Editeur : Rouergue
Nombre
de pages : 73
Résumé : Les parents sont des gens bizarres. Parfois
ils ont de ces lubies ! De peur de ne pas être parfaits, ils font n'importe
quoi. Ceux de Séléna ont soudain décidé qu'elle deviendrait une artiste. Pas
avocate ou médecin ou pilote d'avion ! Non, artiste. Et ils sont prêts à tout
pour ça. Même à lui rendre la vie impossible, sous prétexte que les artistes
ont souvent eu une jeunesse difficile.
- Un petit extrait -
« Elle pensa à tous les gens qu'elle connaissait, et elle constata que trop tôt on les enfermait dans une image, untel serait timide et matheux, untel sportif et drôle. Et les gens obéissent à l'image que l'on a d'eux-mêmes. Ils y collaborent. Parce que c'est plus simple. Parce qu'ainsi on a une place. »
- Mon avis sur le livre -
Régulièrement, ma maman vient me voir pour me
demander de lui conseiller et prêter un nouveau roman, ce que je fais avec
grand plaisir : c’est tellement merveilleux de pouvoir ensuite échanger
avec elle sur nos ressentis respectifs ! En général, donc, je lui propose
des romans que j’ai déjà lu, pour qu’on puisse en parler par la suite. Mais il
y a plusieurs mois maintenant, elle m’a demandé « un petit roman » à
emmener à l’hôpital quand mon petit frère se faisait opérer. J’ai aussitôt
pensé à celui-ci : les éditions du Rouergue sont généralement une valeur
sûre, et au vue du résumé, je me disais que ça pourrait lui convenir, même si
je n’avais pas encore eu l’occasion de le lire à ce moment-là. Elle est revenue
en me disant « bof ». Mince. Autant dire que j’étais nettement moins
impatiente à l’idée de le lire, après cela ! Mais comme en ce moment, j’ai
envie et besoin de tout petits livres, et que la couverture est tout de même
superbe, je me suis lancée. Et je comprends un peu ce que maman voulait dire :
c’est un roman sympathique, mais pas exceptionnel. Bof.
Comme beaucoup d’adolescents, Séléna doit
régulièrement répondre à la fameuse question qui tue : « que veux-tu
faire quand tu seras grande ? ». Le problème, c’est qu’elle n’en a
absolument aucune idée. Ce n’est pas comme sa meilleure amie, qui sait depuis
toujours qu’elle souhaite devenir astrophysicienne. Avant de réfléchir à ce qu’elle
sera, Séléna a besoin de savoir qui elle est maintenant … Mais on ne lui laisse
pas le temps de se chercher ! En effet, ses parents ont décidé d’accélérer
le mouvement : elle sera artiste, c’est obligée, elle en a toute la
sensibilité. Il suffit juste de l’aider un peu : après tout, tout le monde
sait que les artistes ont vécu une enfance difficile, c’est de leur faute si
elle n’a toujours pas découvert son potentiel et sa passion, ils l’ont trop
dorloté ! Alors, du jour au lendemain, ils décident de tout faire pour lui
compliquer l’existence : fini le chauffage à la maison, fini le chocolat
et autres douceurs, bonjour les cours de piano et les bouteilles d’alcool qui
jonchent le sol ! Séléna se demande jusqu’où ira la folie de ses parents ….
La littérature jeunesse évoque – trop –
rarement cette grande question existentielle, que tout le monde pose aux
adolescents et qu’eux-mêmes se posent régulièrement : que faire de sa vie ?
Quel métier exercer ? Certains savent depuis bien longtemps ce qu’ils
souhaitent, mais pour la plupart, c’est un grand flou artistique : pas de
passion suffisamment puissante pour qu’on veuille y consacrer son existence,
pas d’aspirations ni de compétences particulières. Et au fur et à mesure que les
interrogations des adultes se font plus insistantes, plus pressantes, c’est la
panique : il faut choisir, là, maintenant, tout de suite, immédiatement, et
aucune idée ne se présente ! Alors, parfois, ce sont les parents qui « décident » :
certains de façon très autoritaire, d’autres de manière plus « subtile »
(si tant est que les adultes sachent l’être). « Tu seras avocat mon fils ».
C’est cliché, mais c’est malheureusement plus fréquent qu’on ne l’imagine. Et
le pauvre gamin, perdu, et qui n’a de toute façon pas trop le choix vu que ce
sont les parents qui financent et qu’il n’a absolument rien d’autre à objecter,
est bien obligé de suivre le mouvement. Quitte à tout plaquer une fois arrivé à
l’âge adulte et ayant enfin trouvé sa vocation. Et tout est à reprendre de zéro.
