Editeur : Gallimard
Nombre
de pages : 335
Résumé : Riley, Alice et Paul. Les deux sœurs et
l'ami d'enfance. Voici l'été de leurs retrouvailles. La côte Est des
Etats-Unis, les maisons de vacances, les plages de l'île qu'on connaît par
cœur. Et pourtant tout a changé. Ils ont vingt ans. L'amitié se trouble. Entre
Alice et Paul, une attirance nouvelle s'installe. C'est alors que la tragédie frappe et vient changer le cours du destin
...
- Un petit extrait -
« Alice se demandait si elle était en train de passer à un autre stade de sa vie. "Alors ça y est ? Est-ce qu'on le sait, quand c'est le moment ? Est-ce que je suis prête ? Vais-je y arriver ou bien me défiler ? Est-ce que je le saurai quand je dirai au revoir ? En me retournant, pourrais-je encore voir ce que je laisse derrière moi ?" Elle s'était toujours dit qu'elle le saurait, quand ça arriverait, mais là, tout à coup, elle n'en était plus si sûre. Cela pouvait sans doute se produire de mille manières différentes, sans qu'on en soit forcément conscient. Il n'y avait peut-être pas de rupture, pas de fossé à enjamber. On ne s'oubliait pas d'un seul coup. Peut-être qu'un beau jour, on regardait autour de soi en se disant "Tiens !" et l'on avait franchi le pas. »
- Mon avis sur le livre -
Cet été, lorsque j’ai réfléchi à la question
cruciale du « Que vais-je donc lire pendant ces vacances ? »,
j’ai pris la décision de me concentrer sur des romans qui sentaient bon le
sable, la mer et les histoires d’amour. Oui, j’avais envie d’un peu de légèreté
et de soleil pour me redonner un peu de bonne humeur avant la rentrée ! Et
qui dit été + légèreté dit Ann Brashares ! Je me souviens avoir énormément
apprécié ma première lecture de sa saga Quatre fille et un jean et, plus récemment, Ici et
maintenant fut une
excellente lecture ! C’est pourquoi je me suis plongée dans Toi et moi
à jamais, un livre bien
plus émouvant et profond qu’on ne peut le penser au premier abord …
Alice et sa sœur Riley ont littéralement
grandies au côté de Paul. Tous les étés, la même histoire se répétaient,
inlassablement : réunis sur l’île des vacances, ils s’enferment dans la routine
de leur jeunesse, bien décidés à ne pas laisser les ravages de l’adolescence et
de l’âge adulte les atteindre. Mais les choses ont bien changées, les années
ont passées et cela fait déjà plusieurs étés que les trois amis ne se sont pas
retrouvés. Alors quand Paul fait son grand retour sur l’île, Alice est aussi
excitée qu’anxieuse : malgré tous ses efforts pour étouffer ce sentiment
nouveau, elle est bien forcée de se rendre à l’évidence et d’admettre l’amour
qu’elle ressent pour le meilleur ami de son ainée. Mais Paul est aussi
versatile qu’insaisissable, et leur relation nouvelle va être ponctuée de hauts
et de bas, de pas en avant aussitôt suivis de pas en arrière. Mais tout va être
remis en question le jour où Riley, si débordante de vitalité, va ressentir
pour la première fois une difficulté respiratoire …
Cette histoire est avant tout une belle
histoire d’amour. D’amour fraternel, tout d’abord : Alice aime Riley,
Riley aime Alice, c’est indéniable et indiscutable. Elles s’aiment autant
qu’elles se détestent : Alice envie la vitalité et l’insouciance de son
ainée, et Riley envie l’altruisme et la maturité de sa cadette. Les rôles sont
inversés, ce qui déséquilibre toute la balance de cet amour déjà fragile, de
cette relation pleine de jalousie masquée et de réconciliation éternelle.
D’amour amical, ensuite : Paul et Riley sont les meilleurs amis du monde
depuis leur plus jeune enfance, ils feraient tout l’un pour l’autre, jusqu’à
mentir ou dissimuler la réalité si cette dernière risque de nuire à leur amitié
ou de blesser l’autre. D’amour passionnel enfin, entre Alice et Paul, un amour
bien maladroit et bien fragile. Cet amour est en quelque sorte muselé par
l’amitié qui les lie, par la crainte de tout déstabiliser, par la force de leur
passé qui refuse de laisser la place au présent. J’ai apprécié la richesse et
la profondeur des relations entre ces trois personnages, ce trio aux
personnalités si multiples et si complexes, ce délicat mélange entre ces trois
formes d’amour.
