Editeur : Scrineo
Nombre
de pages : 329
Résumé : Sora vient d’apprendre qu’elle doit passer
le reste de sa vie à béquilles. Son quotidien se résumera désormais aux cours
au lycée et aux séances de kiné. Elle pourrait s’y faire si Kay, sa grande sœur, tenait le coup ; mais cette dernière, qui a toujours
été la plus forte des deux, est en pleine descente aux enfers. Alors Sora
décide de prendre les choses en main. Objectif : changer sa vie. Son meilleur atout : l’héritage
navajo laissé par sa mère. Un ancien pouvoir de guérison qui pourrait les
sauver, elle et sa sœur. Le problème, c’est qu’elles ne sont pas les seules à
le chercher… et que leur rival est prêt à les suivre au bout du monde pour
parvenir à ses fins.
- Un petit extrait -
« De tous les pas que j’ai faits dans ma vie, ce sont les plus difficiles. Ce n’est pas plus douloureux qu’avant, non – mais ça fait beaucoup plus mal. Car, pour la première fois, je prends conscience que cette souffrance ne me quittera jamais. Et ce qui devait être une parenthèse difficile se transforme en un long tunnel de ténèbres. »
- Mon avis sur le livre -
Quand on fait un tour d’horizon de la littérature
pour adolescents et young-adults, on se dit parfois que tous les sujets
possibles et inimaginables, même les plus incongrus, ont été traités en long,
en large et en travers … Heureusement, certains auteurs sont là pour nous
prouver le contraire, non pas en sortant une nouvelle thématique de derrière
des fagots, mais plutôt en les combinant et en les mettant en scène d’une
manière nouvelle, originale, atypique. Quelques pas de plus est un de ces livres inclassables :
certes, il parle de la maladie et du handicap, mais il n’a absolument rien à
voir avec les romans de John Green qui ont « lancé cette tendance »,
certes, c’est un récit fantastique, mais rassurez-vous, point de créatures
nocturnes comme on en voit tant ces dernières années. C’est en réalité un livre
incomparable, unique en son genre, et ça fait du bien, les histoires qui
sortent des sentiers battus – tout en respectant les règles du genre pour ne
pas trop dépayser le lecteur. Pas trop, car vous allez le voir, avec ce livre,
nous voici parti pour un véritable road-trip américain !
Cela fait déjà un an que la douleur est
devenue la meilleure ennemie de Sora : pas un jour, pas une nuit ne passe
sans que sa cheville ne la fasse souffrir. Elle est donc condamnée à déambuler
jusqu’à la fin de ses jours avec des béquilles, et à choisir entre la
souffrance et l’abrutissement chimique des antidouleurs. Heureusement, il y a
Kay, sa sœur ainée, sa véritable béquille, celle qui s’occupe d’elle, qui par
sa simple présence et ses petits gestes lui redonne de l’énergie et de la
combativité. Alors quand Kay se renferme progressivement dans le silence et la
terreur, l’esprit et le corps empoisonnés par un mal mystérieux, Sora n’hésite
pas une seule seconde : les voici toutes deux en route pour les terres
Navajos de leurs ancêtres, sur les traces de leur mère et de leur héritage
chamanique. Au bout du chemin, un rituel de guérison, utilisable une seule fois
par génération, qui pourrait lui permettre de sauver sa sœur. Mais elles ne
sont pas les seules à vouloir bénéficier de ce pouvoir … et c’est une véritable
course poursuite qui s’engage.
J’ai acheté ce livre sur un coup de tête, et
je l’ai commencé sans savoir à quoi m’attendre : j’avais lu le résumé,
avait croisé la couverture sur quelques blogs, mais sans jamais lire les chroniques
associées. Je savais qu’il était question de handicap et de culture
amérindienne, et cela me suffisait amplement pour avoir atrocement envie de le
lire : ce sont deux sujets qui m’interpellent depuis que je suis toute
petite, et c’est finalement assez rare de les voir associés ! J’étais
vraiment curieuse de savoir ce qu’Agnès Marot nous avait concocté comme
mélange, et le moins que l’on puisse dire, c’est que la recette est parfaite et
bien exécutée : c’est vraiment un bon livre, que j’ai pris un grand plaisir
à lire (et qui m’a tellement captivée que même mon nouveau traitement, pourtant
terriblement assommant, ne m’a pas empêchée de le dévorer en deux jours) !
Alors bien sûr, il y a quelques points sur lesquels je n’ai pas adhérée,
quelques éléments qui m’ont un peu chagrinée, mais ils sont loin d’être
rédhibitoires, car ils sont plus que contrebalancés par toutes les choses
éminemment positives de ce roman !
La première chose, et sans doute la plus
belle et la plus importante à mes yeux, c’est l’amour qui unit Sora et Kay.
Elles feraient tout l’une pour l’autre. Elles se sacrifieraient l’une pour l’autre.