Pour Séléna, les choses sont à la fois
semblables et différentes : ses parents ont effectivement un rêve pour
elle, mais ce n’est pas vraiment celui qu’elle imaginait. « Tu seras
artiste ma fille ». On le sent dès les premiers chapitres, ce petit roman
sera placé sous le signe du décalage, mais aussi de l’absurde et de l’exagération.
Déjà, la passionnée de théâtre que je suis imagine une mise en scène : ce
livre a le potentiel pour fournir une pièce comique à souhaite, burlesque à
souhait. Convaincus que Séléna a besoin d’être « secouée » pour découvrir
sa vocation artistique et faire surgir ses talents, ses parents commencent par
lui offrir un piano, une boite d’aquarelle, un appareil photo, un tour de
poterie, une caméra … et puis, ils s’efforcent de lui rendre la vie impossible,
car les artistes ont toujours une enfance difficile. Chaque idée est plus
farfelue que la précédente, ils s’enfoncent dans un délire que rien ne semble
pouvoir arrêter, tant ils sont convaincus du bien-fondé de leur action. C’est à
la fois drôle, ridicule et effrayant. Car même si l’auteur pousse la chose à l’extrême, et
même s’il a renversé les codes, la folie de ces parents représente la pression
énorme que certains font peser sur les épaules de leurs enfants. Pas forcément
en agissant ainsi (heureusement), mais dans leur insistance, dans leur
aveuglement aussi.
Alors vous allez me demander, pourquoi ce « bof »
exprimé au début ? Effectivement, dit comme ça, l’histoire semble plutôt
sympathique bien que délurée … Mais je ne sais pas, ça ne l’a pas vraiment
fait. Il m’a manqué un petit quelque chose, et cette histoire est juste
loufoque, mais sans plus. Je n’ai pas réussi à m’attacher à Séléna, et je n’ai
ressenti aucune émotion. C’était un livre un peu trop « plat » à mon
gout : entre le début et la fin, pas de changement majeur, hormis la folie
grandissante des parents. Arrivée à la dernière page, je me suis dit « et
alors ? » : tout ça pour ça ? L’auteur ne m’a menée nulle
part, il n’a mené son héroïne nulle part non plus. Peut-être est-ce la faute à
la brièveté du récit, qui ne fait que 73 pages, peut-être que pour bien faire
il aurait fallu un ouvrage un peu plus long, pour qu’on ait le temps de
connaitre et de s’attacher à la jeune fille, et pour que celle-ci ait le temps
d’entamer la réflexion que nous promettent le titre et le résumé. « Plus
tard je serai moi », c’est bien beau, c’est d’ailleurs ce qui m’a attiré
dans ce livre, mais je ne l’ai pas retrouvé dans l’histoire. Et c’est vraiment
ce qui est dommage, c’est qu’on a finalement cette impression d’inabouti, d’inachevé,
comme si l’auteur n’était pas allé au fond des choses, comme si tout cela n’était
qu’une bribe de récit et pas un roman complet. Je suis restée sur ma faim,
voilà le problème.
En bref, vous l’aurez bien compris, c’est une
lecture plutôt mitigée : d’un côté, j’ai apprécié l’idée de prendre à
contrepieds les clichés habituels des parents qui rêvent d’un avenir brillant
pour leurs enfants, et j’ai beaucoup aimé le côté burlesque et ubuesque du
récit, mais de l’autre, il m’a manqué quelque chose pour l’apprécier
réellement. Ça aurait pu être un livre dans lequel les jeunes se retrouvaient –
même si on espère pour eux qu’aucun parent ne sombrera dans la même obsession
que ceux-ci pour imposer leur vision de l’avenir –, mais au final, impossible
de s’attacher ou de s’identifier à Séléna. La thématique de l’orientation
professionnelle est si peu abordée dans la littérature jeunesse que c’est
vraiment dommage que ce roman passe à côté, alors même qu’il semblait le faire …
Je ne sais donc pas trop si je conseille ou non la lecture de ce très court
roman. Je dirai que je le conseillerai volontiers à ceux qui ont envie d’un
récit sans prise de tête, où l’excentricité devient grotesque, mais que je le
conseillerai pas du tout à ceux qui espèrent une réflexion sur cette recherche
de soi-même qui dicte finalement le choix de carrière …
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