Editeur : L’école des loisirs
Collection : Medium
Nombre
de pages : 330
Résumé :
Quand on s’appelle Sauveur,
comment ne pas se sentir prédisposé à sauver le monde entier ? Sauveur voudrait tirer d’affaire Margaux, qui se taillade les bras,
Ella, qui s’évanouit de frayeur devant sa prof de latin, Cyrille, qui fait encore pipi au lit, Gabin, qui joue toute la nuit et ne va plus en cours le matin, les trois sœurs Augagneur, dont la maman vient de se remettre en ménage avec une jeune femme … Sauveur est psychologue clinicien. Mais à toujours s’occuper des problèmes
des autres, Sauveur a oublié le sien. Ne devrait-il pas protéger ce petit
garçon, Lazare, 8 ans, son fils, menacé par un secret ?
- Un petit extrait -
« On ne sauve pas les gens d’eux-mêmes, Lazare. On peut les aimer, les accompagner, les encourager, les soutenir. Mais chacun se sauve soi-même, s’il le veut, s’il le peut. Tu peux aider les autres, Lazare. Mais tu n’es pas tout puissant. JE n’étais pas tout puissant. »
- Mon avis sur le livre -
Je pense pouvoir affirmer que j’ai appris à
lire avec L’école des loisirs : les étagères de ma classe de maternelle
étaient remplies d’albums de cette fantastique maison d’édition, et je passais
mes récréations blottie sur un oreiller géant à m’acharner sur ces lettres qui,
au départ, refusaient de me laisser percer leur secret. Mais j’ai
persévéré et, arrivée en CP, j’étais déjà presque capable de déchiffrer seule
un de ces jolis ouvrages, au grand désespoir de ma maitresse qui n’était pas
particulièrement ravie d’avoir une « autodidacte » dans sa classe : à
quoi servait-elle si les enfants se mettaient à apprendre à lire par eux-mêmes ?
Mais je dois avouer que son affliction ne m’a pas perturbé plus que cela
puisque j’étais dispensée de ses longues heures de « b+a=ba » au
profit de longues heures pelotonnée dans le coin lecture à poursuivre mon
exploration livresque … Tout cela pour dire que je garde une certaine affection
pour cette maison d’édition, et que je n’ai donc pas résisté à l’idée de découvrir
cette nouveauté à la couverture si intrigante !
Lazare a huit ans, un meilleur ami appelé
Paul, une nounou appelée Nicole, mais surtout un papa appelé Sauveur et qui,
comme son prénom l’indique si bien, passe ses journées à tenter de sauver les
gens. Sauveur Saint-Yves est psychologue. Depuis quelques mois, dès qu’il
revient de l’école, Lazare se glisse très silencieusement dans la pièce jouxtant
le bureau de son papa et écoute les consultations. C’est ainsi, adossé contre
le mur, qu’il suit les progrès et les rechutes de Margaux, qui se scarifie, d’Ella,
phobique scolaire, de Cyrille, qui souffre d’énurésie, de Gabin – ou plus
particulièrement de la mère de ce dernier, en plein délire paranoïaque – ou
encore des trois sœurs Augagneur qui peinent à admettre que leur mère a quitté
la maison pour se mettre en couple avec une jeune femme. Mais Lazare aimerait
bien que son papa passe un peu moins de temps à s’occuper des problèmes des
autres pour consacrer un peu plus de temps à ceux de son fils, qui doit faire face
à l’hostilité croissante d’une de ses petites camarades, qui clament haut et
fort que sa maman ne peut pas être blanche, puisque lui-même est noir …
Avec ce livre, Marie-Aude Murail a réussi un
pari fou : pourquoi se contenter de raconter l’histoire d’un unique
protagoniste quand on peut entremêler celles de dizaines de personnages ?
La maison d’édition a choisi de présenter son résumé du point de vue de
Sauveur, j’ai quant à moi décidé de le faire par les yeux de Lazare, mais en
pratique, nous suivons dans ce récit une ribambelle de personnages. Et c’est
tout simplement passionnant ! D’autant plus que les pathologies dont
souffrent chacun des petits patients de Sauveur sont très justement décrites, sans
exagération ou stéréotype. Toutes les situations exposées dans ce roman sont
vraisemblables et crédibles, ce qui confère au récit un véritable aspect « documentaire »
sur la psychologie des adolescents, ces adultes en devenir qui doivent bien
souvent endurer de nombreuses souffrances intérieures au cours de ces quelques
années de transition. Que ce soit des conflits familiaux ou identitaires, des
angoisses ou des traumatismes, rares sont les jeunes qui n’ont pas, une fois
dans leur vie d’adolescent, eu l’horrible sensation que tout échappe à leur
contrôle. L’auteur évoque avec beaucoup de justesse cette période de doute et
de révolte, pas uniquement contre les parents mais surtout contre les
bouleversements entrainés par la puberté.
