samedi 6 avril 2019

Lignées - Sophie Zimmermann


Lignées, Sophie Zimmermann

Editeur : Publishroom
Nombre de pages : 337

Résumé : Ava vit dans un monde bâti grâce à la fusion cellulaire définissant des Lignées d'individus aux caractéristiques particulières. Dans cette société où les émotions sont atténuées et les contacts corporels inexistants, un équilibre semble régner entre les êtres humains. Un idéal auquel croit la professeure, jusqu'au jour où un groupe armé fait irruption dans sa classe et la kidnappe. Peu à peu, les révélations s'enchaînent et l'illusion s'estompe. L’utopie n'était qu'une façade; un projet d'extermination est en marche, et Ava se retrouvera rapidement embarquée dans une bataille pour assurer l'avenir de l'humanité.


Un grand merci à Sophie Zimmermann pour l’envoi de ce volume (et le petit marque-page surprise !) et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

- Un petit extrait -

« – Les êtres humains ont tous des organes sexuels qui, autrefois, leur servaient pour la reproduction. Comment se fait-il aujourd’hui qu’ils soient présents mais inactivés ?
– Cette inactivation s’est faite progressivement et parallèlement à l’augmentation des fusions. Actuellement, les êtres humains, pour se reproduire, doivent trouver un connecteur. Et cette recherche a favorisé l’action de nos capacités intellectuelles et cérébrales au détriment de l’alchimie pouvant exister entre un homme et une femme.  »

- Mon avis sur le livre -

Qui dit fin d’année scolaire dit approche imminente des partiels, des concerts de la chorale et des représentations théâtrales (tout cela en l’espace de deux semaines) … et donc énormément de stress en perspective ! C’est pourquoi, malgré les révisions et les nombreuses répétitions, je m’efforce de me ménager un peu de temps pour lire chaque jour : rien ne vaut un bon livre pour lutter contre l’anxiété, et je suis toujours plus efficace après m’être évadée dans un monde livresque ! C’est d’ailleurs pourquoi je me suis composée une « pile à lire spéciale fin d’année » composée quasi exclusivement d’ouvrages de fantasy et de science-fiction : dépaysement assuré pour évasion maximisée !

2615. L’humanité a trouvé un nouvel équilibre grâce à la mise en place de l’Etat mondial et au procédé de fusion cellulaire et d’utérus artificiel permettant d’éradiquer les maladies génétiques, la mortalité infantile et celle liée à l’accouchement. Les contacts corporels sont proscrits, les émotions sont bridées, au profit d’une retenue et d’un pragmatisme à toute épreuve. Ava est Ligneuse-reproductrice : elle est très fière de réaliser les fusions cellulaires permettant de donner naissance à de nouveaux petits êtres humains. Toutes ses certitudes s’effondrent le jour où un groupuscule armé fait irruption dans son cours pour l’enlever, persuadé qu’elle fait partie d’une organisation malveillante liée au Gouvernement … 

Cela fait plus d’une heure que j’ai commencé à rédiger cette chronique, plus d’une heure que je tourne la question en long, en large et en travers : comment diable vais-je réussir à vous parler de ce roman sans trop vous en dévoiler ? Car tout l’intérêt de ce récit réside justement dans cette ignorance qui laisse progressivement place à de terribles découvertes, qui remettent tout en question. Ava est persuadée que l’organisation actuelle de la société a permis à l’humanité de trouver son équilibre : tandis que les humains des temps passés se laissaient dominer par leurs émotions, leurs désirs égoïstes et leurs ambitions démesurées, elle et ses contemporains ne sont guidés que par leur raison et leur sens logique. L’argent a disparu, chacun reçoit de quoi subvenir à ses besoins en travaillant, l’accumulation d’objets « inutiles » comme les bijoux est proscrit afin d’éviter la surconsommation des ressources planétaires et la jalousie entre les individus … Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes – d’ailleurs, le fait que les êtres humains soient créés en laboratoire et que les fœtus se développent dans des incubateurs ne peut que faire penser au formidable récit d’Aldous Huxley … Mais petit à petit, au contact de ses ravisseurs, Ava va se rendre compte que les pires travers de la nature humaine n’ont pas disparu, et que la violence et la quête de puissance menacent toujours l’humanité …