Et c’est d’ailleurs, finalement, la grande tension de ce récit : une seule
pourra être guérie, et les deux sont bien décidées à sauver l’autre. Car Sora,
au terme de ce long road-trip aux accents de quête initiatique, en a désormais la
certitude : autant elle pourra vivre avec la douleur, autant elle ne pourra pas
survivre sans sa sœur. Hors de question pour elle de guérir sa cheville si cela
signifie abandonner sa sœur aux mains de Coyote, figure maléfique des mythes
amérindiens. Mais Sora sait aussi que Kay ne la laissera pas faire … Jusqu’au
dernier moment, on se demande si la jeune fille parviendra à sauver son ainée
malgré elle. Kay veille si farouchement sur sa cadette que cela semble
inimaginable qu’elle la laisse se « sacrifier » pour elle … A mes
yeux, la relation entre les deux sœurs est vraiment LE pilier de ce roman, c’est
ce qui lui donne toute son âme, toute sa force. On le sent, tant qu’elles sont
ensembles, tant qu’elles se soutiennent mutuellement, rien ne pourra leur
arriver, elles sont indestructibles et imbattables. C’est fort, c’est pur, c’est
beau.
Mais de nombreux obstacles se dressent sur
leur chemin vers le rituel navajo qu’elles souhaitent mettre en œuvre. Il y a l’obstacle
« visible » : le Coyote et ses sbires, lancés à leurs trousses
pour les obliger à leur dévoiler le secret du hozho. Il y a Marc, malade, qui veut les forcer à
le guérir. Entre eux et les deux jeunes filles, c’est le jeu du chat et de la
souris, du loup et de l’agneau : c’est à celui qui sera le plus rapide, le
plus malin, le plus fort. Sora et Kay se savent poursuivies, traquées, et elles
passent leur temps à tenter de fuir ces redoutables adversaires. C’est là que
ça pèche un peu je trouve : on retrouve un peu trop régulièrement le
schéma « les filles rusent et parviennent à les semer, elles font ensuite
preuve d’imprudence en se croyant tirées d’affaire, les méchants reviennent, et
retour à la case départ ». Les deux premières fois, ça allait, mais je
trouve que ça manquait un petit peu de diversité questions rebondissements …
et ça manquait donc également de suspense ! Il y a, bien sûr, eu quelques
fois où j’ai poussé une petite exclamation de surprise et de frayeur mêlées,
car je ne m’attendais pas du tout à ce retournement, mais la plupart du temps,
j’ai trouvé ça un peu trop répétitif …
Cependant, les plus grands obstacles sont
intérieurs. Ceux du corps, du cœur et de l’âme. Bien sûr, il y a en premier
lieu le handicap de Sora : difficile d’échapper à ses poursuivants quand
on se déplace avec des béquilles, et que le moindre mouvement de la cheville
fait éclater un feu d’artifice de souffrance. L’autrice évoque ici avec
beaucoup de justesse la question du handicap, du handicap invisible plus
précisément : à travers la fameuse théorie des cuillères (j’aimerai
beaucoup que mon père la comprenne aussi vite que Kay), à travers quelques
scènes de la vie quotidienne (l’affreuse dame du bus), à travers aussi l’évocation
rapide des luttes administratives (vous savez, quand vous tentez de remplir une
demande d’aide financière à la Sécu, mais qu’aucune petite case ne correspond à
votre profil) … Mais il y a également
les peurs, les doutes, les souvenirs qu’on tente d’enfouir profondément. Avec
ce road-trip désespéré, les deux sœurs ne tentent pas uniquement d’échapper à
Coyote, ne cherchent pas uniquement à réaliser ce fameux rituel, mais bien plus
à renouer avec leur héritage, avec leur identité. Derrière cette
course-poursuite se cache un voyage initiatique, sur les terres de leurs
ancêtres, sur les terres de leur mère. Chaque mésaventure, chaque déception,
chaque incertitude, vient nourrir leur progression intérieure. Une sorte de
réconciliation avec le passé pour mieux appréhender l’avenir …
En bref, vous l’aurez bien compris, c’est
vraiment un très beau livre que nous offre Agnès Marot ! Pour tout avouer,
s’il n’y avait pas eu ce problème de répétition des péripéties, et le côté un
peu « embrouillé » de la construction en double temporalité (l’autrice
nous racontant en parallèle ce qui s’est passé « avant le départ » et
ce qui se passe pendant le voyage), j’aurai sans aucun doute crié au coup de cœur !
A cause de ces menus soucis, Quelques pas de plus n’aura été « que » une excellente lecture, portée par une
plume chargée en émotions, qui évoque avec beaucoup de délicatesse la
thématique du handicap, et qui nous fait voyager sur les terres des navajos. C’est
un roman tout simplement captivant, qui se dévore d’une traite, qui vous happe :
combien de fois n’ai-je pas senti mon cœur s’affoler tandis que Marc et ses
compagnons s’approchaient ? combien de fois n’ai-je pas senti les larmes
couler sur mes joues face à une scène particulièrement émouvante ? et
combien de fois n’ai-je pas ri de soulagement quand les deux sœurs se sortaient
d’une situation délicate ? Bref, c’est une histoire qu’on ne lit pas
uniquement, on la vie par procuration !
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