Chaque patient fait donc l’objet d’une
sous-intrigue dont nous suivons l’évolution avec plaisir, sous-intrigue qui se
mêle à l’intrigue générale : celle qui s’articule autour de Sauveur et de
Lazare, des non-dits qui flottent entre eux, du passé qui tente de refaire
surface. Bien qu’armé de ses diplômes de psychologie, Sauveur ne sait pas
comment aborder cette douloureuse réalité avec son petit garçon. Je peux
difficilement en dire plus, car il est bon que vous découvriez par vous-même ce
qui se cache derrière le silence de Sauveur, mais j’ai trouvé cette histoire
aussi bouleversante qu’intéressante. Car on sent bien qu’il ne s’agit pas
uniquement d’une fiction, que l’auteur a voulu faire passer un message. Je n’ai
pas fait de recherches sur le sujet car je fais confiance à Marie-Aude Murail :
il y a une bonne part de vérité dans ce récit. Et c’est vraiment ce que je
trouve fantastique avec ce roman, c’est qu’absolument tout donne le sentiment d’être
réel, qu’il y a une véritable Ella qui a inspiré ce personnage, une véritable
Louise qui a soufflé les pensées de cette dernière, de véritables situations
qui se sont laissées retranscrire dans une fiction. Et un réalisme aussi
impressionnant n’est pas donné à tous les livres, c’est pour cela que je le
souligne !
Malgré toutes ces qualités, j’ai tout de même
quelque chose à « reprocher » à ce livre : sa narration. Je ne
peux pas nier qu’elle est fluide et légère : ça se lit très facilement et
très rapidement. Mais cette légèreté m’a quelque peu dérangée au vue des sujets
abordés : il n’y a absolument rien de léger dans le racisme, la phobie
scolaire, le divorce, et j’en passe. Je suis totalement d’accord avec le fait
qu’il faut un peu de légèreté pour ne pas déprimer le lecteur, mais je crains
que l’auteur ne soit allé un petit peu trop loin. J’ai également compris que l’idée
était de contrebalancer l’évocation de ces thèmes très sombres par une bonne
humeur débordante, que l’objectif était de donner le sourire au lecteur, et je
dois admettre qu’une fois lancée dans l’histoire, je me suis laissée avoir par
cette volonté, mais les premières pages ont été dures. Peut-être parce que certains
des problèmes des patients de Sauveur ne me sont pas inconnus, peut-être parce
que j’ai eu de mauvaises expériences avec des psychologues qui prenaient tout à
la légère, je ne sais pas, mais j’ai trouvé que l’auteur en faisait un petit
peu trop avec son humour dédramatisant.
Mais ce petit détail ne m’a pas empêchée d’être
absolument charmée par ce premier tome, et j’ai d’ailleurs hâte de retrouver
Lazare et Sauveur pour de nouvelles aventures ! Ce roman met effectivement
de bonne humeur, grâce à l’amitié indestructible qui unie Lazare et Paul, grâce
aux déboires de l’institutrice surmenée par les centaines de recommandations
émanant du ministère, grâce aux hamsters qui viennent pointer le bout de leur
nez dans l’histoire … Ce livre est à la fois très sérieux, abordant des thèmes
aussi graves et variés que les attentats, les agressions, le racisme, la quête
de l’identité, et très joyeux, et c’est bien cela qui fait toute sa
particularité. Je ne regrette pas de m’être laissée tenter, alors vous aussi, n’hésitez
plus !
Ce livre
a été lu dans le cadre de la Coupe des 4 maisons
(plus
d’explications sur cet article)
Je l'ai commandé sur Amazon il n'y a pas très longtemps et il devrait arriver demain si tout se passe bien. J'ai vraiment énormément hâte de le lire puisque, tout comme toi, j'ai été touché personnellement par un des sujets traités dans ce roman, ce qui m'a poussé à l'acheter ^^
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