Editeur : Gallimard
Collection : Scripto
Nombre
de pages : 256
Résumé : La vie est facile et légère pour Chris et
Helen. Ils s'aiment. L’univers bascule quand Helen découvre qu’elle est
enceinte. Elle n’a que seize ans. À qui parler, que doit-elle faire? Elle
entreprend de se confier à cet être qui prend peu à peu possession de sa vie,
de son corps, cet inconnu qu’elle commence par rejeter, puis apprend à
accepter. Ses relations avec Chris, avec ses amis, avec ses parents, vont s’en
trouver modifiées. Ses certitudes sont ébranlées.
- Un petit extrait -
« C'est étrange de penser qu'on peut tomber amoureux et ne plus s'aimer, que l'amour peut se transformer en haine, et que ce sont les gens qui nous ont le plus aimé qui nous ferons le plus de mal. »
- Mon avis sur le livre -
Si j’en crois mon petit carnet où je
répertoriais toutes mes lectures lorsque j’étais au collège, j’avais déjà lu ce
livre au cours de mon année de troisième : ceci explique sans doute
pourquoi, lorsque je l’ai trouvé sur les étagères de la bibliothèque municipale,
le résumé me disait vaguement quelque chose. Et, effectivement, au fur et à
mesure de ma lecture, des bribes de mémoire me revenaient … mais cela ne m’a
nullement empêchée d’apprécié ce petit roman, dévoré en l’espace d’une soirée. J’aime
énormément les ouvrages de la collection Scripto, et ce livre ne fait pas
exception : beaucoup d’émotions, une plume fort sympathique, mais surtout,
une thématique grave abordée sans détour et avec beaucoup de délicatesse … ainsi
qu’une couverture vraiment très jolie, simple mais vraiment belle avec ses
couleurs toutes douces !
Cher inconnu
… Voilà comment débutent
toutes les lettres que Chris a entre les mains. Aussitôt, son cœur s’emballe :
est-ce à lui qu’Helen s’adresse ainsi ? est-ce qu’il est devenu à ses yeux ?
Malgré la peine et la colère, le jeune homme commence sa lecture. Et, par l’intermédiaire
de ces missives, il revit les événements des derniers mois du point de vue d’Helen.
Leur amour, simple et innocent. Et puis, l’électrochoc : Helen est
enceinte. Et ils n’ont que seize ans. A la rentrée, Chris devait entrer à l’université,
et Helen au conservatoire de danse. Que vont-ils faire maintenant que ce petit
être grandit dans le ventre de sa trop jeune maman désemparée ? A qui se
confier : les parents d’Helen désapprouvent déjà leur amour, et le père de
Chris reste profondément marqué par le départ de sa femme il y a dix ans. Au
fil des mois, à travers les mots couchés sur le papier, l’adolescente se confie
à ce bébé, qui n’a pas choisi d’exister mais qui est là. Elle raconte les
doutes, les peurs, les regrets … et puis, progressivement, elle raconte aussi l’attente,
la fébrilité, l’amour naissant …
Rarement abordée dans la littérature jeunesse,
la thématique de la grossesse non-désirée à l’adolescence est ici traitée avec
énormément de douceur, de justesse, de délicatesse. A travers les points de vue
entremêlés de Chris et Helen – à travers la narration pour le premier et les
lettres de la deuxième –, le lecteur découvre deux adolescents simples et
banals, l’un aimant la littérature, l’autre la musique, les deux s’aimant tout
simplement. Ils s’aiment comme on peut s’aimer à l’âge de seize ans : sans
se poser de questions. Après tout, le chemin est tout tracé devant eux :
après le lycée, les études, et puis ensuite seulement la vie d’adulte, le
mariage, le travail, les enfants … Que faire lorsque ce programme est
soudainement complétement chamboulé par l’arrivée imminente d’un bébé ?
