mercredi 9 janvier 2019

Le garçon et la ville qui ne souriait plus - David Bry


Le garçon & la ville qui ne souriait plus, David Bry

Editeur : Lynks
Nombre de pages : 356
Résumé : Romain fuit chaque nuit sa demeure bourgeoise et confortable, pour rejoindre la Cour des Miracles où vivent les anormaux – fous, difformes, obèses, et autres parias parqués là par les Lois de l’Église. Le soir de ses quinze ans, il découvre qu’un terrible complot vise les habitants de la Cour. Des coupe-gorges de Mouffetard aux ruines de Notre-Dame, il devra compter sur son ami Ambroise, sur Joséphine, Lion et Akou, pour lever le voile sur la conjuration et échapper aux terribles Lames Noires, à la solde de l’archevêque de Paris. Dans un monde assombri par la peur et l’intolérance, le salut peut-il venir de quelques adolescents en quête d’amour et de liberté ?

Un grand merci aux éditions Lynks pour l’envoi de ce volume et la petite box qui va avec !

- Un petit extrait -

« En ce onze novembre mille huit cent huit, la nouvelle loi relative à la stabilité de l'Empire ordonne : Que soit créée la Police de la Norme ; Que cette Police de la Norme arrête toute personne coupable de difformité physique ou mentale, de toute maladie de même nature ainsi que de toute conduite ou mœurs contraire à la Nature ; Que tout citoyen permettant la découverte d'un individu présentant des troubles d'anormalité soit récompensé d'un quart d'once d'or. »

- Mon avis sur le livre -

Je suis intimement persuadée que les auteurs sont des magiciens. Comment pourrait-il en être autrement ? A travers de simples lettres, regroupées en mots, eux-mêmes liés en phrases pour former paragraphes, chapitres et ouvrages, ils parviennent non seulement à nous faire oublier le monde qui nous entoure pour nous faire vivre d’extraordinaires aventures aux côtés d’êtres de papier, mais arrivent également à nous chambouler, nous bouleverser, nous métamorphoser … sans que nous ne comprenions pourquoi ni comment. Vous lisez, tout simplement, vous vous laissez entrainer par l’histoire et lorsque vous tournez la dernière page, vous n’êtes plus tout à fait le même. Une petite part du récit est restée gravée dans votre cœur, et vous a transformé : il y a un « avant » le livre, et un « après ». Il est souvent difficile de distinguer ce qui a changé au cours de la lecture, mais c’est indéniable, ce livre vous a marqué à jamais … Ai-je besoin de préciser que La garçon et la ville qui ne souriait plus fait partie de ces « lectures magiques » ?

Chaque nuit, tandis qu’approche le couvre-feu, Romain quitte en cachette sa riche demeure et traverse la Seine à la nage pour rejoindre la Cour des Miracles, où sont parqués les anormaux rejetés par la loi de la Norme édictée des décennies plus tôt par l’Archevêque de Paris. Perché sur l’une des tourelles des ruines de Notre-Dame, il observe les danses et les rires de ces parias de l’Eglise et de l’Empire. Lors de la fête mondaine organisée par sa mère pour ses quinze ans, le jeune homme avide d’amour et de liberté découvre par hasard que les jours de la Cour sont comptés … Bien décidé à empêcher ce massacre, Romain averti les habitants de la Cour du danger qui les menace, et jure de les aider à s’en sortir. Même si cela signifie trahir les siens et risquer tout, jusqu’à sa vie …

