Editeur : Yves Michel
Nombre
de pages : 230
Résumé : Au milieu du XXIe siècle, deux jumeaux plus
rivaux que complices explorent ensemble le passé de leur mère, dans l’espoir de
découvrir qui est ce père inconnu qu’elle a rayé de son existence quarante ans
auparavant. Leurs recherches tournent à une véritable enquête. Chacun à sa
manière, tous les membres de cette famille très étrange sont des « cas d’école »,
reliés par une caractéristique commune : ils ont été profondément marqués par
leur éducation et leur parcours scolaire.
- Un petit extrait -
« À la récréation, je me suis fait allumer… Zorn m’a chopée et m’a entraînée dans un coin de la cour pour me passer un savon. D’après lui, il ne faut jamais admettre devant les élèves qu’on s’est trompé, sinon ils perdent toute confiance dans l’enseignant, qui ne peut plus être le « modèle fort » dont ils ont besoin. Je lui ai fait observer que je m’étais bel et bien plantée, et que ça se voyait à trois kilomètres que j’étais à côté de mes pompes. [...] Zorn m’a expliqué que dans ce cas, j’aurais dû dire que j’avais fait des fautes, exprès, « pour voir s’ils étaient attentifs ». N’importe quoi ! Et les prendre pour des cons, ça renforce leur confiance dans l’adulte, peut-être ? Pour moi, développer ce genre de mensonge est triplement grave : soit les gamins comprennent instantanément qu’on les dupe et ils sont écœurés, soit ils croient toute leur vie aux salades qu’on leur sert et on en fait des êtres naïfs faciles à manipuler, soit ils se « réveillent » un beau jour, après s’être fait balader des années. Là, ça fait super mal et leur confiance en l’autre (et dans l’institution !) risque fort d’être détruite à tout jamais. Tout ça pour ne pas reconnaître que tout le monde est faillible, les maîtres aussi bien que les élèves. »
- Mon avis sur le livre -
Face à la croissance exponentielle et
ininterrompue de ma pile à lire, qui déborde désormais d’un peu partout dans ma
chambre, il m’a fallu mettre en place une stratégie inflexible : derniers
arrivés, premiers lus, véritable travail d’archéologie livresque pour atteindre
progressivement les strates les plus profondes de cet abime d’achats
frénétiques. Ajoutez à cela une alternance entre les services de presse et les
lectures personnelles, et vous aurez un bon aperçu de mon fonctionnement actuel
pour sélectionner mes prochaines lectures. Mais même sans cette organisation
pour l’instant plutôt efficace, je dois bien admettre que Cas d’école n’aurait pas eu à patienter bien
longtemps : trônant fièrement en haut de la pile ayant élu domicile sur le
coin de mon bureau, il ne cessait d’attirer mon regard depuis son arrivée, et
j’ai dû prendre sur moi pour ne pas envoyer valser ma lecture précédente pour
m’y plonger aussitôt !
Depuis des années, Ermina n’a plus que des
contacts intermittents avec son frère jumeau Félix, qui l’a toujours considérée
comme une rivale et la jalouse farouchement, et complétement inexistants avec
sa mère Isabelle, qui lui a clairement fait comprendre qu’elle ne sera de
nouveau la bienvenue chez elle qu’une fois qu’elle aura « un mari et un
vrai métier ». Mais après le décès de cette dernière, les deux jumeaux se
retrouvent face à face dans la maison maternelle, et alors les langues se
délient et les liens se renouent, progressivement, au fil des conversations.
Après la trouvaille d’une valise scellée estampillée « à jeter telle
quelle, ne pas ouvrir » - ordre qu’ils ne suivront pas, bien entendu -,
Félix et Ermina découvrent une facette de la vie de leur mère dont ils
n’avaient jamais soupçonné l’existence … et s’interrogent plus vivement que
jamais sur l’identité de leur père, dont ils ne savent absolument rien.
Vous l’aurez compris, ce roman est avant tout
une histoire familiale, une histoire basée sur les non-dits, les secrets, les
mystères. A travers la lecture du journal intime de leur défunte mère, Ermina
et Félix se rendent compte qu’ils ne connaissaient au final que si peu de
choses d’elle … mais aussi que ce passé qu’Isabelle tenait tant à enfouir est
peut-être la clé qui leur permettra de découvrir, enfin, l’identité de leur
père qu’elle leur a toujours cachée. Chapitre après chapitre, les jumeaux se
rapprochent de l’issue de cette enquête acharnée qu’ils mènent depuis leur plus
jeune enfance, par des questions incessantes, par l’inspection infructueuse du
livret de famille, par des visites à la maternité où ils sont nés, au rectorat
… Et lorsqu’arrive enfin le moment fatidique, lecteur comme protagonistes
restent complétement hébétés face au grandiloquent « Je suis ton père »
qui surgit au détour d’une page. Petit moment de flottement dans mon
cerveau : ai-je bien lu ? Comment cela est-ce possible ? Mais
quelle sorcellerie est-ce-là ? Quelle révélation inattendue ! Ajoutez
à cela le chapitre 18, burlesque à souhait, qui a fait bondir de joie la
comédienne amatrice que je suis, et vous comprendrez que l’auteur nous offre
ici un roman plein d’humour et de vitalité !
Mais Michel Hutt ne serait pas Michel Hutt s’il
se contentait de raconter seulement une histoire et ne proposait pas à ses
lecteurs un second niveau de lecture, bien plus sérieux. A travers cette
histoire, il aborde donc l’épineuse question de l’éducation, qu’elle soit
nationale ou parentale d’ailleurs. Par l’intermédiaire du journal d’Isabelle,
c’est l’enseignement tel qu’il est aujourd’hui pratiqué qui se voit décrit, et
croyez-moi le portrait n’est pas bien flatteur - bien qu’il soit
malheureusement criant de vérité et qu’il semble complétement ubuesque par
moment (depuis que je suis toute petite, je me dis que la logique de
l’Education Nationale est tout sauf logique, justement …). Que ce soit du côté
des élèves comme de celui des profs, l’épanouissement et l’enthousiasme sont
loin d’être au rendez-vous … Pourquoi ? Et surtout, comment y
remédier ? Voilà les deux grandes questions qui sont au cœur de ce récit,
roman d’anticipation qui « esquisse le portrait d’une école plus
efficace », pour reprendre les mots de la quatrième de couverture. S’inspirant
de diverses pédagogies alternatives, Michel Hutt nous propose ici un système
scolaire moins enfermant, moins stigmatisant, mais surtout bien plus
épanouissant et par la même occasion bien plus attrayant ! Imaginons
l’école de demain, voilà ce à quoi nous invite ce livre !
En bref, vous l’aurez bien compris, Michel
Hutt a encore frappé et c’est de nouveau un coup de cœur pour ce roman simple
et profond à la fois ! Par le biais d’une histoire aussi émouvante que
surprenante, pleine d’humour et de surprises (mention spéciale aux
interventions de Johnny-le-perroquet), notre fabuliste moderne pointe du doigt
les dysfonctionnements de notre système éducatif afin de proposer une
alternative plus humaine et plus épanouissante. Un livre à offrir sans
distinction aux parents, futurs parents, institutrices, oncles, cousines,
voisins, coiffeuses, boulangers … Je m’égare, pensez-vous ? Mais point du
tout ! Ce que je veux dire, c’est tout simplement que ce roman ne s’adresse
pas qu’aux enseignants, mais bien à tous ceux que l’avenir de nos enfants
préoccupent … ou, bien, plus généralement, à ceux qui aiment les perroquets.
Ce livre
a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus
d’explications sur cet article)
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