Editeur : Autoédition
Nombre
de pages : 297
Résumé : Nous sommes à l’époque tragique où la
sorcellerie se faisait femme. Découvrez l’histoire d’Alayone, une petite fille
qui grandira à l’ombre du Malleus Maleficarum, manuel écrit par un moine inquisiteur haineux à l’origine de plus de
60 000 condamnations pour hérésie, et qui apprendra son existence bien plus
tard à ses dépens. Son tuteur, l’évêque de Chalons, lui enseignera la
théologie. Elle sera également instruite sur d’autres sciences qui sont
condamnées par l’Église comme l’astronomie, l’étude des pierres à venin ou
l’agronomie que lui transmettra une guérisseuse.
Un grand merci à Marie-Laure
König pour l’envoi de ce volume.
- Un petit extrait -
« Gens du village qui cherchiez la lumière et la chaleur du soleil vous allez vous enfoncer dans les ténèbres. Vous avez souhaité de l’aide afin que l’on vous débarrasse du démon qui a détruit vos récoltes et décimé vos troupeaux, et voici que vous l’invitez à votre table. Il vous prendra vos femmes, car il les regarde avec mépris. Elles ne sont pour lui que chemises à retrousser pour vous faire oublier votre faim, et tandis que le ventre des femmes se remplira, le vôtre restera vide. »
- Mon avis sur le livre -
J’ai beau être une grande passionnée d’histoire,
je ne lis pas beaucoup de romans historiques. C’est paradoxal, je le sais, mais
j’ai une « bonne » excuse : je suis très exigeante vis-à-vis de
ce type de récits, et rares sont ceux qui remplissent mes critères. Ainsi, si j’aime
les ouvrages bien documentés, qui s’efforcent de respecter au mieux la réalité
historique et de ne pas faire d’improbables anachronismes, j’apprécie également
quand ces romans osent se détacher un peu de cette même réalité historique pour
proposer au lecteur une histoire originale. Au final, donc, j’aime les récits
qui s’inscrivent dans un cadre historique bien précis, mais pas forcément
celles qui ne font que paraphraser les manuels d’histoire sans rien y ajouter
de fictionnel … Les meilleurs romans historiques sont donc, à mes yeux, ceux
qui ont su trouver un bon équilibre entre ces deux versants, entre cette
cohérence historique et cette exigence romanesque ...
1478. Désormais orpheline de mère, la petite
Alayone, huit ans, entre au service de l’évêque de Châlons, qui s’efforce en
réalité d’instruire et de protéger la petite fille. En effet, malgré son
éducation très pieuse, les lectures qu’affectionne la fillette sont loin d’être
autorisés au sexe féminin : ouvrages de médecines, romans de chevalerie et
d’amour courtois de Chrétien de Troyes … La guérisseuse lui apprendra également
le pouvoir des pierres et des plantes, sciences que l’Eglise apparente à la
sorcellerie. Ajoutez à cela son amitié pour un loup puis un chat noir, et vous
comprendrez que l’évêque a toutes les raisons que s’inquiéter pour sa protégée,
d’autant plus que le cruel inquisiteur à l’origine du Malleus
maleficarum parcourt la
région en condamnant sauvagement nombre de femmes accusées à tort de
sorcellerie … Malgré son intelligence, notre jeune héroïne est en effet bien
ignorante de certaines réalités de ce monde, bien naïve et insouciante, et elle
risque bien de se retrouver en de fâcheuses positions si l’on ne fait pas
attention à elle.
