Editeur : Bayard Jeunesse
Collection : Millezime
Nombre
de pages : 345
Résumé : Oliver n'oubliera jamais ce jour où sa mère
lui a annoncé son mariage avec un Indien Lakota. Arraché à son pays et à ses
amis, il se retrouve à quinze ans, exilé dans une réserve, en plein cœur de
l'Ouest américain. Pour le meilleur et pour le pire, il apprendra pourtant à
connaître ce peuple fier et courageux qui se bat pour la sauvegarde de son
identité.
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Un petit extrait -
« J’ai beaucoup aimé la danse de Tammy, qui exprimait sa débordante joie de vivre. Elle était heureuse d’être Indienne, cela ne faisait aucun doute. Même si je ne pouvais pas le comprendre, cela me fascinait. Son incroyable gaieté était si communicative que j’ai oublié où j’étais. »
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Mon avis sur le livre -
La culture amérindienne m’a toujours
passionnée, et ce depuis que je suis toute petite, sans que je ne sache
vraiment ce qui a fait grandir en moi cet intérêt dévorant pour ce peuple fier
mais discret, qui tache de préserver son mode de vie sans se replier totalement
sur lui-même. C’est donc tout naturellement que je me suis tournée vers les
romans d’Antje Babendererde, qui a fait de ce peuple son thème de prédilection.
J’ai ainsi emprunté une bonne vingtaine de fois Lune indienne et Le chant des orques au CDI de mon collège avant que mes parents
ne se décident à me les acheter. Mon rêve serait d’avoir une étagère entière
consacrée aux romans consacrés aux indiens d’Amérique, alors si vous avez des
titres à me proposer, n’hésitez pas à le faire en commentaires !
En dépit de l’absence chronique de son père,
toujours par monts et par vaux depuis le divorce, en dépit de la taille
ridicule de l’appartement dans lequel il vit avec sa mère, et en dépit de son
corps maigrichon, Olivier est heureux : il file le parfait amour avec
Nina, avec qui il a construits de beaux projets pour l’avenir. Mais voilà que
sa mère vient réduire en miettes ce programme idyllique en lui annonçant l’inimaginable :
non seulement elle a décidée de refaire sa vie, mais c’est avec un indien
Lakota qu’elle va se marier. Arraché à son pays, Olivier embarque pour les
Amériques, persuadé qu’il ne survivra pas à cet exil au cœur d’une réserve
indienne : vivre dans un tipi, au milieu d’alcooliques permanents, sans la
moindre technologie, très peu pour lui ! D’autant plus qu’il appréhende la
séparation avec sa belle Nina … C’est donc pleins de préjugés, de rancœur et d’amertume
que l’adolescent débarque chez son beau-père, Rodney. Mais Olivier va se
retrouver confronté à des difficultés qu’il ne soupçonnait pas, en particulier
la haine viscérale de Ryan, le fils de Rodney, qui ne semble pas apprécier le
fait d’avoir un blanc comme demi-frère …
Lune
Indienne, c’est avant
tout une belle histoire de tolérance et de respect, une histoire puissante qui
aborde avec beaucoup de finesse des thèmes aussi variés que le racisme, le
dépaysement, les préjugés et la jalousie. D’un côté, nous avons Olivier,
aveuglé par sa colère et sa tristesse d’avoir été séparé de son pays et de ses
amis, qui se barricade derrière une ribambelle de clichés et de préjugés pour
justifier son rejet viscéral de ce nouveau monde qu’on lui impose. Malgré les
efforts et la patience de Rodney, qui fait tout pour le mettre à l’aise, malgré
la bienveillance et la sagesse de Grand-père Joe, qui tente d’ouvrir son cœur à
la beauté de ce pays, Olivier s’obstine à s’apitoyer sur son sort en s’attardant
sur les côtés négatifs de ce qu’il vit comme un exil. De l’autre, nous avons
les jeunes indiens, et particulièrement Ryan, aveuglés par la haine héréditaire
des indiens envers les blancs qui leur ont pris leurs terres, dénigrent leurs
croyances et les prennent de haut, qui vont rejeter toute cette animosité sur
Olivier. D’un côté comme de l’autre, la méfiance et les aprioris empoissonnent
les esprits et aveuglent les cœurs.
Cependant, les choses vont progressivement
évoluer, puis changer radicalement. Aidé par Tammy, sa cousine à la joie
débordante, Olivier va petit à petit sortir de son cocon d’auto-apitoiement
pour ouvrir les yeux sur ce qui l’entoure : les choses ne sont pas si terribles
qu’il ne le pensait. A l’exception de Ryan, toute sa nouvelle famille l’accueille
les bras et le cœur grands ouverts, bien décidés à l’initier progressivement à
la beauté de cette terre et à leur mode de vie, tout en respectant sa nostalgie
et ses réticences face à leurs croyances. Il va progressivement prendre
conscience de l’injustice à laquelle doit faire face ce peuple qui se bat pour
protéger son identité profonde en dépit des attaques répétées du gouvernement
sur leur territoire et leurs droits. Et, sans même s’en rendre vraiment compte,
il va finalement se libérer de ses idées préconçues pour se laisser envahir par
la joie et la sérénité qui font la force de cette tribu si fière et si
solidaire. Dans le même temps, Ryan va lui aussi être amené à se débarrasser de
ses préjugés, en prenant conscience qu’Olivier n’est pas le blanc prétentieux
et hautain qu’il imaginait, mais un adolescent comme lui en dépit de leurs
différences culturelles.