Pour Chris, si romantique, les choses sont simples : ils ne doivent pas se
quitter, et affronter cela ensemble. Il aime Helen, il l’aime tellement qu’il
est prêt à renoncer à tout pour la soutenir, l’aider.
Mais pour Helen, c’est plus compliqué :
elle n’en veut pas de ce bébé, de cet étranger à l’intérieur d’elle-même, à
cause de qui ses relations déjà compliquées avec sa mère viennent de se
déchirer pour de bon. C’est bien simple : elle ne veut pas être maman, et
elle est profondément en colère. Contre lui, contre Chris, contre elle-même,
contre le monde entier. Et pourtant … et pourtant … Helen, elle l’aime ce bébé,
elle s’en rend compte au moment où on veut le lui arracher, où sa mère a choisi
pour elle qu’elle devait avorter, pour ne pas gâcher sa vie. Ce que je trouve
vraiment très intéressant, dans ce livre finalement très court, c’est l’évolution
des personnages. Confrontés à ce problème qui les dépasse, ils sont obligés de
grandir à toute vitesse. Avoir un bébé, c’est une sacrée responsabilité, et nos
deux amoureux vont tous les deux affronter cette grande question : suis-je
capable d’assumer cette responsabilité ? suis-je prêt à renoncer à mes
rêves pour ce bébé ? Mais également : sommes-nous prêts à être
parents, à choisir de vivre ensemble pour le restant de nos jours, nous qui n’avons
que seize ans et ne voyions pas aussi loin avant cette annonce tonitruante ?
Mais cette histoire ne parle pas uniquement
de la grossesse à l’adolescence : elle parle aussi et surtout de la
maternité. Helen et sa mère ne s’entendent pas bien, sa mère et sa grand-mère
ne se parlent plus. Le conflit est sous-jacent, la tension omniprésente :
Helen a le sentiment de décevoir en permanence cette mère hautaine et exigeante,
et elle sent qu’il se passe quelque chose entre elle et sa grand-mère, cette grand-mère
si peu bavarde, si lunatique, si fragile. Dans cette famille, la maternité est
visiblement quelque chose de très compliquée … Et chez Chris, le constat n’est
pas plus brillant : sa mère est partie avec un autre homme il y a dix ans,
laissant son père seul avec deux garçons. Et lorsque Chris renoue avec elle, c’est
une inconnue qu’il retrouve et non une mère. Celle-ci a choisi de quitter ses
enfants, et ne se sent plus mère depuis bien longtemps. Il y a également sa
tante Jill qui lui confie son secret, un secret qui tourne également autour de
cette thématique … Il y a les sourires qu’Helen remarque chez les jeunes mamans
qui se croisent, comme si elles faisaient partie d’une même communauté. Ce
livre parle du lien qui existe entre une maman et son enfant, un lien qui prend
tellement de visages, tellement de formes, un lien souvent magique mais parfois
difficile à se nouer …
En bref, vous l’aurez compris, ce petit roman
raconte une histoire très touchante, celle de deux adolescents qui se préparent
à devenir parents, celle de deux amoureux qui découvrent qu’ils ne sont plus
deux … mais trois. Sans jamais tomber dans les clichés, avec beaucoup de
douceur et de sensibilité, Berlie Doherty nous offre un récit profond et
puissant sur un sujet grave et délicat. Ici, simplicité rime avec beauté :
la plume est sobre, mais riche en émotions. Les mots expriment les maux avec
tellement de justesse, tellement de délicatesse, que le lecteur a le sentiment
d’être le témoin privilégié de cette histoire pleine de tendresse malgré les
doutes et les peurs. J’ai vraiment beaucoup apprécié ce petit livre, très
émouvant et puissant malgré sa brièveté. Un livre que je conseille bien
volontiers, car la thématique se doit d’être abordée avec les adolescents, et
ce joli roman le fait vraiment très bien …
Ce livre
a été lu dans le cadre du Challenge de l’été 2018
(plus
d’explications sur cet article)
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