mercredi 29 juin 2016

Je t'ai rêvé - Francesca Zappia



Je t’ai rêvé, Francesca Zappia

Editeur : Robert Laffont
Collection : R
Nombre de pages : 442

Résumé : Vous, les gens normaux, êtes tellement habitués à la réalité que vous n'envisagez pas qu'elle puisse être mise en doute. Et si vous n'étiez pas capables de faire la part des choses ? Jour après jour, elle se retrouve confrontée au même dilemme : le quotidien est-il réel ou modifié par son cerveau détraqué ? Dans l'incapacité de se fier à ses sens, à ses émotions ou même à ses souvenirs, mais armée d'une volonté farouche, Alex livre bataille contre sa schizophrénie. Jusqu'où peut-elle se faire confiance ? Et nous, jusqu'où pouvons-nous la croire ?


- Un petit extrait -

« Je ne pouvais me payer le luxe de prendre la réalité pour acquise. Je ne peux pas dire que je détestais tous ceux qui le faisaient, puisque c'était le cas du monde entier. Je ne détestais personne. C'est juste que je vivais dans mon monde. Mais ça ne m'a jamais empêchée de souhaiter vivre dans celui des autres. »


- Mon avis sur le livre -

En lisant pour la première fois la quatrième de couverture, assise au pied du rayonnage « Nouveautés » de l’espace librairie du supermarché, je me suis demandé sur quoi j’étais tombée. Alors, pour me faire une idée plus précise de ce roman dont la couverture m’attirait irrémédiablement, j’ai commencé à le lire, comme cela, en attendant que mes parents ne viennent me rejoindre. Cette décision fut une des plus grosses erreurs de ma vie de lectrice : lorsqu’il a fallu que je repose ce roman, après plus de deux-cents pages, en sachant que je ne connaitrais pas la fin avant un certain temps, je fus envahie d’un abattement effroyable. Et cette attente effroyable a duré bien longtemps, jusqu’à ce qu’enfin je le trouve en occasion. Il m’a ensuite fallu patienter le temps de la livraison, attendre d’avoir achevé ma lecture en cours pour enfin reprendre ma lecture (de zéro pour mieux en profiter) !

Dès le prologue, nous comprenons que nous avons affaire à une narratrice atypique. Ce qui n’est alors qu’une vague impression est confirmée dès le premier chapitre, où Alexandra nous dévoile ce que le résumé clame bien fort : elle souffre de schizophrénie. Je dois bien l’avouer, au départ, j’ai eu peur que l’auteur n’ait utilisé ce terme à tort et à travers, mais j’ai rapidement été rassurée : même si ce trouble est parfois « enjolivé » ou « romancé », on sent qu’il y a eu un réel travail de recherche avant l’écriture. C’est déjà un très gros bon point pour ce livre car, pour des raisons personnelles, je m’intéresse particulièrement aux maladies psychiques et psychologiques, et que je suis horripilée à chaque fois que quelqu’un a le malheur de confondre « schizophrénie » et « dédoublement de la personnalité » devant moi. Aussi, je suis ravie qu’une auteure ait écrit un roman young adult à ce sujet, j’espère ainsi que les lecteurs auront ainsi appris à faire la distinction entre ces deux pathologies !

Nous suivons donc le quotidien d’Alexandra, adolescente qui tente de concilier arrivée dans un nouveau lycée et gestion d’une maladie qui l’oblige à se demander sans cesse « Est-ce que je vois et entends est vrai ou n’est-ce que le fruit de mon imagination démesurée et incontrôlée ? ». La narration à la première personne conduit le lecteur à se poser la même question : qu’est-ce qui, dans ce qu’Alex décrit, est réel et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Quels sont les éléments qui dépendent de la lucidité et quels sont ceux qui sont les conséquences d’une hallucination ? Souvent, la réponse semble évidente, mais d’autres fois c’est plus difficile de trancher. Parfois, Alexandra elle-même juge telle chose trop loufoque et invraisemblable pour être vraie, aussi nous sommes tout aussi surpris qu’elle lorsqu’elle découvre qu’il s’agit pourtant de la réalité. Et le contraire arrive également : des éléments qui nous semblent évidentes et normales s’avèrent n’être que des pures inventions de son esprit. C’est d’ailleurs la grande force de ce roman : réussir à semer le doute dans la raison-même du lecteur, parvenir à lui faire mélanger rêve et réalité, arriver à le faire devenir, l’espace de quelques pages, Alexandra.