C’est bien ce qui est merveilleux avec ce
roman : il n’y a pas que le personnage principal qui évolue au fil des rencontres
et des événements, les personnages secondaires changent également d’opinion à
son contact. L’auteur a voulu mettre en avant cette indispensable réciprocité
que nécessite le respect : pour que ce dernier puisse germer, grandir et
porter du fruit, il faut que les deux camps soient disposés à le donner et le
recevoir. Plus généralement, ce livre met en évidence l’importance de la
solidarité mutuelle, d’être à la fois l’épaule sur laquelle l’autre peut s’appuyer
et celui qui s’appuie sur l’épaule de l’autre : c’est dans les épreuves
partagées et dans le soutien qu’on peut apporter à l’autre qu’on peut soi-même
trouver la force de se relever. Seul, Olivier n’aurait sans doute pas réussi à
dépasser le stade « c’est nul ici, j’veux rentrer chez moi », et
seul, Ryan ne serait surement pas parvenu à aller plus loin que l’étape « c’est
un sale blanc qui veut s’approprier l’amour de mon père ». A partir du
moment où Olivier a sauvé la vie de Ryan et où Ryan a empêché Olivier de se
faire tabasser, tout s’est soudainement améliorer entre eux, même si les incompréhensions
restent fortes.
Outre cette thématique magnifiquement bien
développée, Lune indienne possède
une ribambelle de points très positifs qui font de ce récit destiné à la
jeunesse un véritable coup de cœur. Tout d’abord, ses personnages. Ceux qui me
connaissent le savent : j’accorde une grande importance à la profondeur et
à la complexité des protagonistes. J’aime quand ces derniers sont suffisamment travaillés
pour être réalistes, quand ils ne sombrent pas dans les clichés et les
caricatures. Et avec ce roman, je suis comblée ! Que ça soit Olivier ou
Ryan, Tammy ou Grand-Père Joe, Rodney ou Susan, ils ont tous une personnalité
riche et unique, leurs réactions sont cohérentes et les relations qu’ils
entretiennent sont très intéressantes à suivre. Je suis tombée sous le charme
de tous ces personnages, qui ont tous quelque chose à apporter au lecteur. Je
pense tout particulière à Boo, dont l’histoire, inspirée d’un fait réel, m’a
vraiment bouleversée. A travers ce personnage si innocent et si attachant, l’auteur
cherche à sensibiliser ses jeunes lecteurs à une terrible réalité qui n’est que
trop peu mise en avant dans la littérature jeunesse.
On le sait, il ne suffit pas d’avoir une
morale pertinente et des personnages attachants pour entrainer un coup de cœur.
Et heureusement pour elle, l’auteur ne s’est pas arrêté là. Car ce récit a un
petit quelque chose en plus, ce genre de petit quelque chose qui fait toute la
différence et qui élève ce roman dans la catégorie des inoubliables : l’émotion
qu’il véhicule page après page. Ainsi, l’intrigue en elle-même est porteuse d’une
multitude d’émotions, du désarroi de l’arrivée à la plénitude du final en
passant par l’enthousiasme, l’angoisse, le ravissement, la douleur et l’espoir.
Il me semble tout simplement impossible de ne pas entrer en empathie avec
Olivier, ébranlé par tous les bouleversements qui rythment sa nouvelle vie et
qui vont le faire grandir si soudainement. Et ces émotions, elles sont aussi
diffusées par la narration, en apparence si simple et si fluide mais finalement
si particulière. Je ne saurai vous dire ce qui la rend si unique, mais cette
plume est vraiment exceptionnelle et retranscris avec beaucoup de finesse les
émotions, les sensations et les sentiments qui rythment les pensées et le cœur d’Olivier.
Et c’est beau, tout simplement. Alors vous imaginez bien qu’entre l’histoire
émouvante et l’écriture troublante, je n’ai pas pu empêcher quelques larmes de
couler de temps à autres !
Lune
indienne, c’est donc un
beau récit initiatique qui, en plus de nous apporter un témoignage troublant de
réalisme sur les croyances, les coutumes et les épreuves qui jalonnent la vie
des Lakotas, nous offre également une très belle leçon d’humanité. Porté par
des personnages d’une profondeur inouïe et par une narration particulièrement
saisissante, ce roman est tout simplement inoubliable. Je le conseille aux
jeunes lecteurs comme aux moins jeunes, à ceux qui sont passionnés par la
culture amérindienne comme à ceux qui apprécient les histoires au message
puissant, ainsi qu’à ceux qui désirent tout simplement passer un bon moment de
lecture. Lune indienne a beau
être un roman assez court, il n’en est pas moins unique et exceptionnel !
A dévorer sans hésitation et sans modération.
Ce livre
a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus
d’explications sur cet article)
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