Contrairement à trop d’auteurs de science-fiction qui s’obstinent à vouloir tout expliquer au lecteur dès les premiers chapitres, Sophie Zimmermann distille les informations à propos de ce futur au compte-goutte, lorsque le moment est opportun : merci à elle ! Il n’y a rien de plus indigeste pour le lecteur que ces longs chapitres introductifs durant lesquels ils ne se passent absolument rien ! Ici, l’action débute dès les premières pages : notre héroïne et narratrice, dont nous ne connaissons pas encore le prénom, se fait enlever sous les yeux de ses étudiants ! Que lui veulent ces hommes armés et cagoulés ? Au début, le flegme et la rationalité extrême d’Ava nous laisse pantois : comment fait-elle pour rester aussi calme, aussi détachée, alors qu’elle vient de se faire kidnapper par des individus visiblement hostiles ? Mais petit à petit, nous comprenons que cette maitrise de soi est le lot commun des êtres issus de la fusion, chez qui les émotions sont émoussées, bridées par l’exigence de rationalité qui régit cette société. La question se pose alors : si, pour abolir violences et convoitises, le prix à payer était nos émotions et sentiments, ce qui fait de nous des êtres humains et non de simples machines, que devrions-nous privilégier ? La sécurité, ou notre humanité ? Dans le futur d’Ava, les couples ne se forment plus selon une attirance inexplicable, mais selon le degré de comptabilité intellectuelle et génétique, garante de la pérennité de la relation et de l’espèce … Mais qu’en est-il de l’amour ?

Lignées est un roman avec lequel il est tout simplement impossible de s’ennuyer : il n’y a aucune longueur, aucun temps mort. Le lecteur, tout comme Ava, ne peut plus s’extirper de cette situation dans laquelle il s’est retrouvé mêlé : on le sent, quelque chose de dangereux se trame dans l’ombre, et il n’y a plus de temps à perdre. Mais l’enquête piétine, chaque nouvelle découverte, loin de les aider à comprendre les desseins de ce mystérieux groupuscule gouvernemental, ne fait que les plonger un peu plus la perplexité … Pour Ava, c’est encore pire : son monde s’écroule, tout ce qu’elle tenait pour acquis, tout ce en quoi elle croyait, s’avère être un incroyable mensonge … dans une société où l’honnêteté est pourtant considérée comme l’une des valeurs les plus importantes. Tout comme elle, on ne sait plus à qui se fier, on ne sait plus que croire … car tout comme elle, pour elle, on souhaiterait que ces révélations soient fausses. On s’attache énormément à Ava, et on a mal pour elle … D’autant plus que contrairement à nous qui connaissons la folie et la cruauté humaines – il n’y a qu’à allumer le journal télévisé pendant cinq minutes pour s’en rendre compte –, elle n’avait jusqu’alors vu que le « bon » côté de l’homme … Et la chute n’en est que plus douloureuse pour elle.

En bref, vous l’aurez bien compris même si je m’efforce d’en dévoiler le moins possible pour ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte, j’ai beaucoup aimé ce roman d’anticipation ! Entre action et émotion, entre révélations et introspections, Sophie Zimmermann nous offre un récit complet et profond qui pose de grandes questions sur l’humanité et sur notre propre société. Les personnages sont incroyablement attachants, on a terriblement envie de voir Ava et ses compagnons triompher de cette organisation aux desseins obscurs ... C’est un livre aussi émouvant que palpitant, aussi saisissant que poignant : on retient son souffle, on a les larmes aux yeux, on soupire de soulagement, on sourit d’émotion … C’est vraiment un très bon premier roman qui ravira autant les adeptes de récits au rythme effréné que les amoureux de romans qui appelle à la réflexion sur notre présent en présentant un avenir aussi utopique qu’effrayant. Alors, prêt à embarquer aux côtés d’Ava pour de formidables aventures ?



Ce livre a été lu dans le cadre du Tournoi des 3 Sorciers
(plus d’explications sur cet article)

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