mercredi 16 janvier 2019

Sommeil aboli - Christophe Mogentale


Sommeil aboli, Christophe Mogentale

Editeur : Librinova
Nombre de pages : 286
Résumé : Après la catastrophe de Chanoo, la guerre civile fait rage au sein du monde de Nanek. Trois hommes s’allient dans la volonté de créer un monde meilleur. C’est ainsi que la cité-bulle de Machia voit le jour. Sa spécificité ? Le Sommeil Aboli, une pilule obligatoire qui neutralise votre besoin de sommeil. Le temps vous appartient désormais, mais plus celui de rêver. Considéré comme un loisir illégal, ce que l’on appelle dorénavant les drims, est devenu une nouvelle drogue. Arty Halfidre est un drimeur, brisant les règles du Sommeil Aboli, il vend ses propres rêves. Travaillant entre Machia et les extérieurs, il se retrouve impliqué malgré lui dans les complots qui visent la cité …

Un grand merci à Christophe Mogentale pour l’envoi de ce volume et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.

- Un petit extrait -

« Le rôle d’une société efficace est de rendre ses sociétaires heureux. […] La société n’est rien de plus qu’une volonté collective, éphémère, puisque les gens changent. Ce n’est pas une « super-humanité ». Elle n’a pas à incarner les besoins primaires de ses membres, comme celui de se reproduire et de se propager. Est-ce que Machia assurera notre bonheur après ce que tu as fait ? Non. Tu nous as tous condamnés, mon ami.  »

- Mon avis sur le livre -

Lorsque j’ai commencé la rédaction de mon propre roman, il y a environ un an de cela, j’ai traversé une longue période de doute et de remise en question : mon intrigue n’était-elle pas trop banale, trop « déjà vue », trop « clichée » ? les lecteurs trouveraient-ils un intérêt à un énième roman d’heroic fantasy où le jeune héros est orphelin ? ne serait-ce pas perdre mon temps que de combattre mon perfectionnisme maladif pour coucher laborieusement sur le papier une histoire que nul n’acceptera jamais de lire ? Ce n’est qu’après avoir discuté avec plusieurs autres écrivains en herbe et après avoir épluché nombre de manuels et forums d’écriture que j’ai fini par tordre le cou à ces peurs : au final, tous les auteurs piochent allégrement dans les mêmes archétypes, les mêmes tropes, mais tous écrivent un roman différent … parce qu’on est tous unique ! Le rebondissement final de ce roman – dont je ne dirais rien pour ne pas vous gâcher la surprise ! – sera probablement qualifié par certains de « cliché vu et revu » … mais je l’ai pour ma part trouvé extraordinairement bien exploité et particulièrement cohérent avec l’histoire dans son ensemble. Et en plus, je ne l’ai pas vu venir, preuve vivante de la justesse de son utilisation !

Imaginez une ville qui ne dort littéralement jamais … une ville dont les habitants ne dorment plus. Afin d’offrir à ses citadins tout le temps dont ils ont besoin pour concilier travail et loisirs, vie sociale et vie familiale, la cité-bulle de Machia a rendu obligatoire la prise régulière de comprimés de Sommeil Aboli. Privés de la possibilité de rêver, certains se tournent vers la consommation illégale de drims, enregistrement des rêves des rares rebelles à refuser le Sommeil Aboli … Bien décidé à poursuivre l’œuvre de son défunt père, un des trois pères fondateurs de Machia et créateur du drim, Arty Haldfire est un de ses « fournisseurs » de rêves interdits. Comme tous les Drimeurs, il ignore tout du contenu de ses songes : il est formellement défendu de consommer ses propres rêves. Mais les retours de ses clients sont de plus en plus inquiétants, et le jeune homme se retrouve bien contre son gré embarqué dans une mystérieuse machination …