Mais cette histoire traite aussi de la
maladie, et plus particulièrement de l’impact de cette dernière dans les
relations familiales. Une fois le diagnostic posé, tout bascule et la vie
semble s’arrêter aussitôt. Comme toujours, Ann Brashares dépeint avec beaucoup
de délicatesse et de justesse les réactions de chacun : la crainte
constante et la surveillance oppressante des parents qui ne peuvent rien faire
pour protéger leur enfant de la maladie, la culpabilité et la prévenance de la
sœur qui ne sait plus qu’elle attitude adopter, et surtout le choc de la malade
elle-même qui n’a peur que d’une chose, d’être définitivement associée à sa
maladie au point de ne plus être considérée comme la personnalité qu’elle était
jusqu’alors. Il y a aussi les amis et la fatidique question : faut-il les
prévenir et prendre le risque de les voir changer de comportement, ou leur
mentir pour préserver leur spontanéité si rafraichissante ? On s’en doute,
des tensions vont apparaitre au sein de cette petite famille dévastée, et la
force de l’auteur est de parvenir à éviter les clichés, à trouver le juste milieu
entre le dramatique et la douceur.
A mes yeux, un troisième aspect donne toute
sa force et sa profondeur au roman : la question du passage à l’âge
adulte. Nos trois protagonistes entretiennent des rapports bien différents vis-à-vis
de l’idée même de grandir : Riley y est fortement opposée, diabolisant l’âge
adulte et refusant par principe toute évolution, alors qu’Alice se sent prête à
passer le cap, redoutant cependant de trahir sa sœur en s’autorisant à grandir.
Paul, lui, passe aisément de l’adolescent à l’adulte en fonction des circonstances,
véritable caméléon torturé qui ne se sent à sa place ni dans l’enfance ni dans
l’âge adulte. D’une certaine façon, ce roman est un véritable récit d’initiation,
une réflexion très profonde sur cette angoisse intense entrainée par l’idée de
grandir. Il est aussi question de comment savoir que ça y est, le seuil de l’âge
adulte est franchi et la porte de l’adolescente définitivement tournée :
cela se fait-il brusquement ou bien tout en douceur ? quelles expériences
peuvent amener un adolescent à se sentir soudainement adulte ?
Malgré toutes ses pistes de réflexion
particulièrement intéressantes et en dépit de la justesse des mots de l’auteur,
j’ai éprouvé de grandes difficultés à entrer dans l’histoire. La faute au
rythme, d’une lenteur extrême, qui fait trainer en longueur l’intrigue. Ce fut
une belle lecture, car les personnages sont attachants et l’histoire captivante
et émouvante, mais une lecture laborieuse. Plus d’une fois, j’ai eu le
sentiment de tourner en rond, en grande partie à cause des hésitations
incompréhensibles des personnages qui ont la fâcheuse tendance à changer d’avis
comme de maillots de bain ! En voulant décrire avec fidélité la complexité
des sentiments et des émotions de la fin de l’adolescence, l’auteur en a
peut-être fait légèrement trop car ces indécisions permanentes empêchent l’intrigue
d’avancer d’une façon linéaire et cohérente.
En dépit de ce malheureux détail, j’ai
apprécié ma lecture. Comme souvent avec Ann Brashares, le dramatique côtoie la
légèreté et la romance flirte avec le récit initiatique. En nous offrant un roman
compilant des réflexions sur l’amitié, la fraternité, la maladie, l’amour et le
passage parfois délicat à l’âge adulte, l’auteur met en évidence le côté plus
sombre et moins festif de l’adolescence, une période pas toujours évidente à
traverser – comment se définir si l’on est plus un enfant mais pas encore un
grand ? – mais souvent plus difficile encore à quitter … Ann Brashares a
su trouver les mots pour évoquer ces questionnements existentiels en les mêlant
avec poésie avec une histoire d’amour pas si rose que cela mais très poignante.
Une très bonne lecture estivale, moins émouvante que ses autres romans mais
toute aussi captivante !
Ce livre a été
lu dans le cadre du Challenge de l’été 2016
(plus
d’explications sur cet article)
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