Editeur : Folio junior
Nombre
de pages : 288
Résumé : Ken est revenu pour les vacances dans le
ranch familial du Wyoming. Il rêve d'avoir un poulain tout à lui, un cheval qui
serait aussi son ami. Mais Flicka, la pouliche qu'il a choisie, est issue d'une
lignée de chevaux sauvages et indomptables. Elle se rebelle contre les hommes
qui veulent la capturer et se blesse gravement. Tous la croient condamnée. Tous
sauf Ken. Réussira-t-il, grâce à sa ténacité et à son amour, à sauver Flicka et
à l'apprivoiser?
- Un petit extrait -
« Le poulain de Rocket — un yearling, une pouliche — la sienne à lui. Il n’avait pas eu à la choisir, elle s’était donnée. Elle lui appartenait parce que d’un regard elle lui avait demandé secours. Elle lui appartenait à cause de sa beauté sauvage, de sa vitesse, et parce qu’à sa vue, à sa seule pensée, il sentait faillir son cœur. »
- Mon avis sur le livre -
Quand je pense que j’ai lu ce livre pour la
toute première fois à l’âge de huit ou neuf ans, l’ayant emprunté à la bibliothèque
de l’école, sans la moindre difficulté, alors qu’il est désormais « destiné »
aux collégiens de douze à quinze ans, je me demande bien ce que lirons nos
jeunes dans quelques dizaines d’années …. Il n’y a pourtant rien de bien
compliqué dans Mon amie Flicka : le vocabulaire employé est tout à fait abordable, et l’histoire
elle-même est fort simple ! On s’étonne que les enfants ne lisent plus de
romans : mais comment voulez-vous qu’ils « s’entrainent » si on
ne leur propose plus que des petits récits illustrés de moins de cinquante
pages jusqu’à leur entrée au collège ? Je me souviens de ma maitresse qui,
lorsqu’elle nous emmenait à la bibliothèque municipale, nous obligeait à
prendre « au moins un roman de plus de cent pages » pour nous faire
oublier les albums « premières lectures », et ce dès le CE2 !
Mary O’Hara a écrit un roman pour enfants : donnons-le donc à lire aux
enfants, nom d’un petit bonhomme en mousse !
Ken a dix ans, la tête dans la lune, et un
rêve indestructible : avoir un poulain rien qu’à lui, qu’il dresserait
comme un grand, et qui deviendrait son meilleur ami. Mais son père refuse
catégoriquement de lui donner un poulain : il casse tout, il perd tout, et
voilà qu’il va redoubler sa classe pour avoir rêvé en classe au lieu de rédiger
sa rédaction ! Heureusement, sa mère parvient à convaincre le capitaine Mc
Laughlin que leur fils cadet a besoin de prendre confiance en lui, de réussir
quelque chose pour devenir un « grand garçon ». Ken a donc une
semaine pour choisir son poulain parmi tous les yearlings du ranch. Mais voilà
que Ken s’entiche de Flicka, une jeune pouliche sauvage et indomptable comme l’était
sa folle-dingue de mère et son rebelle grand-père. Le petit garçon
parviendra-t-il à apprivoiser l’intrépide Flicka, là où tout le monde a échoué ?
Hier comme aujourd’hui, beaucoup d’enfants
peuvent se retrouver dans le portrait de Ken : un petit garçon rêveur, que
l’école n’intéresse guère, et qui préfère jouer dans la nature que faire ses
devoirs ! Mais aussi un petit garçon qui, malgré sa maladresse et son
insouciance, tente désespérément de rendre son père fier de lui, d’accomplir ce
que ce dernier lui demande, mais qui échoue continuellement, sans jamais
baisser les bras mais avec un découragement toujours plus grand. Difficile d’atteindre
les idéaux que les parents font peser sur les enfants ! J’ai beaucoup d’affection
pour le petit Ken, si plein de bonne volonté mais qui ne parvient pas à lutter
contre sa propension à rêver tout éveillé, contre l’attrait irrésistible des
nuages qui passent et des feuilles qui dansent en tombant de l’arbre. Son
obstination est vraiment touchante : il n’imagine pas sa vie sans un
poulain, un poulain qu’il aimerait plus que tout, et qui l’aimerait plus que
tout. Pour Ken, comme pour beaucoup d’enfants – et quelques adultes ayant gardé
leur âme d’enfant –, Amitié rime avec Inconditionnée : son poulain et lui
seront les meilleurs amis du monde, sinon rien.