Je pense ne pas être la seule à regretter de manquer de temps pour faire tout ce que je souhaite : tout comme ma professeure de musique, j’attends avec impatience l’invention de la journée à 48 heures ! Les fondateurs de Machia, bien conscients qu’ils ne parviendraient pas à influencer la vitesse de rotation de la Terre, ont choisi une autre approche pour offrir plus de temps à leurs concitoyens : nous passons plus d’un quart de notre vie à dormir … que de temps gaspillé ! Grâce au Sommeil Aboli, les habitants de la cité expérimentale de Machia profitent de chaque minute de chaque journée ... Mais avoir le temps de s’adonner à tous les loisirs possibles et inimaginables, sans aucune restriction de temps, suffit-il à être heureux ? Est-on réellement libre de faire tout ce que l’on souhaite dans une cité aux lois implacables, où l’on a plus le droit … de rêver ? Comme dans tout système dystopique, le meilleur côtoie le pire, et les beaux idéaux fondateurs se transforment rapidement en dogmes intransigeants … Et comme tout récit dystopique, celui-ci questionne nôtre présent, notre futur, notre humanité … 

On ne va pas se mentir : le début de ce roman est assez lent … un peu trop lent, même. L’introduction traine en longueur, et on se demande quand l’action va enfin pointer le bout de son nez, on s’interroge quant aux enjeux de cette intrigue à peine ébauchée … Et soudainement, sans crier gare, Arty est entrainé dans une spirale infernale de découvertes toujours plus inquiétantes, dans un tourbillons d’événements toujours plus dramatiques. On en oublie totalement la longueur du début, happé que nous sommes par cette déferlante de révélations aux implications toujours plus alarmantes. Et les machinations qu’Arty dévoilent se mêlent et s’entremêlent, le bien et le mal se confondent jusqu’à disparaitre : qui sont les gentils, qui sont les méchants ? y a-t-il des gentils, y a-t-il des méchants ? ou bien n’y a-t-il que des hommes aux rêves aveuglés, aux espoirs brisés, qui s’imaginent détenir la clé du bonheur universel ? Les rebondissements s’enchainent, et alors, plus question d’interrompre sa lecture une seule seconde : on a envie, besoin, de savoir comment tout cela va bien pouvoir se terminer !

Ce livre a cela de particulier qu’il dégage une ambiance vraiment particulière, que je n’ai rencontrée nulle part ailleurs : c’est comme si nous étions suspendus hors du temps … Comme si l’histoire nous glissait entre les doigts, sans jamais se laisser saisir totalement, tel un mirage qui se désagrège lorsque l’on s’approche trop prêt. On se laisse porter, sans vraiment saisir toutes les nuances des nombreuses révélations qui s’imposent à nous, comme si tout cela n’avait finalement aucune importance. C’est un peu comme lorsque vous avez une grosse crise de migraine et que, abruti par les médicaments, vous avez le sentiment de flotter à l’intérieur d’une bulle de coton : le monde tourne autour de vous, mais vous n’en faites plus tout à fait partie … La narration est à la fois épurée et poétique, comme si l’auteur jouait les funambules avec les mots. C’est vraiment une sensation très étrange, agréable mais perturbante …. Quelque chose nous échappe, on le sent confusément, quelque chose d’important pourtant, quelque chose de crucial. Et ce quelque chose, l’épilogue nous le dévoile, et on tombe des nues. Tout s’explique, y compris et surtout cette drôle d’ambiance ! On sait à présent d’où nous vient cette impression aussi familière qu’insaisissable qui nous a titillé durant toute la lecture ! C’est assez « classique », comme révélation finale, mais ici, ça a vraiment un sens, tout en représentant une énorme surprise, donc c’est génial !

En bref, vous l’aurez bien compris, j’ai vraiment apprécié ce roman ! Après un début un peu lent, un peu long, nous voici entrainés dans une histoire rocambolesque et fantasque aux nombreux rebondissements et qui ouvre la voie à de nombreux questionnements forts intéressants. Il m’est arrivé à plusieurs reprises d’être un peu perdue face aux nombreuses découvertes faites par le personnage principal, mais cela ne m’a clairement pas empêchée de profiter de cette histoire ! Je suis vraiment bluffée par la qualité de ce premier roman, qui souffre certes de deux ou trois maladresses narratives sans importance, mais qui offre surtout à ses lecteurs une expérience littéraire vraiment inédite ! Roman à double-niveau de lecture, Sommeil aboli plaira autant aux amateurs de science-fiction qu’aux adeptes de romans atypiques ! Foncez sans hésitation !

Ce livre a été lu dans le cadre du Tournoi des 3 Sorciers
(plus d’explications sur cet article)

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