Editeur : France Loisirs
Nombre de pages : 498
Résumé : Adèle a 17 ans lorsqu’elle décide de confier Raphaël, son nouveau-né,
à l’orphelinat des sœurs de la Charité. Elle espère ainsi qu’il connaitra une
vie meilleure que la sienne. Peu après, en pleine nuit, Vincent, un autre
nourrisson, arrive chez les sœurs. Ce dernier est recueilli par une famille
aimante, à l'inverse de Raphaël, adopté par des paysans qui l'exploitent comme
main-d’œuvre gratuite. Quelques années plus tard, leurs chemins vont se
croiser. Quel terrible secret entoure les deux enfants ? Ils l’ignorent encore, mais leurs deux
existences sont liées à jamais …
- Un petit extrait -
« Adèle aimait la douceur automnale, quand l'aube prenait comme par magie la teinte des rêves. Quand l'horizon s'aquarellait de pourpre et de violine. Quand les vallées retenaient le brouillard pour mieux étouffer les cris. Le silence ouaté semblait la protéger. Les bruits se perdaient. Et lorsque les dernières écharpes de brume finissaient de s'étioler, que le ciel aiguisé par le vent du nord secouait la cime des arbres, elle respirait à pleins poumons comme pour se ressourcer. C'était sa manière de nier l'évidence. De refuser la fatalité quotidienne qui lui collait à la peau. »
-
Mon avis sur le livre -
Je pense que vous
l’aurez compris au vue de mes autres chroniques, je ne lis quasiment que des
livres adolescents ou jeunes adultes. J’ai cependant sur mes étagères quelques
romans de littérature « pour adultes » qui attendent depuis des
années d’être lus. Cette semaine, n’ayant pas particulièrement d’envie
particulière sur le plan de la lecture, j’ai été fouillé un peu parmi ces
oubliés de la pile à lire. C’est d’abord le regard du gamin de la couverture
qui m’a fait choisir ce livre : quelle profondeur ! Puisque le résumé
m’intriguait également, j’ai cessé de me poser des questions et me suis
embarquée dans cette lecture qui sortait de ma zone de confort. Et je suis bien
contente de l’avoir fait !
Dans la première
partie, nous suivons donc Adèle, une jeune fille de dix-sept ans qui a passé
son adolescence à travailler dur pour le compte d’un couple de fermiers qui l’a
recueillie suite au décès de ses parents, cinq ans plus tôt. Secrètement amoureuse du pasteur du village,
Adèle se voit cependant contrainte de fuir cette maisonnée et rejoint la ville
dans l’espoir d’échapper aux avances fébriles du fils ainé de la famille.
Perdue dans cette vaste cité, elle va devoir trouver un travail tout en
affrontant l’horrible réalité : elle est enceinte. Après des mois de
misère et d’angoisse, elle va donner naissance à un petit garçon, qu’elle
nommera Raphaël et qu’elle confiera à un orphelinat tenu par des sœurs dans l’espoir
que son fils aura une vie meilleure que la sienne.
C’est ensuite l’enfance
de Raphaël que l’auteur nous invite à suivre. Adopté quelques jours après son
arrivée à l’orphelinat par un couple de paysans qui ne peuvent avoir d’enfants,
le nourrisson ne va cependant pas être couvert d’amour et d’affection. Bien au
contraire : à partir du moment où il eut l’âge de marcher, l’enfant va trimer
dur aux champs, à l’étable et à la ferme. Suite à une punition digne du bagne,
Raphaël, alors âgé de treize ans, va fuguer et tenter de rejoindre cette jeune
femme qui, deux années plus tôt, est venu lui parler pour lui annoncer qu’elle
était sa mère. Cependant, les choses ne sont pas aussi évidentes qu’elles n’en
ont l’air, et un secret, celui que garde précieusement la mère supérieure de l’orphelinat,
risque bien de bouleverser toute son existence …
Adèle et Raphaël sont deux personnages très attachants : leur vie a
beau être remplie de malheurs, ils continuent de se battre pour affronter
dignement leur avenir. Tous deux vont faire l’expérience de la misère et de la
solitude, de la pauvreté et de la crainte permanente d’être choppé par la
gendarmerie. Adèle est une jeune femme déterminée mais très naïve, qui ne sait
pas choisir prudemment les personnes auxquelles elle donne sa confiance. Sa
fragilité va attirer les intentions mauvaises de certains individus, mais va
également lui permettre d’engendrer la compassion des personnes honnêtes et
généreuses. Raphaël, lui, est plus sombre : il porte en lui une haine et
une violence dont il ne connait pas véritablement l’origine. Plus débrouillard,
il vogue cependant de malchances en mésaventures et ne sera pas mieux loti qu’Adèle.
