mercredi 15 mars 2017

Sang-de-lune - Charlotte Bousquet



Sang-de-lune, Charlotte Bousquet

Editeur : Gulf Stream
Collection : Electrogène - Dystopie
Nombre de pages : 320
Résumé : Alta. Une cité où les femmes sont soumises à l'autorité des fils-du-soleil. Gia, comme toutes les sang-de-lune, doit docilement se plier aux règles édictées par le conseil des Sept, sous peine de réclusion, ou pire, de mort. Impossible d'échapper au joug de cette société où règne la terreur. Pourtant, le jour où sa petite sœur Arienn découvre la carte d'un monde inconnu, les deux jeunes filles se prennent à rêver à une possible liberté.

Un grand merci à lecteurs.com pour l’envoi de ce roman dans le cadre de l’opération Explobooks.

- Un petit extrait -

« A force de ployer sous le joug des traditions et des lois, les gens oublient qu'ils sont humains. L'insupportable devient pour eux une norme. Et certains, comme notre génitrice, se prévalent d'en être les garants. »

- Mon avis sur le livre -

Gulf Stream + collection Electrogène + dystopie, ce roman avait absolument tout pour me plaire, et c’est sans aucune appréhension que je me suis lancée dans cet ouvrage à peine ma précédente lecture terminée. Déjà, je tiens à préciser que l’objet-livre est particulièrement magnifique : non seulement l’illustration est superbe – avec ce bleu symbole de vérité qui correspond parfaitement à l’intrigue – mais en plus, comme tous les romans de cette collection, la tranche est de couleur – ici le brun, couleur de la terre au sein de laquelle se cache la cité d’Alta. En allant un peu plus loin dans la symbolique des couleurs, ce contraste marron-bleu annonce déjà une part de l’intrigue : du tréfonds de la terre, on cherche l’envol dans le ciel …

Gia, comme toutes les sang-de-lune d’Alta, doit se méfier des ténèbres qui grondent en elle. C’est là une des premières choses qu’on apprend aux filles de cette cité : le mal se cache au plus profond d’elles, et pour le chasser, il faut suivre les règles avec humilité et ferveur. Et suivre les règles, à Alta, c’est obéir aux hommes, les fils-du-soleil, les servir, rester à sa place. Le moindre écart est violemment sanctionné, par la réclusion dans un couvent lunaire ou par la mort. Durant toute son enfance et son adolescence, Gia supporte cette existence sans broncher, sans exprimer les doutes qui grandissent en elle, sans s’attarder sur cette culpabilité ancienne qui la ronge un peu plus chaque nuit sous la forme de cauchemars atroces. Mais quand sa petite sœur, rebelle dans l’âme, trouve un plan, Gia s’autorise enfin à rêver d’une liberté inespérée …

Alors déjà, je dois bien avouer être parfaitement et totalement époustouflée par le talent de l’auteur : en l’espace de quelques pages, quelques phrases, quelques mots même, elle parvient à nous mettre dans l’ambiance si particulièrement qui règne à Alta. En quelques lignes, on comprend quelle est la situation des femmes dans cette société, quelle est l’attitude de Gia à l’égard de cette hiérarchie dictée par la religion. On sent également l’amour qui lie cette jeune fille à sa petite sœur, Arienn, qui porte depuis toujours la révolte en son cœur et pour qui Gia se fait tellement de soucis, de crainte de la perdre. Très rapidement, on saisit toute la complexité du caractère de Gia : à la fois passive, endoctrinée depuis toujours, et survoltée par la vie servile qui l’attend. C’est par amour pour sa sœur puis, plus tard, pour une connaissance retrouvée, que Gia va trouver le courage de se libérer de ses chaines pour oser, enfin, être pleinement elle-même.

Autre point vraiment stupéfiant : le rythme. Il est, à mes yeux, parfait : ni trop rapide, ni trop lent. Suffisamment rapide pour ne pas s’ennuyer, suffisamment lent pour ne pas se sentir dépassé par les événements. Il se passe, finalement, énormément de choses au cours de ses trois-cent pages, mais jamais on a le sentiment que cela va trop vite, que l’action est survolée … L’intrigue est bien menée, tout simplement, avec une vraie gestion de la tension dramatique, avec des scènes d’action entrecoupées de moments plus calmes, tournés vers l’émotion ou l’interaction. Les dialogues sont vivants, rythmés, percutants : ils ne sont pas là pour combler un vide, mais bien pour servir l’intrigue. De la même façon, les introspections de Gia sont bien amenées, elles nous aident à comprendre sa personnalité, mais également le monde qui l’entoure, son passé, ses espoirs, ses craintes, ses préoccupations. 

A travers ses yeux, on rencontre d’autres personnages tout aussi authentiques, tout aussi attachants pour certains, plus antipathiques pour d’autres, mais toujours essentiels. Ici, Gia ne mène pas son combat seule, mais accompagnée : elle n’est pas celle qui mène l’action, elle l’accompagne. Gia aide autant qu’elle est soutenue, elle donne autant qu’elle reçoit de quelqu’un d’autre. Gia est le maillon d’une chaine, à la fois essentiel et insignifiant : c’est la cohésion des maillons qui forme la chaine, pas la présence d’un maillon seul. Et au bout du chemin, au bout du tunnel, se trouve l’objectif ultime qui fait battre à l’unisson tous les cœurs : la liberté, mais aussi l’égalité. La vérité sur laquelle on pourrait creuser les fondations d’une société nouvelle, plus juste, moins oppressante. Une société où la peur ne guiderait pas les pas des uns et la haine ceux des autres. Une société unie, guidée par la lumière du soleil et non par les ténèbres d’une mythologie ancienne.

Ode à la liberté et à l’égalité homme-femme, hymne à l’amour fraternel et à l’amitié, Sang-de-lune est surtout une dystopie où l’action se mêle habilement à l’émotion, un roman à la narration soignée et aux personnages étudiés, en bref, une histoire dont on ne sort pas indemne. C’est à la fois beau et cruel, doux et violent, lumineux comme l’espoir et sombre comme l’oppression. On suit les aventures d’une jeune fille clouée au sol par les traditions ancestrales, mais dont le cœur est celui d’un oiseau : aspirant à étendre ses ailes pour prendre son envol vers la liberté.

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