Véritable uchronie dystopique, ce roman nous plonge au cœur d’une société dictée par les Lois de la Norme. Ces dernières, édictées au nom de la stabilité de l’Empire, interdisent aux nains, fous, homosexuels, malformés, obèses, défigurés et autres anormaux, êtres damnés et rejetés par Dieu lui-même, de se mêler à la population. L’occasion pour le lecteur de réfléchir à ce qu’est la normalité, à la peur de la différence, au pouvoir des lois et à la force des jugements d’autrui … C’est un livre qui révolte : comment une mère peut-elle abandonner son enfant malade à cause d’une loi ? comment un époux peut-il faire interner sa femme morte de chagrin uniquement pour conserver son poste ? Pour l’étudiante en théologie catholique que je suis, c’est également un livre qui fait écho aux plus sombres facettes de l’Eglise au fil de son histoire … Dogme fait foi, mais que faire lorsque les dogmes, créations d’hommes soumis aux appétits humains, s’opposent aux fondements-mêmes de la foi ? Que faire, surtout, lorsque le pouvoir temporel légifère à partir de ces dogmes ? Que faire face à une loi profondément injuste et inhumaine, humiliante et déshumanisante ? De quel droit un homme peut-il s’arroger le pouvoir de vie et de mort sur autrui, simplement parce qu’il est malade ou obèse ?

Romain, notre jeune héros, vit sous le joug combiné de cette société normalisée et de sa mère obsédée par la bienséance et les relations mondaines. Je me suis très rapidement attachée à ce jeune homme, tiraillé entre sa volonté de ne pas décevoir ses parents et son irrésistible besoin d’amour et de liberté … Car contrairement à ce que pense Akou, Romain a beau vivre dans une riche demeure et avoir « tout », il lui manque l’essentiel : la possibilité d’être pleinement lui-même, sans rien avoir à cacher à quiconque. Car derrière la course contre la montre dans laquelle est entrainé Romain pour sauver la Cour des Miracles et ses habitants du terrible complot de l’Archevêque se cache une quête bien plus profonde … Romain est à la recherche de sa propre identité, du sens à donner à son existence. Il n’existe plus uniquement dans la confrontation aux attentes maternelles ou pour la recherche de la fierté paternelle : il existe par et pour lui-même, libre de faire ses propres choix et d’affirmer ses propres opinions. J’ai beaucoup aimé son courage mais aussi sa sensibilité, sa fragilité, sa maladresse également …

Mais ce livre, c’est également un page-turner incroyablement captivant, où complots et trahisons se mêlent et s’entremêlent, où l’on ne sait plus à qui se fier et de qui se méfier. Le temps presse, la tension monte, et chaque page nous rapproche un peu plus du dénouement que l’on pressent explosif et déchirant. C’est un livre qui se dévore, le cœur battant, le souffle court. On tremble pour Romain et Lion, pour Joséphine et Akou, pour le petit Zacharie et pour Ambroise. S’en sortiront-ils tous vivants ? Réussiront-ils à stopper la terrible machination qui menace la Cour des Miracles ? Page après page, chapitre après chapitre, la situation semble de plus en plus désespérée, et on se demande bien comment ils vont parvenir à venir à bout des manigances des grands de ce monde … Des phrases courtes et percutantes viennent compléter le tableau pour offrir au lecteur une histoire au rythme effréné et haletant, riche en mystère, suspense, action et émotion !

En bref, vous l’aurez compris, ce livre est tout simplement extraordinaire, et il ne fait aucun doute que je m’en souviendrais bien longtemps ! L’auteur nous offre ici une histoire atypique et puissante qui évoque avec brio la quête de liberté et d’identité, la différence et l’adolescence, qui nous fait passer par une ribambelle d’émotions et qui nous happe du début à la fin … Je vous invite donc à vous jeter sur ce livre si vous le croisez dans une librairie, à vous installer bien confortablement avec un monticule de gâteaux à vos côtés afin de pouvoir vous plonger à corps perdu dans ce récit mené à tambours battants ! N’hésitez pas, également, à l’offrir un peu partout autour de vous, car ce livre mérite vraiment d’être connu …  C’est une vraie pépite littéraire, et en plus la couverture est absolument magnifique ! N’attendez plus !

Ce livre a été lu dans le cadre du Tournoi des 3 Sorciers
(plus d’explications sur cet article)

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