Et voilà que Flicka surgit dans sa vie, s’impose
à lui, elle la pouliche indomptable, issue d’une lignée de vrais sauvages, « bons
à rien », « dingos » … mais aussi la fille du meilleur étalon du
ranch, le plus fier et intelligent. On lui prédit de grands malheurs, et
surtout un échec profond : pour ces éleveurs du Wyoming, un cheval « dénoué
de bon sens » est forcément un mauvais cheval, bon à abattre, pour ne pas
qu’il « contamine » la lignée par son sale caractère. Quand on aime
les chevaux aussi intensément que Ken aime son poulain – celui qu’il voit dans
ses rêves –, c’est vraiment dur de lire ce genre de propos, de savoir qu’il n’y
a pas si longtemps, on n’hésitait pas à mettre une balle dans la tête des
chevaux trop « sauvages ». C’est une triste et terrible réalité que
Mary O’Hara nous décrit ici, sans jamais chercher à cacher ou atténuer la
dureté des événements : elle ne fait que relater ce qui constituait le
quotidien des véritables ranchers du Wyoming. Les bons moments comme les moins bons,
les moments de grâce – les fières galopades des poulinières accompagnées de
leurs frêles et majestueux poulains – comme les jours sombres – la castration
des jeunes mâles.
Mais surtout, elle nous raconte cette
formidable histoire d’amitié entre un petit garçon insouciant et une jeune
pouliche récalcitrante. Entre un petit garçon et une jeune pouliche qui ne
rêvent que de liberté. Bien que cette rencontre tarde à arriver – le début
pourrait être caractérisé de « longuet » … s’il n’était pas aussi
intéressant ! –, elle constitue le cœur même de ce premier tome, où Ken et
Flicka apprennent à se connaitre et à s’aimer. Car c’est bien connu : les
plus terribles épreuves cimentent les amitiés les plus solides. Gravement
blessée, incapable de se débrouiller seule, Flicka ne doit son salut qu’aux
bons soins de Ken, qui refuse de voir la vérité en face et est le seul à croire
qu’elle peut s’en remettre. C’est ainsi que la pouliche, élevée jusqu’alors par
sa mère, une jument haïssant les êtres humains, apprendra à offrir sa confiance
à ce petit homme si attentionné. Et c’est ainsi que Ken, garçonnet étourdi,
rêveur et insouciant, grandit sans même s’en rendre compte, et prend conscience
des conséquences de ses actes, même ceux qu’il croyait « anodins » …
En bref, vous l’aurez bien compris, je suis
sous le charme de ce petit roman, à la fois tendre et dur, à la fois captivant
et intéressant. L’espace de quelques centaines de pages, j’ai voyagé, voyagé
dans un ranch où cohabitent des dizaines de chevaux et quelques humains, dans
un ranch où les rêves d’un petit garçon se transforment enfin en réalité. J’ai
été émue par cette belle histoire d’amitié et de loyauté entre un petit garçon
et une jeune pouliche, j’ai été attendrie par l’amour que Nell donne à ses deux
garçons, j’ai été touchée par Rob, ce père sévère mais bienveillant qui ne sait
plus que faire avec son cadet. J’aime beaucoup la plume de Mary O’Hara, qui ne
se contente pas de raconter une histoire : elle nous invite à la vivre, à
marcher aux côtés de Ken et de Flicka, à partager le quotidien de cette famille
de ranchers, à admirer les vertes prairies du Wyoming comme si on y était … Et
le plus incroyable, c’est qu’on y est, finalement : il suffit de se
laisser porter par cette belle histoire joliment narrée qui n’attend plus qu’à
faire rêver les enfants … et aussi les plus grands !
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