Malgré sa maladie, Alex veut vivre une vie la plus ordinaire possible : elle veut avoir son bac, entrer à l’université, avoir un petit boulot …. Alexandra tente de s’adapter au monde « normal », essaye de comprendre comment fonctionne les autres afin de mieux s’intégrer à eux. Ce livre met en effet en évidence les difficultés que rencontrent les personnes atteintes de certaines maladies psychiques à communiquer avec autrui : en effet, pour certains individus, il est très compliqué de comprendre les émotions et les réactions des autres, et encore plus de s’y adapter pour adopter un comportement adéquat et approprié. Cette facette des troubles psychologiques a été parfaitement bien décrite et mise en scène par l’auteur (je pense particulièrement à cette fameuse phrase prononcée par l’un des personnages : « Parfois, je ne sais pas comment il faut se comporter », que j’approuve parfaitement pour la prononcer moi-même assez régulièrement). 

Au cours de cette année scolaire, Alex va donc faire de nombreuses rencontres et expérimenter un certain nombre d’événements sociaux auxquels elle n’a jusqu’alors jamais été confrontées : être invitée à une fête, enchainer blagues et plaisanteries, subir les foudres d’une rivale jalouse …  De manière générale, les événements racontés dans le roman ne sont pas extraordinaires : une rencontre sportive avec un autre établissement, des cours d’anglais ou de physique-chimie. Il y a certaines péripéties qui sortent de l’ordinaire, avec des sorties nocturnes proches de l’illégalité ou des légendes urbaines plus réelles qu’on ne le pense … Toute l’originalité des aventures vécues par Alex tient dans la perception qu’elle en a. En ce qui concerne les personnages, j’applaudis bien fort Francesca Zappia : je les trouve parfaits. Ils sont tous différents, atypiques, avec des traits de caractère bien affirmés mais jamais stéréotypés. Ils ont tous un rôle bien particulier à joue dans l’histoire, dans l’histoire globale et dans l’histoire d’Alex. Certains sont plutôt antipathiques alors que d’autres sont terriblement attachants, mais au fond ils sont surtout réalistes : plus d’une fois je me suis dit « Tiens, c’est rigolo, on dirait tel élève de mon ancien lycée ! ». 

L’écriture est dynamique et fluide, agréable et poétique. Les phrases coulent toutes seules, sans longueur ni lourdeur, les mots semblent s’enchainer naturellement comme s’ils étaient faits pour s’assembler. D’ailleurs, cela s’accorde bien avec l’histoire d’amour que décrit le roman : au vue des premières pages, il était parfaitement évident que ces deux-là étaient faits l’un pour l’autre, à la fois si semblables et si différents, si complices et si distants. Vous l’aurez compris, j’ai trouvé cette romance particulièrement mignonne et touchante. Plus généralement, c’est l’histoire dans son intégralité que j’ai trouvé émouvante : Alex a beau être déterminée et courageuse, il lui arrive bien souvent de craquer et d’être submergée par les événements, et ses proches se trouvent à leur tour désemparés face à cette détresse. Je dois l’avouer, parfois, j’ai eu envie de baffer les parents d’Alex, mais en même temps je comprenais leur réaction face à cette maladie si difficile à comprendre et à assumer. 

Ce livre a donc été un véritable électrochoc, un coup de cœur indéniable, une excellente lecture. Parfois loufoque, cocasse et absurde, parfois sérieuse, profonde et bouleversante, l’histoire d’Alexandra est inoubliable. En alternant légèreté et gravité, l’auteur nous tient en haleine jusqu’à la dernière page, nous fait passer du rire aux larmes et nous entraine dans un esprit torturé par le doute et l’espoir. Un roman que je conseille à tous.

1 commentaire:

  1. Hey! J'ai fini tout récemment ce roman et ce fut également pour ma part un coup de cœur. Je me suis beaucoup retrouvée dans ce que tu as dit et après avoir lu ta critique sur Babelio j'étais curieuse de voir ton avis sur d'autres livres que peut-être j'aurais moi aussi lu :) Bonne lecture et à bientôt peut-être
    Marine du blog leslivreriesdemarine (http://leslivreriesdemarine.wordpress.com)

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