L’intrigue en
elle-même est bien menée : si le lecteur apprend assez rapidement le « terrible
secret » dont parle le résumé, il est quasiment impossible de deviner le
dénouement de l’histoire à l’avance. Plusieurs fois au cours du roman, on a le
sentiment que la révélation ne pourra jamais avoir lieu, que le nœud de ce
secret ne pourra jamais être démêlé. Le roman tout entier est construit autour
de secrets, de non-dits, de découvertes jamais partagées, et pour le lecteur
qui a quant à lui toutes les informations réunies, c’est assez intéressant de
constater à quel point le cours d’une vie peut se jouer à un renseignement
prêt. J’ai été vraiment surprise du dénouement final : je ne m’attendais
absolument pas à cette éventualité !
L’écriture de
monsieur Laborie est très jolie, très agréable à lire. Il nous transporte au cœur
des Cévennes, une région qu’il semble aimer profondément : les
descriptions des paysages et des villages sont de véritables invitations au
voyage. Le roman est une jolie brique de cinq-cents pages, l’histoire s’étale
sur plusieurs décennies, mais je ne me suis pas ennuyée une seule seconde. Le
récit est très fluide : les descriptions succèdent aux actions, les
introspections côtoient les conversations. Le seul bémol que j’ai à apporter
concernent les ellipses temporelles : elles sont très nombreuses et j’avais
parfois un peu de mal à me situer dans le temps, je ne savais plus quel âge était
censé avoir Raphaël, ni à me situer par rapport aux événements historiques.
Car l’histoire a
une importance capitale ici : nous suivons tout d’abord la naissance du
syndicalisme, puis la première guerre mondiale et enfin les retombées de la
crise économique de 1929. Les personnages évoluent au milieu de ses événements,
qui conditionnent leur situation et leurs choix. J’ai d’ailleurs beaucoup
apprécié ce côté « roman historique » qui n’était absolument pas
annoncé dans le résumé : je suis passionnée d’histoire, pas pour apprendre
des dates mais pour en savoir plus sur les conditions de vie au cours des époques.
Et ici, nous avons un aperçu de cela : nous en apprenons plus sur l’éducation
des enfants dans les familles paysannes du début du dix-neuvième siècle, nous
suivons les soldats au cœur des tranchées et des combats, puis nous assistons
aux prises de décisions des patrons industriels face à la crise.
L’enfant
rebelle a donc été une
très bonne lecture et une très bonne découverte. Il s’agit d’un roman porté par
des personnages marquants, d’une intrigue au dénouement inattendu et d’un cadre
joliment décrit par un auteur talentueux. Je compte d’ailleurs chercher ses
autres romans lors des prochaines bourses aux livres que je visiterai. Je suis
vraiment heureuse d’avoir dépassé mes préjugés sur la littérature « pour
adulte » et je pense que je réitérerai l’expérience assez rapidement car c’est
parfois positif de sortir de sa zone de confort ! La preuve en est cette
très belle surprise littéraire.
Vous faites une très bonne analyse de "L'enfant rebelle" qui est une petite perle mais, s'il vous plait, ne vous limitez pas à ce livre de Christian Laborie. S'il dépasse souvent l'enfance et l'adolescence qui semble vous interpeller, il y retourne souvent avec beaucoup de douceur et de doigté. Je ne crois pas trahir un secret en disant qu'il est lui même grand-père et très fier de l'être. Lisez tout Christian Laborie, il en vaut vraiment la peine.
RépondreSupprimerMarie-Ange Jacobs (Belgique)
Je vous remercie pour votre gentil message. Je compte effectivement lire d'autres romans que Christian Laborie dès que possible ;)
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