Ce roman nous propose une narration très
singulière et surtout très protéiforme : extraits de journaux intimes et
lettres côtoient prières et fragments du Malleus maleficarum et autres ouvrages d’époque … le tout étant
complété par l’intervention régulière d’un narrateur assez particulier mais
particulièrement sage. Petits bouts par petits bouts, le lecteur reconstruit
ainsi le puzzle de l’histoire, et j’ai vraiment apprécié cette diversité de
points de vue qui, réunis, nous donnent à voir l’action dans son ensemble et
pas uniquement à travers le regard d’Alayone seule. Mention spéciale à ce
narrateur inattendu, qui est indéniablement mon personnage préféré ! Autre
particularité « formelle » de ce roman : sa langue. L’auteur a
fait le choix de narrer ce récit en usitant d’un vocabulaire d’époque afin de
faciliter l’immersion du lecteur dans l’ambiance du récit … C’est tout à son
honneur, mais la mayonnaise n’a pas pris chez moi : pour avoir lu dans le
cadre de mes études nombres d’extraits d’ouvrages en ancien français, j’ai
relevé un certain nombre de maladresses grammaticales qui ont quelque peu
contrarié ma lecture. L’intention était bonne, mais sa mise en œuvre ne m’a pas
convaincue …
Heureusement, l’histoire était là pour sauver
la donne ! Après un prologue particulièrement intrigant, que nous ne
comprenons qu’à la toute fin du récit, l’histoire commence sobrement : une
petite fille se retrouve orpheline de mère et devient la petite protégée d’un
évêque aussi bon que généreux. Et puis, progressivement, au fur et à mesure qu’elle
grandit, les choses se compliquent : elle tombe amoureuse du moine
Guillaume, de dix ans son ainé, devient l’amie d’un loup qui finit par la
blesser malencontreusement et qui est tué en représailles … Nous accompagnons
Alayone au fil de son adolescence, nous suivons ses états d’âme, ses joies, ses
peines, ses envies, ses craintes … Alayone est terriblement attachante, et c’est
un déchirement de la voir malheureuse, chose qui arrive malheureusement assez
souvent puisque tous ceux à qui elle s’attache finissent par lui être arrachés …
à cause du Malleus maleficarum, dont l’ombre plane du début à la fin du récit.
Bien que présenté comme « un roman d’amour
et d’amitié », ce roman est cruel. La chasse aux sorcières est une période
bien sombre de notre histoire, si sombre d’ailleurs que mes cours d’histoire en
théologie passent très rapidement dessus - c’est une sombre époque également
pour la chrétienté, qui se fit complice de terribles tortures et de
condamnations qui n’avaient pas lieu d’être. Ce roman, il montre bien à quel
point ces simulacres de jugement étaient profondément cruels et surtout
injustes, à quel point ces milliers de femmes ont été condamnées sans raison :
elles avaient un chat noir, elles préparaient des infusions en s’aidant de
plantes mais aussi de pierres aux vertus médicinales … Ames sensibles, passez
votre chemin, certains chapitres sont tout simplement atroces, car même si les
descriptions sont elliptiques, elles suffisent amplement pour que le lecteur
soit submergé par toute l’horreur de ces condamnations, œuvres de sauvageries
haineuses et vengeresses plus qu’autre chose. Adeptes des « happy end »,
détournez le regard, car vous n’en trouverez point ici : malgré un
retournement de situation final que je trouve très artificiel, malgré la
dernière phrase de notre étrange narrateur qui semble nous inviter à ne pas s’apitoyer
sur son sort, et bien ça reste vraiment sombre, comme récit ! Que de
morts, que de souffrances, que de cruauté …
En bref, il y a ici un grand déséquilibre
entre fond et forme : j’ai apprécié le fond, c’est-à-dire l’intrigue,
délicat mélange entre réalité historique et histoire de fiction, mais je suis
plus mitigée face à la forme, en particulier l’utilisation souvent maladroite
des tournures de l’ancien français. A la limite du roman documentaire, cet
ouvrage a pour principal mérite de nous éclairer sur une période de l’histoire
dont on croit connaitre beaucoup mais qui est finalement fort peu étudiée. L’intrigue
est donc fort peu complexe, très rectiligne, centrée sur un seul personnage
principal que nous voyons grandir au fil des chapitres, et qui n’est finalement
qu’une victime parmi tant d’autres de la cruauté humaine. On s’attache très
rapidement à Alayone, et même si on sent confusément dès le début qu’un drame
va se jouer sous nos yeux, on a envie de croire jusqu’au bout qu’elle n’en sera
pas au cœur, parce qu’elle n’est finalement qu’une jeune fille si innocente, si
pleine de vie et de rêves … Un livre qui se lit facilement, rapidement, aussi
instructif que captivant. Je regrette toutefois quelques problèmes de mise en
page probablement dus à l’utilisation intensive de notes de bas de page (des
pages à demi vides car un paragraphe entier a été chassé à la page suivante,
par exemple) : ce sont des détails, mais ça contrarie un peu la fluidité
de la lecture !
