comme le héros de cette histoire. Car j’ai toujours associé l’idée de
« héros » à celui de « fardeau », et Bengale est
indéniablement celui qui porte le plus lourd fardeau dans ce récit. Bengale a
fait un choix, un choix terrible mais qu’il considère être celui qu’il fallait
prendre. Derrière son arrogance et sa nonchalance, derrière son autorité et sa
prestance, se cache finalement un homme torturé par cette décision, un homme
hanté par toutes les morts dont il est l’unique responsable, directement ou
indirectement, un homme qui accomplie sa sordide mission malgré la culpabilité
toujours plus forte parce qu’il ne voit pas d’autre possibilité, parce qu’il n’est
plus temps de tergiverser, parce que la vie est à deux doigts de disparaitre
totalement de la surface de la Terre et qu’il ne peut pas rester sans rien
faire. Il a pris ses responsabilités, même si cela signifie répandre la mort
sur son passage et vivre un éternel tourment intérieur. J’ai beaucoup d’admiration
pour lui, car je ne sais honnêtement pas si je serai capable de sacrifier ma
bonne conscience au profit de l’humanité … si je serai capable de me salir les
mains comme il le fait pour servir une cause qui me dépasse. Certains verront
sans doute dans ce personnage un simple meurtrier illuminé, mais je préfère
quant à moi le considérer comme le véritable héros de cette sombre histoire …
En bref, vous l’aurez bien compris, avec ce
roman, Aurélie Wellenstein ne se contente pas de nous raconter une histoire de
piraterie post-apocalyptico-fantastique, même si on peut tout à fait s’arrêter
à cette première grille de lecture purement « romanesque ». A travers
ce récit, elle lance un message d’alerte, elle se fait le porte-parole de ces
milliards d’animaux marins morts à cause de l’homme, que ce soit du fait de la
pêche intensive ou de celui de la pollution des océans ou du réchauffement
climatique. A travers ces personnages, elle interroge la question de l’humanité,
de la fragilité de cette humanité – à comprendre à la fois comme « l’ensemble
des humains » et comme « nature humaine » –, la question des
responsabilités et des fardeaux … Elle met sa magnifique plume au service de ce
message, et offre à son lectorat un roman coup-de-poing, percutant, foudroyant,
effrayant … mais pour ma part aussi, un roman coup-de-cœur, captivant, haletant,
palpitant. A lire, à relire et à faire lire !
Ce livre
a été lu dans le cadre du Tournoi des 3 Sorciers
(plus
d’explications sur cet article)
cet ouvrage est dans ma wish depuis un petit moment va vraiment falloir que je le trouve avec ton avis ... :o
RépondreSupprimerJe crois vraiment que j'ai besoin de lire ce livre. Étant très touchée par la cause animale, et vu le nombre d'avis positifs autour de ce roman, j'ai extrêmement envie de me l'acheter ! ;)
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