La marche du prophète
Editeur : Scrineo
Nombre de pages : 375
Résumé : Leth Marek, champion d’arènes, se retire invaincu, au sommet de sa
gloire. Il a quarante ans, une belle fortune et deux jeunes fils qu’il connaît
à peine. C’est à Kyrenia, la plus grande cité du monde, qu’il a choisi de les
élever, loin de la violence de sa terre natale. Lorsqu’il croise la route d’un
culte itinérant, une étrange religion menée par un homme qui se dit prophète,
l’ancien champion ignore que son voyage va basculer dans le chaos. Le plus violent des combats est celui que l’on
mène contre ses propres croyances …
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Un petit extrait -
« Respirer. Ne plus penser à rien. Sentir sous ses doigts le manche rugueux de la hache, planter son talon dans le sable de l’arène, fermer les yeux et attendre. Oublier le murmure de la foule, la chaleur qui montait du sol, le claquement des bannières au sommet des gradins. Se recueillir, comme pour une prière. Un rituel si familier qu’il en devenait presque apaisant, quelques secondes à peine avant le choc des armes. Mais, cette fois, Leth Marek ne put s’empêcher d’ouvrir les yeux, car c’était la dernière. »
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Mon avis sur le livre -
Lorsque j’étais au collège, mon
genre de prédilection était la fantasy, je ne lisais quasiment que cela. Puis,
progressivement, mon répertoire s’est étoffé au point que la fantasy ne
constituait plus qu’un maigre pourcentage de mes lectures, remplacée par
la dystopie. Cependant, depuis quelques mois, de plus en plus de sagas de
fantasy me tentent énormément. Parmi elles, le dyptique Aeternia, que j’ai
ainsi emprunté très récemment au bibliobus. Outre une couverture
particulièrement belle, le résumé était suffisamment mystérieux pour me vendre
du rêve.
Je préfère vous prévenir de
suite : il m’est très difficile de rédiger cette chronique. En effet, j’ai
énormément de choses à dire mais trop peu de mots pour le faire. Vous
remarquerez très rapidement que cette lecture a été un coup de cœur colossal,
surement l’une des lectures les plus mémorables de toute ma vie de lectrice. Si
on me proposait de le relire de suite, quelques jours à peine après l’avoir
terminé, j’accepterai sans aucun doute, sans même songer une seconde à cette
énorme pile à lire qui me nargue toujours plus achats après achats.
Leth Marek est le champion de sa
ville : de toute sa carrière, il n’a jamais perdu un seul combat. Il
décide cependant de prendre sa retraite afin d’élever ses deux jeunes fils,
qu’il connait à peine, dans la plus grande et la plus réputée de toutes les
villes du continent : Kyrenia. Accompagné de toute sa petite troupe de
domestiques, qui refusent formellement de le quitter, l’ancien gladiateur
se met donc en route pour sa nouvelle existence, se familiarisant
maladroitement avec son nouveau statut de père. Cependant, suite à une terrible
épreuve qui va le dévaster, sa vie prend un nouveau tournant : aveuglé par
la rage et le désir de vengeance, Leth Marek va accepter de mettre sa hache de
combat au service d’un culte naissant et itinérant, le culte d’Ochin, en guerre
ouverte avec la religion officielle.
Varian, de son côté, est un jeune
novice qui vient d’entrer au Temple de Kyrenia. Plein d’ardeur et d’ambition,
le jeune homme va se retrouver entrainé dans de sombres machinations politiques
et commerciales, qui lui feront comprendre que, s’il veut gravir rapidement les
échelons, c’est sa ruse et non sa foi qui l’y aidera. Propulsé en quelques
semaines au titre de chroniqueur d’un grand prêtre, il sera aux premières loges
pour assister au conflit qui oppose le Temple aux fidèles de ce culte nouveau
qui menace l’équilibre de la cité. Tout d’abord fier d’être parvenu en si peu
de temps à entrouvrir les portes des hautes sphères, il va cependant rapidement
comprendre que sa promotion est un cadeau empoisonné : s’il veut survivre,
il n’a pas le droit à l’erreur. Entre secrets et trahisons, son quotidien n’est
pas de tout repos.
L’intrigue en elle-même est donc
assez complexe : manipulations et complots rythment les pages, tandis que
les révélations s’enchainent, pour les personnages comme pour le lecteur.