Ce livre
a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus
d’explications sur cet article)
Bonjour Marie,
RépondreSupprimerMerci pour cette chronique, mais permettez-moi juste une remarque :
En ce qui concerne l'utilisation du vieux français. Vous êtes une minorité à avoir étudié le vieux français alors que mon roman s'adresse à une majorité. Si j'avais écrit en vieux français de façon traditionnelle, seule l'élite y aurait compris quelque chose. C'est une chose que vous appuyez encore à la fin de votre chronique. J'ai juste voulu que le lecteur se sente immergé dans cette époque par quelques phrases et mots de vocabulaire anciens écrits ça et là et peu importe que les tournures ne soient pas écrites dans le respect de l'art. Ici, par vos propos, le lecteur va croire que le roman est écrit en vieux français et de surcroît mal écrit. Et c'est également mon style d'écriture qu'il faut je pense respecter. Effectivement, il y a des tournures bancales, la plupart dîtes par le moine Richard, c'est un fait exprès, cela fait parti de son personnage et appuie le fait qu'il ne soit pas à l'origine cultivé, que c'est un gamin des rues. Mais vous vous êtes rattrapée en disant : "Heureusement, l’histoire était là pour sauver la donne !"
Ce roman a l'air sympathique dans son fond, mais mon gros soucis avec les romans auto-édité c'est la forme : écriture, intrigue parfois un peu trop simple, etc. Du coup j'hésite beaucoup à le lire à la lecture de ta chronique, est-ce que tu penses qu'une lectrice hyper exigeante sur le style apprécierait la lecture ou non ? Parce que l'univers présenté et le contexte du récit à l'air génial, mais la forme j'hésite...
RépondreSupprimerVoici d'autres avis sur LivreAddict si ça peut vous eclairer : https://www.livraddict.com/biblio/livre/le-malleus-les-sorcieres-de-sarry.html
RépondreSupprimerPardonnez-moi mais je trouve que cette chronique n'est pas du tout le reflet du livre. Que faites-vous de l'amitié qui uni frère Guillaume et Alayone ? Ils se partagent tout de même les cendres de leur amie commune, se jurant de toujours veiller l'un sur l'autre. Et on vois bien à la fin que c'est une promesse tenue. Et vous oubliez toute la seconde partie du livre consacré à son grand amour Tristan ! Elle fugue la nuit pour le retrouver, il lui fait découvrir Paris, il lui écrit des poèmes, il ne veut pas l'embrasser avant le mariage, il fait deux pèlerinages pour reconquérir son cœur, il l'enlève pour lui épargner le couvent et se marier !! Vous parlez comme si tout était noir dans ce livre alors qu'il n'y a que deux passages où on entre dans la réalité du sujet. Et quand à la remarque du vieux français, c'est un peu prétentieux. Ce livre est écrit en français moderne avec des tournures et du vocabulaire qui nous font voyager dans le temps. Point barre, pas besoin d'aller chercher plus loin. Ce roman est un petit bijou où chacun y voit ce qu'il veut mais il y a de l'amour et de l'amitié en veux-tu en-voilà. Et aussi de l'amour paternel. Alayone à trois pères : son véritable père qui est un peu philosophe, l’évêque de Chalons qui est bien veillant et le chanoine Richard, le rebelle. Vous l'aurez compris, je ne partage pas le point de vu de quand les livres étaient mots.
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