Monsieur Katz est un maitre dans l’art de mener en bateau ses lecteurs :
d’un bout à l’autre du roman, il parvient à nous faire imaginer tel ou tel
dénouement pour ensuite briser toutes nos certitudes avec un coup de théâtre
terriblement bien mené. Plus d’une fois au cours du roman, je me suis exclamée
« QUOI ? Mais c’est pas possible, ça ne peut pas être
cela ! » ou autres expressions trahissant ma profonde surprise. Sans
parler du final, tellement inattendu et insolite pour me déstabiliser
durablement : plusieurs jours après, j’ai toujours du mal à me faire à l’idée
que oui, l’auteur a bien fait ça. Pour tout avouer, il m’a fallu relire
plusieurs fois le chapitre pour m’assurer que j’avais bien lu et bien compris
ce qui venait de se passer. Mais rien à faire, les mots ne changent pas et ma
stupéfaction demeure.
Les protagonistes quant à eux sont
profonds, uniques et inoubliables. Leth Marek est un personnage plutôt atypique
pour un roman estampillé « young adult » : quadragénaire, en
apparence plus proche de la brute sans cervelle que du jeune héros réfléchi et
idéalisé que nous offrent la plupart des livres actuels, Leth Marek est
pourtant un personnage que j’ai énormément apprécié. Bien plus sensible et
sympathique qu’il ne veut bien se l’admettre, il connait une évolution profonde
au cours du roman, ce qui le rend très intéressant à suivre. Varian est
également un personnage passionnant : à la fois opportuniste et
inexpérimenté, il est tantôt agaçant tantôt touchant. Intelligent, il a
cependant du mal à accepter les terribles réalités qui l’attendent dans les coulisses
des hauts sommets. Il court de désillusions en révélations et, malgré tout,
parvient à garder la tête sur les épaules et à prendre rapidement des
décisions : cela force le respect.
Plus globalement, j’ai trouvé les
personnages très intéressants et très bien construits. Ils sont nombreux, mais
pas une seule fois je n’ai été perdue ou embrouillée : l’auteur a réussi à
rendre chacun d’entre eux uniques et indispensables, de sorte que je n’ai eu
aucune difficulté à suivre les différentes apparitions au cours du roman car
ils ont tous un signe distinctif. Si certains personnages sont assez
déplaisants, d’autres attirent facilement la sympathie du lecteur, mais tous
restent très mystérieux : on ne sait pas grand-chose des personnages, dans
le fond, on n’apprend pas réellement à les connaitre. Tout comme Leth Marek ou
Varian, on les rencontre et on fait un bout de chemin avec eux, sans jamais en
savoir plus sur leur passé ou leurs motivations. En temps normal, cela m’aurait
frustré, mais ici, ça colle parfaitement avec l’ambiance du roman.
L’ambiance, justement. L’univers
dépeint par l’auteur est un monde sombre, brutal, archaïque … et très réaliste.
Je n’ai eu aucune difficulté à me représenter les scènes qui se déroulaient au
cours des pages. Car en plus d’être un fin manipulateur de lecteurs, monsieur
Katz manie la plume avec aisance : son style est sobre, descriptif et
dynamique. On pourrait presque dire « efficace ». Aucune longueur, aucune
lourdeur, mais rien ne manque à l’appel : les descriptions, les
introspections, les dialogues bien menés … Même constatation pour le rythme qui
s’ajuste parfaitement aux circonstances. Ce livre se lit donc très rapidement,
grâce à sa qualité du point de vue de l’écriture et grâce à son fort pouvoir
addictif !
En bref, comme
annoncé au début, ce livre est un véritable coup de cœur. Pas de clichés dans
ce roman, tout est finesse et nuance, et ça fait vraiment du bien. On découvre
des personnages atypiques, bien différents de ceux qu’on peut rencontrer dans
la majorité des romans young adult, et cela ne fait que renforcer
l’attractivité du livre … On entre dans un univers complexe et riche, où la
religion se mêle à des considérations politiques, sociales et commerciales, et
où l’émergence d’un culte nouveau risque de mettre en péril la société dans son
ensemble … On est porté par une intrigue aussi subtile que captivante, forte en
rebondissements et en révélations chocs, qui n’épargne rien au lecteur sans
jamais le décourager … Que demander de plus ?
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